Chronique relationnelle à plusieurs mains (c’est-à-dire écrite par différentes personnes au fil des mois), La vie, ma vie, montre la diversité des relations de couples de même sexe. Ce mois-ci, la parole est prise par Philippe Boivin, notre collaborateur qui demeure célibataire malgré les nombreuses offres et déclarations d’amour… Le fruit de mes réflexions
En passant toutes mes fins de semaine à suer dans les cocktails de mes clients en arrière de bar, je peux vous affirmer que je mets mon système immunitaire, et le vôtre, à rude épreuve. Si vous saviez le nombre de joues sur lesquelles j’ai apposé mes lèvres judicieusement hydratées en huit ans, vous aussi, vous courriez vous faire vacciner contre la H1N1! Que voulez-vous, je suis réputé pour mon accueil légendaire aussi personnalisé qu’une Acura pimpée pas son propriétaire Guido! Avec l’expérience, je me moque aujourd’hui éperdument des regards et des commentaires parfois désobligeants que je mets sur la faute de la jalousie (oh! que si, ce furieux toupet fait l’envie de plus d’un), j’esquive les questions pièges grâce à mon sens de la répartie et je m’extirpe de situations embarrassantes à l’aide de jeux d’esprit délirants. Alors pourquoi diable perds-je tous mes repères lorsqu’on me demande : «Pourquoi es-tu célibataire»?
C’est à ce moment précis que je transforme en téléphoniste automatisée de Bell et que je baragouine avec une certaine hésitation : «Il n’y a pas de réponse à la question que vous venez de poser. Veuillez me payer et ne pas commander de nouveau. S’il vous plait, déguerpissez. C’était un message désespéré. Bip! Bip! Bip! Bip!» Bien entendu, j’ai déjà réfléchi à cette «problématique». C’est justement là où le bât blesse : je n’ai jamais vraiment trouvé autre conclusion que shit happens. Assez rudimentaire pour le fruit (séché) d’une longue réflexion! Rassurez-vous, j’ai retiré ma candidature pour la course aux Socrate Awards 2012. Ma meilleure amie m’accusait récemment de faire ma fine bouche. Je me suis empressé de crier au scandale devant ce jugement hâtif. Tout ce que je demande, c’est que le futur homme de ma vie s’entraîne un modeste quatre fois par semaine! J’aurais très bien pu exiger qu’il ait à son actif au moins une campagne publicitaire d’Aussiebum, mais puisque je ne suis pas superficiel…
Est-ce normal qu’après 26 ans de célibat, je garde toujours l’espoir (ingénu) de rencontrer quelqu’un qui possède autant de qualités que moi? Au risque de paraître imbu de moi-même (ce qui n’est pas le cas, car je n’ai qu’un seul défaut, mais je suis trop retardataire pour avoir le temps de vous le dévoiler), je suis conscient de mon potentiel de petit-ami AAA Angus. Malheureusement, tous ceux qui auraient mérité de me mettre (sous la dent) sont soit l’ex d’un ami (pas touche!), soit un hottie désormais un ami (ça serait louche!) ou soit une source de plaisirs occasionnels pour mes amis (ça m’effarouche!). Mon entourage montréalais étant vitement épuisé, je n’ai guère d’autres options que de tendre la perche dans des eaux étrangères. À moi les Facebook, gay411 et Grindr, paradis de l’usurpation de l’identité!
Bien que mon Facebook soit garni de dieux grecs (sur 3500 «tannants», c’est la moindre des choses), la réalité demeure qu’ils sont Grecs, justement. Bien oui, je suis trop pauvre et trop cheap pour avoir un chum à 2000 $ la baise (en parlant évidemment du coût du billet d’avion)! Afin de mettre le grappin sur un spécimen qui se trouve dans un rayon acceptable, je dois donc me rabattre sur l’application qui donne le plus de virus de toute l’histoire de l’informatique : Grindr. iPhone en main, j’accède compulsivement, à chaque file d’attente, feu rouge ou numéro deux (si seulement ils savaient…) à cette mosaïque de poitrines fièrement exposées. Dans cet océan avare de visages, mieux vaut d’abord pêcher au filet pour ensuite remettre à l’eau les barbottes qui auraient pu vous tenter avec leurs vigoureux coups de queue, mais vite déçus par leur comportement charognard. Je ne mange pas n’importe quoi (comprendre qui), moi!
Comme le commun des mortels, j’ai vécu des déceptions amoureuses. J’ai finalement compris que ce n’est pas parmi mes coups de foudre physiques que je trouverai celui qui m’enduira d’analgésique à l’occasion de ma première crise d’arthrite. Il était temps que j’allume, épaisse! C’est alors que, récemment, je me mets à échanger, sur Grindr, mille et un textos avec un homme de mon âge qui s’entraîne quatre fois semaine, qui est cultivé, drôle, «pas compliqué», entrepreneur et sexuellement entreprenant. Il a mis fin à une relation de quatre ans il y a quelques mois (preuve qu’il peut s’engager) et me jure d’avoir passé à autre chose (traduction : moi), et ce, même s’il cohabite toujours avec son ex-copain. Subtilement, l’espoir renaît et la Céline en moi se frappe le muscle pectoral : l’amour existe encore! Tout comme lui, je veux éviter de faire comme Britney lors de son mariage éclair à Vegas et brûler les étapes! Avec toute ma bonne volonté, je m’adapte à cette nouvelle réalité plutôt adroitement, laissant «mon chanceux» très peu souvent sur son appétit.
Quelques semaines parsemées de petites attentions et de séances actives et passives de divan s’écoulent. Dans un élan de pragmatisme à saveur romantique, je lui demande quand j’aurai la chance de pouvoir le présenter comme mon petit-ami, car le terme «fréquentation» sonne toujours un peu faux à mon oreille lors de présentations officielles. Le silence qui s’éternise fait rapidement place à un malaise aussi palpable que la boule que j’ai dans la gorge. Alors que le hamster qui court dans sa tête semble souffrir d’une défaillance cardiaque (trouver un argumentaire un minimum diplomate lui semble être un processus éprouvant), je lève les sourcils en guise de «Envoye-la, ta garnotte!». Par chance que j’ai pris soin d’enfiler mon masque de gars pas trop attaché avant de provoquer mon malheur, car la garnotte va frapper dur! Des propos évasifs dans lesquels il patauge, je comprends que «mon plus si chanceux» m’apprécie dans mon entier, mais qu’il n’est finalement pas entièrement prêt à s’apposer quelconque «étiquette» ni à m’accorder l’entière dévotion de son appareil reproducteur, malgré notre statut d’amants à temps partiel. C’est bien dommage, mais, comme le TVA nouvelles, j’exige l’exclusivité (lorsque les sentiments se mettent de la partie). Mais bon, comme le disait si bien Socrate: «Shit happens!» Prière de m’envoyer vos photos pas de tête sur Grindr maintenant que vous savez pourquoi je suis célibataire.