Jeudi, 28 mars 2024
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    Quelques œuvres LGBTQ marquantes

    Lors du 30e anniversaire de Fugues, j’avais jeté un regard sur les trois dernières décennies de productions littéraires et les changements corollaires que l’on pouvait y observer, en particulier le passage, au regard de l’archétype de la victime vers celui du héros.

    1984 sonne la première année de publication de Fugues, et la publication d’un roman de Michel Tremblay qui résume bien la fin et le début d’une époque : Des nouvelles d’Édouard. Le roman s’amorce par la mort tragique de son héros, la Duchesse de Langeais (Édouard), et la découverte de son journal personnel qui relate le périple vécut par celui-ci lors d’un voyage à Paris en insistant sur la différence entre la réalité et la fiction magnifiée qu’il en avait véhiculée.

    On se retrouve ici face à un personnage qui se présente sous deux faces, héros et victime, et qui partage, avec le lecteur, le sentiment d’aliénation qui est le sien face au regard des autres. Au Québec, le roman représente un changement d’axe fondamental au niveau de la présence gaie dans la littérature.

    Jusqu’alors, les romans ne sont souvent axés que sur la douleur d’être gai où les personnages se cantonnent dans des rôles de débauchés, démons, clowns ou victimes où, dans un nombre effarant de cas, la conclusion est orientée vers une inéluctable tragédie : mort, maladie, suicide, amour impossible, etc. Des nouvelles d’Édouard se situe à cheval entre deux mondes puisqu’il est à la fois constitué d’une part de drame, axé autour de l’ostracisation du personnage principal, et d’éléments de comédie et de courage puisqu’Édouard fait face à l’adversité.

    Cette évolution des thèmes est symptomatique de celle de la société en général : on assiste progressivement à l’émergence de romans où l’homosexualité constitue une simple composante du personnage. Le récit n’est alors plus fixé sur l’orientation sexuelle de l’individu, mais bien plutôt sur un thème plus large : une histoire d’amour, un meurtre à résoudre, des envahisseurs venus de l’espace, etc.  

    Afin de bien fêter ce nouvel anniversaire de Fugues, voici une petite liste de 25 coups de cœur, sans gradation en termes d’importance et en insistant plus particulièrement sur la production récente. Évidemment, il s’agit de choix subjectifs et il se peut que j’oublie nombre d’œuvres majeures.

    Par ailleurs, afin de couvrir tous les styles et les genres, des choix déchirants furent effectués! Nul doute, également, que mon regard sera incomplet puisque je m’intéresse généralement plus à la littérature gaie masculine. 

    1) Fairy tales et Gay fairy and folk tales / Peter Cashorali (1999, 2000) – Conte de fées. 

    Réinvention des contes de fées, en deux volumes, à l’intention d’un auditoire gai adulte. Publiés à la fin des années 90 et traduits en français au début des années 2000, Princes charmés et Princes radieux présentent des contes traditionnels avec une touche à la fois drôle, touchante et intelligente. 

    Princes radieux / Peter Cashorali

    2) The Nightrunner / Lynn Flewelling (1996-2014) – Roman. 

    L’une des séries les plus intéressantes au niveau de la fantasy. Composée de sept volumes, dont les trois premiers traduits en français, l’action se déroule dans un univers à la «Seigneur des anneaux» qui nous fait partager les aventures de deux voleurs, Seregil et Alec, la découverte progressive de leurs amours et les périls auxquels ils font face. 



    The Nightrunner / Lynn Flewelling

    3) Ev Anckert / Louise Auger (1994) – Roman. 

    Ev, une éditrice parisienne, est croqueuse de femmes. Isabelle Coache, une psychologue québécoise, n’est pas différente des autres et succombe rapidement à son charme irrésistible. Mais voilà que la mécanique mise en place par Ev connaît des ratés puisqu’elle veut être bien plus que simple consommatrice. Sauront-elles faire fi des limites qu’elles se sont imposées?

    4) Les aventures de Bob Marone / Yann, Conrad et Lucie (1984, 2013) – BD.

    Pastiche hilarant des aventures de Bob Morane et Bil Balantine (ici Bob Marone et Bill Galantine) dans Le dinosaure blanc, qui remporte le prix de la Presse au Festival d’Angoulême en 1984. Les deux premiers volumes ont été réédités en une seule refonte et une troisième aventure (Un parfum de Yétis roses), moins intéressante, a été publiée en 2013.


    Les aventures de Bob Marone / Yann, Conrad et Lucie

    5) Hero / Perry Moore (2009) – Roman.

    Une des rares incursions gaies dans le roman de superhéros qui y présente les aventures de Thom Creed, un adolescent, qui découvre qu’il a des pouvoirs et qu’il est attiré par les hommes. Il vit cependant dans l’ombre de son père, l’un des plus grands superhéros de la planète, dont la main difforme rappelle un drame effroyable dans lequel il fut impliqué et qui en fit un paria. 

    6) Le premier qui rira / Simon Boulerice (2014) – Roman. 

