J’ai pitié. Quand je croise dans le métro des croyant.e.s qui se gèlent le cul pendant des heures dans l’espoir de convertir de nouvelles âmes. Quand je vois les homophobes et les transphobes s’arracher les cheveux, parce que tous les humains ne leur ressemblent pas. Quand j’entends parler des masculinistes qui veulent imposer une vision unique de l’homme, de la famille et du succès. Je me demande comment iels font pour ne pas réaliser à quel point leurs comportements exposent leur faiblesse de caractère.
Commençons par les adeptes de l’évangélisation. Plusieurs fois par semaine, je les vois se tenir en petits troupeaux dans une station de métro. De loin, ces personnes semblent bienveillantes et chaleureuses : le genre avec qui tu voudrais faire du ragoût de boulettes dans une cuisine communautaire pour aider les démuni.e.s. En réalité, elles utilisent leurs temps libres pour convertir des gens à leurs croyances. Elles pourraient faire des gâteaux, du CrossFit ou de la danse en ligne, mais non. Elles se tiennent debout pendant des heures dans l’espoir d’inciter des inconnu.e.s à suivre leur courant de pensée.
Évidemment, elles sont convaincues d’agir ainsi pour sauver d’autres humains du mal et de la damnation. Mais leur objectif est d’augmenter le nombre de personnes qui adhèrent à leurs cultes. Ces organisations religieuses prônent — en surface — l’amour, le partage et l’entraide, en excluant une liste interminable de personnes qui ne correspondent pas à leur vision du monde.
Je ne surprendrai personne en écrivant que j’ai horreur des religions. Je suis le fruit de la Révolution tranquille qui a expulsé l’Église des lieux de pouvoir, d’éducation et du reste de la société. L’autorité me donne de l’eczéma, je suis un travailleur indépendant sans patron depuis 13 ans et je remercie le ciel d’avoir des parents qui ne m’ont jamais dit quoi étudier, dans quoi travailler, qui aimer et qui devenir. Bref, toute forme de chemin à suivre me pue au nez.
Néanmoins, je peux comprendre — en partie — l’intérêt pour les groupes religieux. On peut y trouver une communauté, un sentiment d’appartenance et des conseils sur comment mener notre vie. Je suis conscient du caractère anxiogène de l’existence. On est constamment placé devant l’inconnu au travail, en amour, en amitié et dans nos familles. Cela peut donc être rassurant d’avoir un mode d’emploi à suivre. Un peu comme d’autres écoutent les directives d’un.e prof, les conseils d’un.e mentor ou les propositions d’un parent.
J’ai toutefois deux immenses problèmes. Le premier : lorsque les paroles religieuses ne sont plus des propositions, mais des directives émanant d’un être supposément supérieur. Si je rencontrais des fidèles, j’aurais envie de les brasser par les épaules et de leur dire qu’iels sont capables de prendre des décisions par elleux-mêmes, plutôt que d’avaler un discours prémâché qu’on régurgite dans leur cerveau. Mon deuxième problème : quand il leur semble nécessaire de jouer aux missionnaires qui colonisent les esprits pour agrandir le cercle de personnes pensant comme elles. Des colonisateurs de la pensée.
L’expression vaut également pour les homophobes. Prenons un instant pour analyser le ridicule de leurs réactions. La simple idée qu’un humain ait des préférences sexuelles et amoureuses différentes des leurs suffit pour les faire capoter. À leurs yeux, tout le monde devrait avoir les mêmes intérêts qu’elleux. Mais pourquoi être si confronté par des humains différents ? Parce que ça les force à réaliser que la vie n’est pas une ligne droite qu’on doit suivre comme des robots sans capacité de penser ? Parce que l’autodétermination exige une réflexion qui les effraie ? Parce que d’assumer sa nature profonde ou ses choix de vie nécessite une véritable force qu’iels n’ont pas ?
Qu’en est-il des transphobes ? Iels sont incapables d’accepter qu’une personne se sente plus heureuse en s’identifiant à un genre qui ne lui a pas été attribué à la naissance et qu’elle fasse certaines démarches (nom, pronom, look, parfois des hormones et des chirurgies) pour se rapprocher de son identité véritable. Cela n’a aucun impact sur l’identité des gens qui les entourent. Il leur faut tout au plus s’adapter à la façon de référer à la personne trans, comme quand on apprend de nouveaux mots durant notre vie et qu’on refuse de laisser notre cerveau baigner dans le formol. Encore une fois, les transphobes ne voient pas que leur besoin d’empêcher autrui de vivre comme iel l’entend témoigne d’une profonde anxiété à l’idée que la vie ne soit pas unidimensionnelle, toute planifiée et rassurante.
Faut-il également parler des masculinistes ? Ces petits chiens qui jappent fort. Ces hommes qui se gorgent de muscles pour projeter une image clichée du mâle alpha. Ces individus qui, eux aussi, ont besoin de suivre un mode d’emploi de la masculinité. Parce qu’ils ne sont pas capables de vivre avec les nuances du monde. Parce que ça les insécurise. Parce qu’ils ont besoin d’adhérer à un modèle rigide pour se rassurer qu’ils font bien les choses. Imaginez, les boys, si vous osiez découvrir le monde au lieu de vivre votre vie comme un modèle réduit à assembler. Vous sauriez alors ce qu’est la véritable force.