L’apparence physique est un élément d’une importance grandissante dans la société. Nous sommes constamment inondés d’éléments iconographiques (photos, films, romans, mode) qui dictent ce que l’on se devrait d’être ou du moins, tendre à être.
Ceux qui s’intéressent à cette question seront sans doute attirés par ce roman qui explore le phénomène de chosification de l’homme poussé à son degré ultime.
Le narrateur contemple l’abîme qui se dresse devant lui et dans lequel il va se jeter. Sa vie est ratée, et il ne lui reste plus que le suicide pour sombrer dans un oubli consolateur. Pourquoi? Parce qu’il est affligé de deux frères jumeaux d’une beauté ensorcelante, qui sont les coqueluches de la planète.
Lui-même est d’une banalité décourageante et suscite toujours la déception, même l’incompréhension, lorsqu’on apprend son lien de parenté avec ses frères. Un artiste de grand renom interrompra son projet suicidaire et lui proposera de faire de lui une œuvre d’art en échange de quoi il renoncera à son individualité.
Passé sous le bistouri, il en ressort avec des implants, des pièces supplémentaires et une physionomie quelque peu surprenante. Il entre de plein pied, et au départ avec délectation, dans une existence d’objet d’art admiré de tous.
Une question s’imposera de plus en plus à lui : a-t-il vraiment atteint le bonheur? Et corollairement, est-il réellement possible de renoncer à son individualité?
Un roman fascinant, assez dur, qui amorce une réflexion des plus dérangeantes sur la nature fondamentale de l’identité.
Lorsque j’étais une œuvre d’art / Éric-Emmanuel Schmitt. Paris : Albin Michel, 2002. 289p.