Un auteur surprenant, en provenance de la Nouvelle-Écosse, qui présente une prose hors de l’ordinaire et des personnages complexes, tourmentés et quelquefois même, insolites.
Son premier roman, Tyler’s Cape, est sans contredit celui qui a le plus grand retentissement. Il met en scène le personnage de Luke, le troisième de trois garçons vivant avec leur mère dans un petit coin isolé de tout.
Aux prises avec une mère tyrannique qui s’avère incapable de la moindre démonstration d’affection, chacun des enfants en vient à la détester et à souhaiter ardemment quitter le foyer familial.
Le récit est structuré sous forme de flash-backs à partir du moment où Luke, alors âgé d’une trentaine d’années, doit revenir dans la maison familiale pour prendre soin de celle-ci pendant quelques mois. Pendant son séjour, celui-ci découvrira cependant des informations déconcertantes qui l’amèneront à porter un regard différent sur cette mère tant détestée ainsi que sur sa propre condition.
Aucun des trois frères n’a eu d’enfant, aucun n’a réalisé ses rêves de jeunesse et lui-même, pourquoi n’y a-t-il aucun homme dans sa vie?
Un récit sans complaisance qu’on lit avidement et qui ne tombe jamais dans la facilité ou dans les moments Hallmark. Je vous défie toutefois de garder les yeux secs.
Admirable!

Le second roman, Still Life With June, entraîne le lecteur dans l’univers de Cameron Dodds, un écrivain en panne d’inspiration depuis déjà plusieurs années : un raté qui sait qu’il est un raté, comme il le dit si bien.
Celui-ci décide soudainement de s’approprier la vie de Darrel Greene, un résident de la clinique de désintoxication où il travaille et qui s’est suicidé il y a peu de temps. En fouillant dans son passé, il trouve en effet l’inspiration qui lui manquait et qui lui permet enfin de reprendre la rédaction d’un roman.
Mais il découvre également que Darrel avait une sœur souffrant de trisomie 21 : il décide donc de se faire passer pour son frère auprès de celle-ci et de l’institution qui l’abrite pour amasser encore plus d’informations et nourrir encore davantage sa plume. Les choses ne se dérouleront cependant pas comme il l’avait planifié.
Qui plus est, le lecteur est entraîné dans un jeu d’identités troubles. En effet, plus le récit avance, plus on réalise que personne n’est réellement ce qu’il paraît ou déclare être et ce, jusqu’à une conclusion des plus surprenantes.
Les personnages sont riches et complexes à souhait, et ils demeurent attachants, malgré leurs défauts et leurs contradictions. Un des grands talents de l’auteur réside dans sa capacité d’alimenter le roman par le biais d’anecdotes diverses et de récits parallèles qui maintiennent constamment l’intérêt du lecteur.
De même, son humour caustique fait feu de tout bois quand il s’agit de critiquer la société de consommation dans laquelle nous évoluons.
Un excellent roman, une belle découverte !
Tyler’s Cape / Darren Greer. Toronto : Cormorant Books, 2003, 297p.
Still life with June / Darren Greer. Toronto : Cormorant Books, 2003. 335p.