Alors que l’ampleur de la consommation de psychotropes a des répercussions importantes au sein du milieu gai montréalais, Action Séro-Zéro menait, en 2007-2008, une étude exploratoire sur les habitudes de consommation d’alcool et de drogues chez un groupe d’homosexuels et de bisexuels habitant Montréal, principalement dans le Centre-Sud ou le Village. Les hommes qui ont participé à cette étude étaient majoritairement séronégatifs dans une proportion de 71,4%, et la moyenne d’âge était de 37,8 ans.
Trois objectifs étaient poursuivis par cette étude : tracer un portrait quant aux habitudes de consommation et aux trajectoires menant à la consommation d’alcool ou de drogues chez les hommes gais de Montréal ; déterminer les besoins émergents en matière de prévention face à la consommation d’alcool et de drogues; et investiguer les pistes d’intervention en matière de prévention des toxicomanies auprès des hommes gais ou bisexuels. Pour ce faire, un questionnaire a été administré aux participants volontaires et des entrevues individuelles ont eu lieu. Les répondants avaient ensuite la possibilité de participer à une entrevue de groupe.
Consommation et culture gaie ?
La grande majorité des répondants considèrent que la consommation d’alcool et de drogues est un phénomène encouragé par la culture festive de la communauté gaie montréalaise. D’autres expliquent les habitudes de consommation des hommes gais par leur mode de vie pouvant être souvent propice à la consommation et à la fête tel que le célibat, la solitude et la liberté sur les plans affectif, sexuel et familial. Dans la majorité des cas, les participants rapportent que leur consommation de drogues est devenue plus fréquente et importante lorsqu’ils ont commencé à participer aux activités de la communauté gaie montréalaise.
Types de consommation
Alors que le quart des participants révèlent avoir des problèmes de consommation de drogues, un faible pourcentage des personnes rencontrées indiquent avoir des problèmes de consommation d’alcool (10,7%). Les hommes questionnés qui consomment des drogues signalent être adeptes de plusieurs types de drogues. D’ailleurs, plusieurs affirment les consommer souvent simultanément (mélange de substances). Les drogues consommées par un plus grand nombre de participants sont, dans l’ordre, la marijuana, les poppers, la cocaïne, l’ecstasy, le GHB, le speed puis le viagra. Les drogues consommées le plus fréquemment (une à trois fois par semaine ou tous les jours) sont la marijuana, la cocaïne (sniffée), les poppers, la kétamine, puis les stéroïdes. Le rythme de consommation et le type de substances consommées semblent être grandement déterminés en fonction de l’entourage et du cercle d’amis. La fréquence des expériences de consommation est quant à elle souvent associée au rythme de sorties dans les différents milieux de socialisation (principalement les bars et les afterhours).
Motifs et lieux de consommation
Plusieurs participants mentionnent consommer afin de se détendre, de diminuer leur gêne, de leur permettre de faire face à leur quotidien ou de leur procurer du plaisir. De plus, bien que certains réalisent que leur consommation a des effets négatifs et indésirables sur leur réponse sexuelle (entraîne des dysfonctions érectiles), la majorité des répondants rapportent consommer des drogues en vue d’accroître leurs performances sexuelles. D’ailleurs, la plupart soulignent que leur consommation se passe principalement dans des lieux de socialisation gais (sauna, bar, «afterhour», discothèque ou lors de grands événements tels que le Black & Blue) et que la principale raison de consommer dans ces lieux est de favoriser les rencontres sexuelles. Pour plusieurs, la recherche et l’augmentation du plaisir sexuel sont les principaux objectifs. Pour d’autres, l’effet recherché au plan de la sexualité est en lien avec la recherche d’abandon et de liberté. Certains identifient également la maison comme lieu où ils consomment, particulièrement chez les participants qui affirmaient consommer seuls et utiliser Internet à des fins de rencontres sexuelles.
Consommation et prise de risques sexuels
Les données recueillies démontrent qu’une grande proportion de participants voient leurs inhibitions diminuées suite à la consommation d’alcool et de drogues. Cette baisse de l’inhibition entraînerait, chez la plupart d’entre eux, l’adoption de comportements sexuels non protégés. En effet, une bonne proportion des participants auraient déjà eu des relations sexuelles sous l’influence de l’alcool (78,6%) ou de drogues (81,4%) au cours des six mois qui ont précédé l’enquête. Parmi ceux qui ont consommé de l’alcool, 31.8% ont affirmé n’avoir eu aucune ou peu de relations sexuelles anales protégées alors que, chez ceux qui ont consommé des drogues, le pourcentage est de 28.3%
Motivations face aux comportements sexuels sécuritaires et stratégies de réduction des risques
Certains répondants rapportent que la peur de contracter le sida est un facteur en soi qui les motive à adopter des comportements sexuels sécuritaires (utiliser le condom lors de relations sexuelles anales) dans la majorité de leurs rapports sexuels, et ce, même lorsqu’ils sont sous l’influence de l’alcool ou de drogues. D’autres, dans une proportion plus faible, ont affirmé avoir développé certains autres types de stratégies. Parmi lesquelles figure le fait d’éviter les relations anales lorsqu’en état d’intoxication, alors que certains participants reconnaissent avoir eu recours à des stratégies jugées moins efficaces comme le fait de déterminer les comportements sexuels en fonction du statut sérologique de son (ses) partenaire, souvent présumé selon l’image et l’apparence.
Besoins identifiés et actions suggérées par les participants à l’étude exploratoire
Les participants ont émis plusieurs pistes possibles afin de sensibiliser les membres de la communauté gaie montréalaise, dont notamment la formation d’agents multiplicateurs (pairs aidant); la conception d’outils d’information visant à mieux sensibiliser les membres de la communauté afin qu’ils puissent intervenir de façon plus adéquate auprès de membres de leurs réseaux sociaux qui pourraient éprouver certains problèmes de consommation ; la sensibilisation auprès des plus jeunes, particulièrement au moment où ceux-ci prennent contact avec le milieu des bars et les lieux où il est possible d’avoir du sexe sur place ; l’adaptation de façon spécifique des diverses campagnes de prévention des toxicomanies au milieu gai.
Projet futur à Séro-Zéro
Suivant ces recommandations, Action Séro-Zéro a récemment soumis à Santé Canada un nouveau projet de prévention des toxicomanies où des jeunes hommes gais et bisexuels seraient formés à devenir des intervenants pivots en toxicomanie. Le but visé par ce projet est de prévenir l’adoption de comportements pouvant mener à une consommation abusive de psychotropes et ainsi réduire les impacts liés à une consommation abusive à long chez les hommes gais et bisexuels âgés entre 17 et 30 ans. L’organisme sera en mesure de mettre sur pied ce projet de prévention par les pairs aidants dès le début de 2009, une fois que la subvention sera accor-dée. Outre ce projet, rappelons qu’Action Séro-Zéro offre depuis déjà 2 ans l’atelier «Relations, drogues et dialogue» qui porte sur la thématique de la dépendance sexuelle, affective ainsi qu’à l’alcool et aux drogues. Ces projets et activités traduisent bien la volonté de Séro-Zéro de devenir un acteur clé dans le domaine de la prévention des toxicomanies auprès des hommes gais de Montréal.
Ceux qui le désirent sont encouragés à consulter le rapport de recherche intégral se trouvant sur
le site Internet de l’organisme à l’adresse suivante : www.sero-zero.qc.ca.