Le 21 mai dernier, près de 60 personnes ont assisté à une conférence de Fierté Montréal qui présentait le programme Jeunes LGBTQIA2S en situation d’itinérance mis sur pied par la Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+. L’événement soulignait aussi la sortie du Guide pratique d’ouverture envers les jeunes LGBTQIA2S en situation d’itinérance à l’intention du personnel travaillant dans les organismes d’entraide.
La fête et les évènements joyeux – et il en faut – que propose la Fierté de Montréal chaque été, ne doivent pas faire oublier les situations difficiles que rencontrent certaines personnes LGBTQ+. «Peu de gens s’intéressent aux enjeux que soulèvent la surreprésentation des jeunes LGBTQIA2S en situation d’itinérance», explique Julie Duford. «C’est assez récent au Québec, et même au Canada, comme sujet d’étude. Pourtant, le phénomène est connu depuis une trentaine d’années». Titulaire d’un baccalauréat en psychologie et d’une maîtrise en anthropologie médicale, Julie Duford, chargée de projet à la Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+, a décidé de faire son projet de doctorat en sexologie sur les jeunes LGBTQ+ en situation d’itinérance.
«L’origine de la situation d’itinérance chez ces jeunes est souvent le résultat d’une fugue provoquée par le rejet parental, réel ou présumé, sur la base de leur orientation sexuelle, leur identité ou expression de genre. Dans des cas plus extrêmes, certains jeunes se font mettre à la porte lors de leur coming-out aux parents. Pour les jeunes des régions, le désir de se rapprocher des communautés LGBTQ+ pour avoir accès à des modèles positifs et à des services inclusifs peut aussi motiver la fugue du domicile», développe la docto-rante.
Une première étude pancanadienne sur les jeunes de moins de 25 ans en situation d’itinérance évaluait en 2016 à 29,5% le nombre de jeunes LGBTQ2S parmi les jeunes en situation d’itinérance au Canada, dont 6% de jeunes non-binaires, trans et bi-spirituel.les. C’est deux à trois fois plus de jeunes LGBTQ2S que parmi les jeunes de la population canadienne. «Les nombreux biais hétérocisnormatifs encore présents dans ces vastes enquêtes permettent de croire que cette statistique serait en réalité plus élevée», pense Julie Duford. «Par exemple, la formulation inadéquate de la question sur l’identité de genre, ainsi que l’absence de question concernant l’intersexuation laissent les personnes intersexes et plusieurs personnes avec un parcours trans invisibles dans ces enquêtes.»
«Malheureusement pour les jeunes LGBTQ+, la situation d’itinérance dure plus longtemps que pour les jeunes cisgenres et hétérosexuel.les», rappelle Julie. «De plus, les résultats d’une étude de Toronto indiquent qu’un jeune trans sur trois se voit refuser l’accès à un hébergement sur la base de son identité de genre. C’est très préoccupant », s’inquiète-elle. « Les jeunes itinérants LGBTQ+ ont plus de difficultés à s’en sortir parce que les programmes d’aide ne sont pas adaptés à leurs besoins particuliers, à savoir l’accès à des espaces exempts d’homophobie et de transphobie, et à des services sensibilisés à leur vécu de multiple violences LGBTQ-phobes».
«Pour réduire l’itinérance chez les jeunes LGBTQ+ des chercheur.es suggèrent de suivre deux avenues. La première est de rendre les services existants plus inclusifs en sensibilisant et en outillant le personnel du milieu de l’itinérance aux réalités et aux besoins particuliers des jeunes LGBTQ+. La seconde avenue est de créer des services spécifiques comme d’ouvrir un hébergement pour les personnes LGBTQ+ ou d’offrir l’accès à des thérapies d’acceptation familiale.»
INFOS : coalitionjeunesse.org