Troisième roman de Sophie Bouchard qui nous fait pénétrer de plain-pied dans le quotidien et l’intimité de Jean qui, après des années de mariage, une carrière prospère et deux beaux enfants, réalise qu’il ne peut plus vivre sous le joug de Jean et doit amener Jeanne à la vie.
Au cours des dernières années, on a pu voir apparaître, sur les tablettes des librairies, quelques œuvres de fiction abordant la réalité transgenre, mais rarement avec une telle intensité et souci du détail.
C’est avec une grande finesse que l’on suit et partage les angoisses de notre héroïne qui craint de tout perdre, en particulier ses enfants, mais qui ne peut malgré tout envisager une autre porte de sortie.
Par ailleurs, le récit fait bien ressortir que toute l’énergie et la tension inhérente à la conservation de son identité masculine fictive l’amènent à toujours maintenir une distance avec son entourage, l’empêchent d’être entier et de devenir, justement, le père (ou dans ce cas-ci, la mère) que méritent ses enfants.
Alternant entre les difficultés rencontrées ou anticipées, les souvenirs de jeunesse, la confrontation (et l’incompréhension) avec la famille et sa conjointe, la petite quotidienneté, les visions parfois cauchemardesques ou idylliques du futur, la structure du récit nous permet de toucher de près la réalité de Jeanne.
Le récit aurait peut-être mérité d’être resserré, mais nous n’aurions sans doute pu mesurer avec autant d’intensité l’immensité du chemin parcouru. Après tout, Rome ne s’est pas construite en un jour et il en va certainement de même pour Jeanne.
Jean (e) / Sophie Bouchard. Montréal : À l’étage, 2017. 381p.