Figure marquante du Village, l’homme d’affaires Normand Chamberland est décédé le 7 octobre d’un infarctus. Si l’homme d’affaires était plus discret ces dernières années en raison de problèmes de santé (il avait subi l’amputation d’un pied du au diabète), il n’en demeure pas moins qu’il a laissé sa marque dans le développement du Village dont il a été un des principaux artisans. Son aventure commence quand, après avoir quitté dans les années 1980 ses fonctions de policier, il achète une taverne dans le Village qui portera plus tard le nom de la Taverne du Village. Normand Chamberland a des ambitions, il développe ce qui deviendra le Complexe Bourbon, avec la mythique discothèque La Track, ouverte officiellement de 1986 à 2005, qui fera le bonheur des clubbers des années 1990.
«Il voulait vraiment développer le Village, le bâtir, accueillir des gens. Lorsqu’il a ouvert la Track, c’était le club gai le plus en vogue à l’époque et qui était toujours plein à craquer, c’était bien avant qu’ouvrent tous les autres clubs du Village», de dire Yvon Elieff qui fut gérant de La Track durant 11 ans. Petit à petit, Normand Chamberland acquiert, les uns après les autres, les commerces qui deviendront le Complexe Bourbon. C’est ainsi que naissent, en 1991, le resto Club Sandwich, ouvert 24 heures sur 24, puis des restaurants adjacents (Café Européen), des terrasses, sans oublier l’Hôtel Bourbon, inauguré en 1990. En parallèle, il continue aussi d’agrandir la Taverne du Village qui portera le nom de Drugstore, aujourd’hui lieu de rendez-vous et de rencontres des lesbiennes. Normand Chamberland déborde de projets et souhaite que le Drugstore soit un lieu où l’on puisse s’amuser, manger et même faire son épicerie, avec un dépanneur intégré. Au faîte de sa gloire, ce complexe embauchait de 150 à 200 personnes.
Ambition démesurée, concurrence d’autres complexes ciblant la clientèle plus jeune, les ennuis financiers auxquels s’ajoutent ses problèmes de santé, Normand Chamberland doit céder le Complexe Bourbon et le Drugstore à ses créanciers, c’était en 2005. Cependant, il lancera, en collaboration avec d’autres partenaires, Café El Ranchito, un restaurant terrasse de style sud-américain sur de Maisonneuve qui, malheureusement, ne connaîtra pas de succès.
Homme d’affaires, il se montrait d’une très grande générosité avec son entourage, offrant fréquemment à ses invités des tournées dans ses bars ou des soupers au resto où la bouffe était abondante et la boisson coulait à flots, et ce, sans qu’il exige quoi que ce soit en retour. «Je ne sais pas ce qui s’est réellement passé, et on ne le saura jamais puisqu’il est décédé, mais je trouve que c’est dommage qu’un tel homme puisse tout perdre ainsi. C’était quelqu’un d’une grande générosité, qui avait bon cœur, qui aimait les gens et qui aimait surtout aider ceux qui étaient dans le besoin, qu’ils soient sidéens, séropositifs, etc. Il a engagé plusieurs fois d’ex-prisonniers pour les réhabiliter, pour leur donner une chance d’avoir un emploi et qu’ils puissent repartir dans la vie du bon pied. Personnellement, j’avais une excellente relation avec lui, c’était quelqu’un de très intéressant», de souligner M. Elieff. Le Drugstore et le Complexe Bourbon lui survivent, des lieux de référence dans le Village qui prouvent sans aucun doute que l’homme était aussi un visionnaire.