On ne pourra pas accuser Marc-André Sauvageau de manquer d’ambition! À 27 ans, l’auteur-compositeur-interprète lance son tout premier album sans même l’appui financier des institutions culturelles. « Criminel » est un énergique et joyeux album pop à saveur 80’s. Rencontre avec un artiste coupable de ne pas cacher sa vraie nature.

Sur la pochette de son album, Marc-André porte jeans et blouson de cuir noir. Derrière ce petit look rebelle se cache un homme doux, souriant et surtout fier d’avoir enfin accouché d’un premier album qui se veut un hommage à la culture populaire des années 80. « Criminel », lancé en février dernier, nous replonge à cette époque où les claviers régnaient sur la scène musicale. « J’aime le son des synthétiseurs. Je pense que ça vient de mon grand-père qui jouait lui-même de l’orgue. Ce son-là me fait capoter! Il jouait aussi de l’orgue à l’église pendant les messes. Il m’assoyait à ses côtés et je jouais avec lui. »
Marc-André n’est pas un enfant des années 80, ou si peu! Il est né en 1989, à Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Ste-Foy. Mais depuis cinq ans, il ne jure que par cette décennie qu’il découvre. « Enfant, mes parents écoutaient beaucoup de chansons québécoises. C’est comme ça que j’ai connu Mitsou, Marjo, les BB. J’avais 15 ans quand j’ai redécouvert la chanson « Seul au combat » de ce groupe. Ça m’a fait brailler tellement j’aimais cette chanson. » L’autre chanson qui a marqué l’enfance de Marc-André, c’est – attachez vos ceintures!- la version française de Maniac, sur la bande originale du film Flashdance) interprétée en français par Nathalie Simard. «Sur ma chanson Mal élevés, j’ai même intégré le beat de cette chanson en background musical!»

Les influences viennent aussi d’artistes comme Mickael Jackson et surtout David Bowie. «J’ai trippé sur Let’s dance et China girl. Et mon film préféré, c’est Labyrinth avec Bowie. Mon oncle avait la cassette Beta du film. Je le regardais au moins une fois par mois!»
Du piano au synthé
Marc-André s’intéresse à la musique depuis très longtemps, bien avant de faire son bac en musique à l’Université de Montréal. Dès l’âge de 5 ans, il prend des cours de piano classique. Encouragé par ses parents, il développe son talent musical tout au long de ses études au primaire et au secondaire. «À 14 ou 15 ans, mes parents m’ont même acheté un synthétiseur, des micros et un séquenceur. J’avais mon propre petit studio chez moi et j’enregistrais déjà mes chansons.»
Marc-André a du plaisir à composer ses chansons et cela se sent sur son premier album. Les ambiances sont festives. C’est du pur divertissement. On n’est pas dans un univers folk et mélancolique! Ici, ce sont les synthés, les néons et les beats accrocheurs qui sont au menu. Aussi colorées qu’un cube Rubik, les dix pièces formant cet album se laissent apprivoiser dès la première écoute. «C’est Pierre-Luc Cérat, ex-membre de Bran Van 3000, qui a co-réalisé l’album. Il a amené toutes les chansons vraiment plus loin!»
Et pourquoi le titre « Criminel » ?
« C’est le sentiment que j’ai eu quand j’ai su que j’étais gai, que j’allais vers quelque chose qui n’était pas correct, voire d’illégal. Tout l’album surfe là-dessus. Jusqu’à la dernière chanson, Coupable, où justement, ça le dit, «tu ne seras jamais coupable d’aimer». C’est ça le fil conducteur de l’album».
Out depuis l’âge de 13 ans, Marc-André ne cache pas son homosexualité, n’en déplaise à certains. « Dans ma vie, je me suis souvent fait dire que je ne pourrais pas avoir de carrière musicale si je m’affichais gai. Même récemment, je devais signer avec un nouveau gérant, et il me disait de ne pas donner d’entrevue à un média gai comme Fugues, de ne faire aucun show dans le Village, pour ne pas y être associé. C’est lourd tout ça. Et c’était pas la première fois que je me faisais dire ça. Y’a fallu que je me batte et c’est pour ça qu’il y a autant de provocation dans mon album. C’est vrai, ça se peut que ça vende moins bien. Mais au bout du compte, c’est quoi qui pèse plus pour moi dans la balance? C’est bien plus l’authenticité que l’argent. Pour moi, je trouve ça important d’être 100% transparent, de se montrer au public tel qu’on est.»
