Mardi, 20 mai 2025
• • •
    Publicité

    Jean-Michel Blais vous invite au milieu du désert

    Jean-Michel Blais ne devait pas sortir un album ce printemps. Pourtant, les mélomanes peuvent découvrir le résultat d’une improvisation musicale dans le désert de Joshua Tree, entre le pianiste et la harpiste Lara Somogyi. Récoltant déjà des dizaines de millions d’écoutes à travers le monde, leur offrande musicale, Désert, est comme une bulle de paix à l’abri du monde. Fugues s’est entretenu avec l’artiste québécois entre deux voyages à Los Angeles et Londres.

    Explique-nous le caractère improvisé de cette création.
    Jean-Michel Blais : Quand je terminais ma tournée Aubades avec un quatuor à Los Angeles, ma maison de disque m’a proposé que Lara ouvre pour moi. Je suis super ouvert à cette idée quand ce n’est pas un autre pianiste. Je trouvais ça intéressant avec une harpe, surtout avec son côté électro. Son univers se mélange bien au mien. Donc, on s’est connu ce jour-là. Elle m’a invité dans sa maison à Joshua Tree, le parc national que j’avais déjà visité il y a plus d’un an. Je m’étais gardé quelques jours de plus, alors j’ai accepté d’aller chez elle. Elle et son mari possèdent un studio à la maison.

    Son mari, Cyrus Reynolds, un producteur de musique de film avait préparé quelque chose… La veille de mon arrivée, il avait accordé le piano. On s’est mis à jammer. Il a placé deux micros sur la harpe et deux sur le piano. Il a pesé sur « Record » sans rien dire et il s’est caché dans un coin. On a joué pendant 2 h 30, entrecoupées de cafés et de marches. Au fond, on a joué bien plus qu’on a parlé : notre langage est devenu celui de la musique. Ensuite, on a visité le parc, j’ai dormi sur place, je suis reparti et j’ai oublié cette session. Six mois plus tard, Cyris nous a appris qu’on avait un album. Il avait coupé plein de moments et donné des titres un peu random.

    En quoi les lieux ont-ils influencé votre musique ?
    Jean-Michel Blais : Écoute… Récemment, je suis retourné là-bas pour le lancement et des sessions photos. J’étais avec mon chum, parce qu’on a mélangé ça avec des vacances. Quand on est arrivés au Airbnb, il y avait un coyote devant la place. L’été, il faut faire attention aux serpents à sonnette et aux veuves noires. Ils vivent dans le désert. Joshua Tree est un parc national avec un village à l’entrée. C’est vaste. Il n’y a rien à défricher. Même la route pour aller chez Lara, on dirait qu’on ne voit pas la différence entre la route et le territoire de sable et de cactus. C’est très étrange. Leur maison est vitrée d’un côté et le studio donne directement sur le désert. Il y a une odeur inexplicable sur les lieux, une ambiance, une lumière très particulière. C’était magique. Un peu New Age et ésotérique. Il y a quelque chose de mystique qu’on ressent dans la musique.

    Les harpistes professionnel.le.s sont rares. Qu’est-ce qui t’interpelle dans son jeu ?
    Jean-Michel Blais : Avec la vague néo-classique qu’on a connue, j’ai constaté toute la rigidité et les clôtures par-dessus lesquelles on peut sauter. La harpe est très ancrée dans le celtique, le médiéval ou l’impressionnisme à la Debussy ou Ravel. Il y a plein d’autres choses, mais ce sont les clichés qui ressortent souvent. Il y a donc une possibilité de décoincer ça. Lara transforme son son pour le rendre texturé, électronique et hyper contemporain. Elle utilise un nombre incalculable de pédales. Et ce n’est pas une nobody. Elle a étudié à la Royal Academy of arts de Londres, une des plus grandes écoles de musique en Occident. À Los Angeles, elle a travaillé avec plusieurs grands compositeurs de musique de film.

    L’album est différent de tes œuvres passées. Comment décris-tu le résultat de votre impro ?
    Jean-Michel Blais : Je vois ce que tu veux dire. Ma musique est souvent puisée dans l’improvisation, mais vraiment travaillée. Dans Désert, on peut reconnaître des lignes mélodiques, des choix d’accords et des enchaînements qui sont très Jean-Michel Blais, mais on est dans quelque chose d’éthéré et de spontané, à mi-chemin avec l’univers de Lara.

    Il y a eu un acte de foi pour accepter de jouer une musique qui n’est pas intellectuelle ni savante. On a fait ce que Satie appelle de la musique d’ameublement : lorsqu’il se produisait dans les bistros, il encourageait les gens à continuer de parler quand il jouait. Il voulait faire de la musique de fond. On assume notre session d’improvisation extrêmement douce. On sent quelque chose d’unique et d’humain qui permet de saisir la fragilité.

    Comment ta capacité à créer est-elle impactée par l’époque trouble dans laquelle on vit ?
    Jean-Michel Blais : La musique me permet d’apaiser ces tourments-là. Ça m’a aussi permis d’apaiser le syndrome de Tourette et l’homosexualité refoulée jusqu’à 18 ans. Le piano est un confident qui m’aide à dire ce que je ne sais pas dire en mots. La création me permet de me rééquilibrer. Parfois, mon chum me dit : « Il me semble que ça fait longtemps que t’as pas joué. » Des fois, j’oublie que jouer est un besoin primaire. C’est comme quand tu oublies de manger ou de boire pendant longtemps. À vrai dire, je me sens choyé de vivre de ma musique. Je ne sais pas combien de temps ce sera possible. J’ai le devoir de rendre ça au monde. Cet album va faire du bien aux gens.

    INFOS | Désert de Jean-Michel Blais et Lara Somogyi sur étiquette Universal Music.
    https://www.jeanmichelblais.com

    Du même auteur

    SUR LE MÊME SUJET

    LEAVE A REPLY

    Please enter your comment!
    Please enter your name here

    Publicité

    Actualités

    Les plus consultés cette semaine

    Publicité