La direction du bar Le Drugstore (qui n’est pas propriétaire de l’édifice) a décidé de mettre fin à ses activités. La rumeur circulait depuis plus d’un an déjà, mais l’annonce de la fermeture de l’immense bar, le 15 octobre dernier, en a quand même surpris plus d’un(e), s’il faut en croire les nombreux commentaires lus sur le réseau social depuis. Il semble que la direction du bar Drugstore et le propriétaire de l’édifice, Nicolas Tétreault, ne s’entendaient pas sur le loyer, qui a augmenté chaque année depuis quatre ans, passant de 30 000 $ à 34 000 $. Une augmentation qui s’explique par l’augmentation des taxes municipales, que le propriétaire de l’édifice doit honorer, et qui s’élevaient en 2013 à plus de 66 000 $.
Alors que les coûts d’opération du bar augmentaient, les revenus eux stagnaient, la clientèle lui préférant d’autres établissements du quartier. Il faut dire que depuis la mort du créateur du Drugstore, Normand Chamberland, en 2008, qui avait créé l’endroit, on avait peu investi dans cet immense complexe qui demandait énormément de rénovations. L’offre du Village est, doit-on le rappeler, exceptionnellement grande, comptant vingt bars, clubs, tavernes ou cabarets…
Par comparaison, des villes aussi populeuses ou comptant une population beaucoup plus importante que celle de Montréal — comme Toronto, Philadelphie, Washington et même Chicago — comptent beaucoup moins d’établissements de ce type s’adressant au marché gai et aucune de ces villes ne bénéficie d’un quartier aussi densément « gai ».
L’annonce est une surprise, mais pas pour tous
Dans une lettre publiée (mais qui a depuis été supprimé) sur Facebook par Nancy Giannoukakis-Poissant, l’ex-propriétaire du Bar Le Drugstore, explique que le bar ne faisait ses frais que d’avril à octobre et opérait à perte plus de cinq mois dans l’année, et ce, depuis 4 ans…
Donc suite a quelques tentatives de négociations, l’échec a été constaté le 14 octobre et Nancy Giannoukakis-Poissant a pris la décision de fermer l’établissement, l’un des plus vastes complexes LGBT au monde.
Si plusieurs habitués de l’établissement ont été pris de court, la nouvelle n’a pas surpris tout le monde. La rumeur d’une fermeture courrait déjà depuis plusieurs mois et plusieurs observateurs se questionnaient quant à la rentabilité d’un bar d’une si grande dimension qui ne faisait presque aucune promotion. Trois propriétaires de bars et deux propriétaires fonciers dans le quartier nous ont confié, sous le couvert de l’anonymat, qu’ils étaient au courant des difficultés financières de l’établissement et qu’ils avaient entendu dire que le propriétaire de l’édifice était, depuis au moins un an, à la recherche active d’un acheteur ou d’un investisseur pour en changer la vocation.
Selon des sources habituellement fiables, au moins deux acheteurs seraient intéressés à acquérir l’édifice, dont un promoteur immobilier, dans le but de construire des condos sur au moins une partie du terrain.
Situé au 1366, de la rue Sainte-Catherine Est, le défunt Drugstore – qui proposait des activités sur six étages et sur quatre terrasses extérieures – possédait l’un des permis d’alcool les plus anciens du quartier. Les archives liées au permis d’alcool datent de 1908 et portent toujours le nom original de La Taverne du Village de l’Est.
Les origines du Drugstore
Après avoir quitté la police de Montréal, dans les années 1980, Normand Chamberland achète la Taverne du Village, qui se nommait alors la Taverne du Village de l’est. Au fil des ans, réinvestissant une grande partie de ses profits dans l’entreprise, il ajoute plusieurs niveaux de bars à l’édifice, dont un bar très populaire pour filles, et une grande terrasse sur le toit. Plus tard, il double la superficie de l’édifice pour y créer le Drugstore.
Comme ce fut également le cas du Complexe Bourbon (une autre de ses créations), le Drugstore était un work-in-progress pour Chamberland. Reconnue pour ses soirées animées, cette taverne aux proportions démesurées s’étendait sur sept paliers, incluant quelques terrasses sur le toit. L’homme d’affaires, qui fonctionnait aux coups de cœur, a plusieurs fois transformé les sections du complexe qui a accueilli — outre de nombreux espaces-bars — des boutiques de vêtements, une agence de voyages, une agence de rencontre, quelques restaurants et même un bar cuir quelques mois.
Suite à la mort de Normand Chamberland, en 2008, les commerces de ce dernier ont été mis en vente. Nicolas Tétrault devient alors le propriétaire de l’édifice du Drugstore qu’il opère plus d’un an avant de vendre le fonds de commerce du bar — tout en restant propriétaire de l’édifice — et signe un bail à Nancy Giannoukakis-Poissant.