    Trois personnages disparates : Alice, une mère monoparentale qui cherche le bonheur à travers un Club du rire; Gabriel, un étudiant qui transpose ses affres amoureuses dans des créations théâtrales, et Xavier, un étudiant en cinéma dont le cœur balance entre l’amour et une passion pour la propreté. Captivant et attachant! La production de l’auteur étant, par ailleurs, très riche, j’aurais pu y mettre l’ensemble de son œuvre qui ne laisse jamais indifférent, tout au contraire! 

    7) The Authority / Warren Ellis, Mark Millar, Bryan Hitch, Paul Neary, etc. (1999-)- BD. 

    Une série fascinante de DC Comics mettant en scène un groupe de superhéros qui combat autre chose que l’habituel «monstre de la semaine». Les deux personnages les plus intéressants sont formés par le couple Apollo et Midnighter où le premier est l’équivalent de Superman alors que le second constitue une version plus féroce de Batman. Des récits prenants et un graphisme enlevant! Une splendide réédition des deux premiers volumes (publiés entre 1999 et 2004) est disponible, en grand format, sous le titre Absolute Authority

    The Authority / Warren Ellis, Mark Millar, Bryan Hitch, Paul Neary

    8) Garçon manqué et Éloi / Samuel Champagne (2014, 2015) – Roman. 

    Éloise a dix ans et est convaincu qu’il y a erreur: elle n’est pas une fille, mais bien un garçon, Éloi. Une incursion saisissante au cœur d’un récit qui ne perd jamais de son intérêt et navigue habilement entre l’introspection, l’humour et d’autres moments très touchants. Deux volumes. 

    9) Young Avengers / Allan Heinberg et Jim Cheung, etc. (2005-2014) – BD. 

    Une excellente série de Marvel mettant en scène un groupe d’adolescents formant leur propre équipe de justiciers. On y retrouve notamment un couple, Wiccan et Hulkling, au cœur de récits inventifs, débordant d’action et d’humanité. La série est passionnante et a marqué l’imaginaire d’une génération d’adolescents. On retrouve de multiples refontes des volumes de la série. En anglais seulement.  

    10) Josh Lanyon (2000-) – Roman. 

    Auteur de l’excellente série policière Adrien English, que je relie ponctuellement au fil des vacances d’été, qui a marqué le secteur de la publication numérique. Il excelle en particulier au regard du développement psychologique des personnages et des enjeux réels auxquels ils font face. On lui doit de nombreux autres titres qui suscitent toujours l’intérêt et dont plusieurs sont disponibles en traduction française. 

    Adrien English / Josh Lanyon

    11) Michael Nava (1986-2016) – Roman. 

    Auteur d’une série de polars articulés autour d’Henry Rios, un avocat tourmenté par le souvenir d’un père absent qui l’amène à se perdre dans le travail, l’alcool et la résolution d’énigmes policières. Dans le cadre des huit romans de la série, il tombe en amour avec un homme séropositif qu’il accompagne dans les derniers moments de la maladie; il reprend graduellement sa vie en main, tombe à nouveau en amour et se réconcilie avec ce qui reste de sa famille. Excellent! 

    12) Ralf König (1987-) – BD.

    Le maître incontesté de la BD européenne qui se révèle en 1987 avec le très évocateur La capote qui tue. Traduit en de nombreuses langues, l’auteur demeure toujours aussi amusant et impertinent que jamais et sait aussi bien faire rire aux éclats qu’émouvoir, notamment dans le cadre des aventures de la série Conrad et Paul. Le bédéiste dresse avec habileté une satire des travers sociaux de la communauté gaie et de la société en général. 

    13) Moi, ce que j’aime, c’est les monstres / Emil Ferris (2017) – BD.

    Premier opus d’une série de deux qui nous entraîne dans le sillage de Karen Reyes, une jeune fille de 10 ans qui se perçoit comme une louve-garou (plus facile à accepter que lesbienne, semble-t-il). La mort d’une voisine l’amène à enquêter sur le supposé « suicide ». Ce faisant, elle découvre que les monstres sont multiples. Ils peuvent désigner ceux qui sont différents et incompris, ce qui est son cas, mais également ceux qui cherchent à effrayer et à contrôler. Lauréate de nombreux prix!

    14) Jean-Paul Tapie (1974-) – Roman. 

    On lui doit notamment une excellente série de romans historiques – Dolko (2007-2009), Les bâtards de l’Empire (2015-) et la trilogie Amaury (2009), Bertrand (2011) et Tobias (2012) – qui combinent avec une habilité extrême intrigue, action, romance et érotisme au cœur de reconstitutions historiques saisissantes.

     

    Armaury / Jean-Paul Tapie

    15) Patrick Fillion (1992-) – BD. 

    Dès le début des années 90, le Québécois Patrick Fillion laisse libre cours à ses fantasmes au sein de récits déjantés relevés d’une plastique léchée et de scénario comportant souvent des métaréférences. Non content de donner vie à ses propres personnages (Camili-Cat, Locus, Ghostboy, Diablo, Space Cadet, etc.), il est également à la tête des éditions Class Comics et constitue l’une des forces majeures de la publication érotique. Plusieurs ouvrages sont disponibles en français. 

