Assise dans la salle d’attente du bonheur depuis 27 ans, Anna passe des heures entre les murs d’une clinique d’insémination et ceux des bureaux de l’adoption, alors qu’elle commence à fréquenter la jolie Michaëlle. Ne sachant plus quoi prioriser pour combler son manque d’amour, elle devra affronter qui elle est, une fois pour toutes. Anna, salle d’attente est le premier roman d’Emmanuelle Cornu.
Se couvrant régulièrement d’injures et sabotant chaque démarche de sa vie, Anna ne sait pas comment réagir à ce qui lui arrive. « Elle a été une automate toute sa vie, jusqu’à cet enfilement d’événements (insémination, amoureuse, bébé offert en adoption). Elle cherche par tous les moyens à embarquer dans sa vie », explique l’auteure, finaliste au Grand Prix littéraire Archambault 2013 pour son recueil Jésus, Cassandre et les demoiselles.
Goûtant au cocktail explosif du couple et du désir de maternité, la jeune femme court après un lièvre à deux têtes. « Elle essaie de combler son manque d’amour dans sa relation avec Michaëlle, alors que son envie d’avoir un enfant vient probablement du besoin de guérir la petite en elle. Je donne très peu d’indices sur son passé, mais on comprend qu’elle devra faire des années de thérapie pour voir ce qui se trame en elle. Son envie d’être mère passe aussi par un désir d’inclusion. Comme tout le monde fait des bébés, elle se dit qu’elle va en faire, elle aussi. »
L’écrivaine livre des critiques à peine voilées sur le traitement réservé aux homosexuels dans le processus d’insémination et d’adoption, allant jusqu’à écrire que les services d’adoption tentent parfois de refiler ses restants d’enfants. Une réflexion née en partie de son vécu. « Il y a 12 ans, c’était tout à fait désagréable. Je ne me suis pas sentie accueillie à 100 %. Était-ce parce que j’étais lesbienne ou jeune célibataire? Je ne sais pas. Mais je voulais témoigner de ce que j’avais vécu. Aujourd’hui, les gais et lesbiennes sont bien acceptés. J’y suis retournée et j’ai maintenant mon fils depuis 15 mois. » Anna est intense, impulsive et rude, laissant entrevoir certains éléments d’une personnalité limite. « Je pense que c’est circonstanciel. Après s’être pété la tête contre une couple de murs, elle s’est relevée, mais elle ne pourra pas toujours détruire sa vie ainsi. Je ne suis pas psychologue, mais je dirais que cette période de sa vie est limite. Et en situation de crise, on n’est pas au mieux de nous-mêmes. »
Son caractère fait écho à l’écriture chirurgicale d’Emmanuelle Cornu. « Ça me vient probablement de ma formation en musique et du fait que je suis très TOC dans l’écriture. Chaque paragraphe possède trois lignes et demie, et les chapitres ont douze ou seize paragraphes. En plus, comme nouvelle maman, j’ai à peine 30-45 minutes pour écrire chaque fois. Alors, je dois aller droit au but, sans trop donner de repères temporels ou de descriptions physiques. Mon roman est un peu comme un accouchement : c’est une respiration coupée après l’autre. »
Anna, salle d’entente / Emmanuelle Cornu. Montréal : Druide, 2016. 189 p