La COVID-19 a chamboulé nos vies d’une manière qu’il est encore difficile à mesurer. Nous avons demandé à Claude Gosselin, directeur général et artistique du Centre international d’art contemporain de Montréal, de nous dire comment cette crise l’a affecté personnellement…
Comment la crise de la COVID-19 t’a-t-elle affecté personnellement?
J’ai toujours travaillé dans des organismes où l’interaction avec les collègues était omniprésente et stimulante. Que ce soit auprès d’un employeur ou dans l’organisme que je dirige (le Centre international d’art contemporain de Montréal), les équipes sont réduites et les tâches partagées. Les lieux de travail sont ouverts. Cela amène une grande convivialité entre les gens et une participation réelle au projet à réaliser.
Avec les restrictions d’isolement que la COVID-19 m’impose, je suis un peu déboussolé. Je ne suis pas un expert en télétravail ou en réunion téléphonique. Beaucoup de bris de conversation et de lignes coupées m’agacent beaucoup. Je préfère de loin le téléphone et les courriels. J’espère que les réunions « physiques » reprendront bientôt.
Présentement dans l’espace où tu vis, est-tu seul(e), avec ton (ta) conjoint(e), de la famille (enfants, parents, autres), un ou des colocs, des animaux?
Je vis avec mon conjoint de fait, Pierre Pilotte, depuis 47 ans. Pierre est coordonnateur des Archives gaies du Québec. Ce n’est pas la Covid-19 qui aura changé quoi que ce soit dans nos habitudes. Nous avons longtemps travaillé ensemble sur les mêmes projets et maintenant nous suivons quotidiennement ce que l’un ou l’autre fait à son travail actuel.
À quoi ressemblent tes journées ces temps-ci?
Quand on est jeune, les journées sont longues. À mon âge, 76 ans, les journées sont toujours courtes. En bonne santé, je continue de diriger le CIAC MTL (j’ai un adjoint et une stagiaire). Nous développons notre site web et des expositions virtuelles. Je m’intéresse à l’intelligence artificielle liée à la création artistique. Sur notre site, nous avons créé un magazine qui parle de cela. J’écris, je lis, je regarde la télévision (de 3 à 4 heures par jour, nouvelles incluses).
Durant cette période, nous avons beaucoup de temps pour soi… Comment fais-tu pour que le confinement se passe mieux?
Je dois avouer que mes journées ressemblent beaucoup à ce que je faisais avant la Covid-19 sans pouvoir faire le travail en équipe au bureau. Le temps passe très vite. Je téléphone à mes amis. En ce moment je parle beaucoup à Françoise Sullivan, artiste signataire du Refus global. Elle peint toujours. Ne pouvant plus se rendre à son atelier, elle en a créé un dans une pièce de sa maison.
À la maison, que portes-tu habituellement?
Je m’habille en « mou ». Alors qu’auparavant une chemise ne faisait pas plus qu’une journée, actuellement elle peut en faire facilement trois. La Covid-19 a chassé la coquetterie.
As-tu des recommandations ou des suggestions pour rendre cette «pause» plus facile à passer?
Voltaire a fini ses jours en s’occupant de son jardin. Je m’y suis déjà mis. Il faut aussi savoir qu’un jardin peut prendre différentes formes. Mettre de l’ordre dans sa bibliothèque, c’est mettre de l’ordre dans un jardin de savoirs. On peut aussi apporter le jardin dans la cuisine et se mettre aux fours. C’est très valorisant d’apprendre de nouvelles choses tous les jours.
Qu’est-ce qui te manque le plus, ces temps-ci ?
Sortir. Par mon travail et par mes intérêts, j’aime visiter les galeries d’art et les musées. En septembre dernier, juste avant la Covid-19, j’ai fait un voyage de dix jours en Italie: Rome, Venise, Florence et Naples. Voir les musées et la ville. J’aime marché dans les villes, Montréal incluse.
Que fais-tu pour maintenir un contact avec l’extérieur ou maintenir une solidarité?
Je téléphone à mes amis et amies, j’envoie des courriels. Je me suis même mis à écrire des notes sur papier que je poste à certains. C’est amusant de voir les anciennes formes de communication reprendre du service.
Considères-tu que les gouvernements — ici ou ailleurs — gèrent adéquatement la situation?
Je ne voudrais pas être à leur place. Il est déjà difficile de gérer le connu, alors comment gérer l’inconnu. J’aime croire que l’homme et la femme sont bons et qu’ils/elles cherchent à améliorer notre sort. Il y aura toujours des erreurs et des bons coups.
Que penses-tu retirer de l’expérience que l’on vit présentement?
Je n’ai aucune idée de ce que je retirerai personnellement de cet événement. Jeune, je penserais peut-être changer ma manière de vivre professionnellement, mais à mon âge, j’aime mieux consolider ce que j’ai appris. Tout en étant ouvert au changement.
Crois-tu que ta vie (ou celle des autres) sera transformée par la suite au niveau de nos interactions sociales? Si oui, de quelle(s) manière(s)?
Il est certain que les interactions sociales seront transformées. Le télétravail prendra de plus en plus de place. Déjà des compagnies se demandent pourquoi avoir tant de pieds carrés de bureaux quand leurs employés arrivent à faire le travail à la maison avec autant d’efficacité. L’achat de marchandises se fera via des sites de distributions, le restaurant sera la boite à lunch qu’on vous livrera et que vous mangerez entre amis à la maison. Je prévois que tout professionnel aura un espace de travail à la maison pour lequel son bon employeur se fera un plaisir de payer un loyer puisqu’il n’en aura plus à payer dans une tour. Je travaille aussi à titre de conseiller artistique pour des clients, individus ou corporations. J’ai bien peur que l’achat d’œuvres pour les bureaux corporatifs devienne une rareté. Les temps ne seront pas faciles pour les artistes ni pour leurs représentants. J’espère me tromper.
Des inquiétudes pour l’avenir?
Je suis un optimiste. À tout malheur, bonheur. Il y aura des changements positifs. La reconfiguration des CHSLD n’est que le premier.
Un message d’espoir que tu veux lancer?
Sachons profiter de cette période pour réfléchir aux priorités de notre monde. Nous devrions trouver les solutions pour le bonheur des populations de toutes les conditions.