Marc-André est aussi l’auteur et le compositeur de la pièce contre l’intimidation «J’ai la permission», interprété par le chanteur Valade et lancée en avril 2016, lors de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie.
Il y a un rebelle qui sommeille en Marc-André. Le premier de classe qu’il était à l’école ne se laisse plus intimider, ni marcher sur les pieds. Il dit ce qu’il a à dire. «Si quelqu’un me dit de ne pas faire quelque chose, c’est certain que je vais le faire! Un exemple? Un jour, quelqu’un me dit que je ne pouvais pas porter de jeans sur scène avec le genre de musique que je fais. Je lui ai prouvé le contraire en lui montrant une photo de moi sur stage, devant 1000 personnes aux Francofolies de Montréal.»
Marc-André a très hâte de monter sur scène pour offrir ses compositions. Mais d’ici là, il espère que les gens trouveront plaisir à découvrir son univers musical influencé de la pop bigarré des années 80. Un monde coloré qui fait sourire et taper du pied. « Depuis que je suis tout jeune, mon grand bonheur, c’est de faire sourire les autres autour de moi. » 6 Patrick Brunette
L’album « Criminel » est disponible sur iTunes.
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L’ALBUM «CRIMINEL» EN 10 CHANSONS
J’irai contre la loi
Au départ, c’était une chanson écrite pour quelqu’un d’autre. Mon éditeur s’inquiétait car il se demandait si quelqu’un accepterait de chanter J’irai contre la loi, jugeant ça un peu subversif. J’ai décidé de la mettre sur mon album et je l’assume très bien! Cette chanson d’amour est inspirée d’un livre qui m’a marqué, Mortelle de Christopher Frank. Je chante comme si l’amour homosexuel était encore hors-la-loi.
Jeux dangereux
Cette chanson, c’est la recherche de la passion, de l’intensité. Ça vient d’un besoin chez moi, de me sentir vivant. Faut qu’il se passe de quoi, même si c’est une montagne russe d’émotions!
Mal élevés
Je sais pas si ma mère va être contente de lire ça! Quand j’étais jeune, des fois, je faisais des choses par correctes. Ma mère me disait que j’étais mal élevé. Je lui répondais : « Mais Man, c’est toi qui m’élèves, arrête de me dire que tu fais mal ta job! » (rires) Cette chanson aborde la liberté d’être qui on est et de ce besoin constant de s’exprimer, de donner son opinion. Je suis de cette génération qui veut laisser sa trace. C’est très présent la peur de mourir inconnu, de ne pas avoir pu dire ce qu’on avait à dire.
Comme des enfants
Cette chanson exprime le simple besoin de m’amuser, de me laisser aller. J’ai un souvenir très idyllique de mon enfance. J’ai été chanceux, j’ai vécu une enfance très heureuse. C’est ce plaisir-là du jeu et du bonheur qui se retrouve dans cette pièce.
Criminel
C’est ma chanson hommage aux films d’horreurs des années 80 comme Friday the 13th! C’est le tueur en série qui parle dans la chanson.
Partenaires de crime
Cette chanson a été co-écrite avec ma sœur, Marie-Hélène. On parle d’un amour qui va contre la loi, à la «Bonnie and Clyde». Mais je dois avouer que l’inspiration première vient d’un événement qui m’est arrivé, un questionnement qui m’est apparu en ayant une relation sexuelle avec un homme qui était en couple. J’étais partagé entre mon désir de respecter ce couple, et l’autre partie de moi était à la recherche du plaisir qui allait dans la direction de mes impulsions!
Corps étrangers
Ça aborde ma recherche de l’intimité, d’une connexion avec l’autre.
Virus
À la base, c’était pour moi une chanson de provocation, de rébellion. C’est vraiment après coup qu’un autre sens est apparu, celui du virus du VIH.
Règlement de compte
À la base, je voulais parler d’une relation malsaine. Ensuite, ça a reviré et c’est devenu une pièce qui parle de l’intimidation vécue quand j’étais jeune.
Coupable
C’est le rayon de soleil à la fin de l’album. C’est ma chanson qui parle d’amour comme je le chante dans le refrain : «Tu ne seras jamais coupable de suivre ton cœur».