Sans aucun doute l’une des séries les plus originales et les plus alambiquées de la télévision ! La nouvelle saison poursuit allègrement son exploration surprenante du concept d’individualité sur fond de capitalisme exacerbé et de résistance souterraine.
Dans sa première saison, Severance (Dissociation) révélait les rouages mis en place par la compagnie Lumon où, grâce à une intervention neurologique, l’existence des employé.e.s était scindée en deux identités complètement distinctes : la vie professionnelle (une identité nommée « inter ») et personnelle (nommé « exter »). Lorsque les employé.e.s quittaient le périmètre de l’entreprise, ils ne gardaient ainsi aucun souvenir de ce qu’ils y avaient fait, et inversement. Les inters avaient donc le sentiment d’y travailler 24 heures sur 24.
La disparition d’un superviseur a amené l’un de ses collègues, Mark Scout (Adam Scott), à mettre à jour de nombreuses zones d’ombre, en commençant par la nature même du travail absurde (trier des chiffres sur un écran) auquel les employé.e.s consacraient chaque minute de leur existence. La saison 1 s’est conclue alors que Mark découvrait que son exter était marié et qu’il croyait être veuf, alors même qu’à titre d’inter, il croisait tous les jours sa femme au travail.
Dans la saison 2, la dynamique du mur de Chine, entre les personnalités, continue de se complexifier et de s’effriter. Irving (Christopher Walken) et Bert (John Turturro) avaient amorcé une relation amoureuse, mais le départ à la retraite du premier est vécu comme un décès tragique puisque, concrètement, il n’existe plus à titre d’inter. À la suite d’un concours de circonstances, les exters des deux hommes se retrouvent, mais Irving a déjà un conjoint qui semble toutefois ouvert à une relation à trois (ou à cinq, si on compte deux inters et deux exters).
Dans le même ordre d’idée, l’inter de Dylan (Zach Cherry) amorce une liaison avec l’épouse de son exter lorsqu’elle visite l’entreprise : il devient ainsi à la fois l’amant et le cocu de cette relation. Finalement, dans un registre encore plus tordu, l’inter d’Helena (Britt Lower) résiste farouchement aux dictats de la compagnie, tout en se révélant en être l’une des têtes dirigeantes : elle incarne donc à la fois l’ennemi et la résistance qui cherche à l’éliminer.
Mark ignore par ailleurs qu’un traitre se cache au sein de sa propre équipe d’inters puisque la compagnie est prête à tout pour assurer le succès d’une mystérieuse opération, Cold Harbor, dont il semble constituer un élément clé. À quel titre ? Difficile à dire, mais n’y aurait-il pas un lien avec un élevage de chèvres caché dans l’un des bureaux ?
Chaque épisode est empreint de révélations surprenantes et de questionnements existentiels, parfois aux frontières de l’absurde. Certaines scènes, notamment une intervention dans une boîte crânienne, lors d’une tentative visant à restaurer deux personnalités, donnent le frisson, alors que d’autres sont d’un grand lyrisme. C’est plus particulièrement le cas d’un montage de souvenirs, agencé sur la « Valse à mille temps » de Jacques Brel.
La série représente ce qui se fait de mieux à la télévision. Un constat qui se reflète dans une cote Rotten Tomatoes de 97 % pour les critiques et de 79 % chez les spectateurs. Le succès est tel qu’une saison 3 est d’ores et déjà confirmée et en cours de production.
INFOS | Les deux saisons de Severance (Dissociation) sont disponibles sur Apple TV, en anglais et dans deux excellents doublages français, dont un réalisé au Québec.