Je ne parlerai pas de la campagne, je préfère attendre le résultat, quand toutes les cartes seront retournées sur le tapis et que les urnes auront parlé. Pour les communautés LGBTQ2S+, on sait quel est le parti à éviter. Mais on sait qu’elles ne voteront pas uniquement en fonction de leurs simples intérêts de minorités sexuelles. Elles se sentent aussi concernées par d’autres enjeux aussi bien écologiques qu’économiques, ou pour le Québec, sur les questions de laïcité. Et bien d’autres. Ce qui pourrait faire réfléchir les tenants de l’anti-communautarisme de tous poils.
De nombreux débats sont pipés dès le départ. Nous l’avons vu lors de Fierté Montréal 2019 autour de la présence ou non du premier ministre du Québec lors du défilé, ou encore accepter ou non la présence d’un groupe de Hongkongais profitant de cette vitrine pour demander une plus grande démocratie dans leur territoire. Et bien sûr, de reprocher aux organisateurs de ce grand événement de prendre des décisions douces, «soft», pour éviter de jeter de l’huile sur le feu. Et bien évidemment, des critiques ont fusé reprochant encore une fois le manque de réflexion politique de Fierté Montréal. Il est vrai qu’on ne peut plaire à tout le monde. Mais ce qui m’étonne le plus, et dans tous les débats – et ils sont nombreux – qui jalonnent notre quotidien, c’est de les aborder comme une lutte à mener avec des gagnants et des perdants, de ne pas les regarder dans toute leur complexité, et de les réduire à des prises de positions plus idéologiques qui nourrissent les antagonismes plutôt que d’aboutir à des solutions. Et des solutions, ce sont bien ce qui devraient nourrir tous nos engagements.
La loi C21 en est un bon exemple. Les Contre considèrent que la loi est discriminante, et qu’elle prouve le racisme au Québec. Pour les Pour, tout signe religieux extérieur va à l’encontre des valeurs du Québec. Pire, un.e enseignant.e portant un voile, ou un turban pourrait influencer les enfants ou les choquer. En fait, le vieux dicton, l’habit fait le moine a encore de beaux jours devant lui. Bref, on ne s’en sort pas. Je pourrais multiplier les exemples. Le conflit israélo-palestinien, la crise des réfugié.es, le climat et l’éco-responsabilité. Si j’oublie de composter le noyau d’une nectarine, suis-je un climato-sceptique à la Maxime Bernier? Si le voile et le turban ne me dérangent pas dans les administrations, suis-je automatiquement contre la laïcité, contre le libre choix du Québec de décider de la façon dont il veut mettre en avant ses valeurs?
Et nombreux sont les journalistes, les chroniqueur/euses et les politicien.nes qui instrumentalisent ces sujets pour renforcer la polarisation pour consolider des fortifications idéologiques qui n’ont plus rien à voir avec la réalité. Et l’on pourrait faire la même analyse pour les minorités sexuelles. Les idioties, inepties, stupidités, voire injures ont plu dès l’ouverture des événements de Fierté Montréal. Un événement, je le rappelle, que les organisateurs/trices placent sous le signe de l’ouverture, tentant de créer des passerelles, des rencontres entre des groupes qui généralement se rencontrent peu. Je ne vais pas faire la liste, il suffit de voir celle des artistes invités au parc des Faubourgs, la diversité des groupes au défilé, des entreprises présentes, bref sous un signe d’ouverture, d’apaisement, de partage et de fête. Naïve Fierté Montréal? Surement, absolument. Mais quel plaisir de favoriser, de valoriser une troisième voie, d’envisager les solutions autrement que sous la forme d’un ring. Il n’est plus question d’être vainqueur ou vaincu mais de trouver des solutions.
Bien sûr, tout n’est pas parfait, les enjeux et les défis sont tellement nombreux qu’on ne peut demander qu’à un seul organisme d’en rendre compte, d’offrir une voix à toutes celles et ceux qui se battent à travers le monde. Mais son exemple devrait être une source d’inspiration plutôt que de toujours considérer celui qui est différent, qui ne pense pas toujours comme nous, comme un.e ennemi.e, avec ou sans voile apparent.
Je ne nie pas que les rapports de force ne soient pas nécessaires pour obtenir des gains, pour changer des régimes politiques, pour être solidaires de celles et ceux qui sont victimes dans leur propre pays, qui ne bénéficient d’aucun respect, ni compassion, ni dignité de la part de leur gouvernement et des entreprises qui les exploitent.
Mais alors, c’est une réflexion beaucoup plus philosophique, politique, voire psychologique sur la question du pouvoir qu’il faudrait que chacun se pose comme citoyen.ne. L’actualité nous en donne des exemples éblouissants que l’on pensait réserver à quelque obscur dictateur d’Asie ou d’Afrique, ou encore avec une certaine condescendance, à la Chine ou à la Russie. Mais la question se pose aujourd’hui dans les pays occidentaux, Trump en est l’emblème actuellement. Le pouvoir mais pour quoi ?
Peut-être pour montrer qu’on est les plus forts, les plus grands, les «plus meilleurs»! Pour encore une fois montrer qu’on «en a»! Pour un Make America Great Again! Et il n’y aurait qu’une conjugaison du pouvoir, celle du masculin pour prouver sa supériorité naturelle. En ce sens Justin Trudeau fait bande à part. Ses précautions, ses hésitations, sa volonté de compromis, et de l’obtention de consensus ne respectent pas les règles habituelles. Ses homologues le démontrent quotidiennement. Ses adversaires ici aussi. Pas de quartier pour celui valorise une troisième voie. Ceci dit, je ne suis pas en train d’appeler à voter Justin Trudeau le 21 octobre prochain. Après tout, quelqu’un comme Jagmeet Singh souhaite aussi faire de la politique différemment, et a une approche du pouvoir bien différente de la plupart des politicien.nes actuel.les.
Trouver des solutions, avancer pour régler des problèmes ne devraient jamais se résumer à avoir tort ou avoir raison, ni même de rêver à une victoire, ou redouter un échec. Mais cela reste très difficile pour beaucoup à intégrer dans leur tête, surtout dans celles des hommes…