    Bliss / Patrick Fillion

    16) Les fureurs invisibles du cœur / John Boyne (2017) – Roman. 

    Le périple d’un enfant abandonné au cœur d’une Irlande des années 60 en pleine mutation, dans un récit qui se poursuit jusqu’au milieu des années 90. Déjà considéré par la critique comme un grand classique de la littérature. Un parcours à la fois triste et attendrissant, mâtiné de moments plus rigolos et de descriptions de pratiques sexuelles à la fois réalistes et crues. 

    17) Queues / Nicholas Giguère (2017) – Poésie. 

    «Je suce des queues / ça pourrait être mon métier / mais à la place j’étudie à l’Université de Sherbrooke / ça parait mieux sur un cv / que de futurs employés vont probablement / crisser aux vidanges».

    Une expérience et une lecture, à la fois désarçonnant et fascinant, qui jette un regard lucide sur les conventions, les préjugés et les clichés qui l’entourent. 

    18) L’esprit du camp / Axelle Lenoir (Michel Falardeau), Cab (2017-2018) – BD  

    Un été dans la vie morne d’Élodie qui se voit imposer d’être monitrice de camp et sa rencontre avec Catherine, une fille qui lui tombe sur les nerfs parce qu’elle à la fois belle, rieuse et pleine d’énergie. Des événements et des entités étranges agitent le lac à l’Ours et les deux jeunes filles se lancent dans une enquête folle qui change leur vie à jamais! Un récit et un graphisme auquel il est impossible de résister : mon coup de cœur 2018! 

    L’esprit du camp / Axelle Lenoir, Cab

    19) Gengoroh Tagame (2001-) – BD. 

    Sans aucun doute, l’un des maîtres de la bande dessinée érotique sadomasochiste romantique (les termes semblent inconciliables, mais c’est ici bien le cas), notamment l’incomparable Goku : L’île aux prisonniers.  Étonnamment, il est également auteur d’une série pour enfants en 5 volumes, Le mari de mon frère, qui a obtenu un grand succès populaire et critique. Disponible en traduction française et anglaise. 

    20) The essential Dykes to watch out for / Alison Bechdel (1986-) – BD.  

    Un incontournable de la bande dessinée lesbienne qui est rapidement devenu un classique du genre! L’auteure, Alison Bechdel, y décrit les petits et grands travers, les combats et les bonheurs d’un groupe d’une dizaine de femmes. Disponible en français sous le titre L’essentiel des Gouines à suivre.  

    21) Elle ou lui ? / Marilou Addison (2016) – Roman 

    Dominic a tout pour lui réussir : il est capitaine de l’équipe de hockey, réussit bien en classe et sort avec Camille, la fille la plus populaire de l’école avec qui il est amour par-dessus la tête. Jusqu’au moment où Karl, qui est gai, fait son apparition. Après un premier baiser furtif, il ne sait plus où donner de la tête! Un roman pour ados fort sympathique. 

    Elle ou lui ? / Marilou Addison

    22) Rinzen et l’homme perdu / Johanne Seymour (2016) – Roman 

    Un prêtre défroqué retrouvé crucifié, un homme dépecé dont les membres jonchent les fonds du fleuve et, finalement, un homme noir gai pendu à un arbre. Une enquête haute en couleur pour Rinzen Gyatso, une policière bouddhiste très zen, et Luc Paradis, un policier gai athée, dont la vie amoureuse avoisine le zéro absolu. 

    23) Love is love : A comic book anthology to benefit the survivors of the Orlando Pulse shooting (2016) – BD. 

    Un projet exceptionnel de DC Comics visant à rendre hommage aux 49 victimes de la fusillade d’Orlando, survenue le 12 juin dernier 2016. Le point focal a beau être un événement tragique, il n’en demeure pas moins que les récits demeurent souvent empreints d’espérance et de solidarité. 

    24) Souffler dans la cassette / Jonathan Bécotte (2017) – Roman / Poésie.

    Un étonnant roman lyrique qui nous fait pénétrer dans un jardin secret : celui d’une amitié amoureuse entre deux garçons de l’école primaire. C’est par l’intermédiaire du narrateur que, tout au long du récit, on assiste à l’émergence d’un sentiment dévoué et parfois même enflammé entre ces derniers. 

    Souffler dans la cassette / Jonathan Bécotte

    25) Michel Tremblay (1966-) – Théâtre / Roman. Le Impossible de ne pas souligner l’apport colossal, à la fois toujours aussi pertinent et passionnant, de Michel Tremblay. Tant dans sa production générale que dans des œuvres touchant de plus près des thématiques LGBTQ, il n’a cessé d’étonner et de toucher un public toujours aussi grandissant et fidèle.

    Après tout, qui aurait pu prédire qu’en 1995, La nuit des princes charmants, un roman nous faisant suivre Jean-Marc et son dilemme (perdre son pucelage entre les mains de François Villeneuve, un grand séducteur, ou Alan, un jeune anglophone) deviendrait un best-seller populaire!

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