Nous avons demandé à plusieurs personnes issues des communautés LGBTQ+ de nous dire de quelle manière la crise de la COVID-19 les avait affecté personnellement, à quoi ressemblait leurs journées ces temps-ci. À la place du questionnaire habituel, le metteur en scène, crèchiste, auteur, photographe Dominick Trudeau nous a répondu sous la forme d’un texte continu agrémenté de photos d’une nouvelle série de photos d’hommes… en éloignement.
«Fébrile-19»… Tiens c’est le mot qui me vient en tête. C’est le diagnostic de mon médecin, début avril, lorsque j’ai pris rendez-vous virtuel car je ressentais tous les symptômes de toutes les maladies – sauf ceux de la COVID19. « Vous êtes juste fébrile, Monsieur Trudeau! »
Je ne me suis pas épanché de long en large sur mon sort sur les réseaux sociaux car la planète est dans la même arche de noyés. Je ne vis pas d’injustices d’artiste ou de travailleur autonome, je suis dans la parade comme nous tous. Alors ma yeule!
Je suis confiné, interrogatif, masqué dans la 125 Ontario Est, en attente et fébrile.
Oui, toutes mes mises en scènes ont été annulées ou reportées, la quête de musées où devaient être présentées mes prochaines expositions de crèches pas mal sur la neige! Écrire, je le fais pour la première fois … Il me reste donc la photo.
Après deux mois de confinement, j’avais besoin de créer ; de retrouver mes sens, d’explorer! C’est ce que j’aime : essayer, explorer, recommencer, ajuster, improviser, mettre en scène et créer.
Alors j’ai eu l’idée de ces Hommes au loin… au balcon, à leur voiture, de leur ruelle, de leur cour, à la fenêtre… J’ai eu envie de leur demander de se dévoiler. Certains que je connaissais déjà, d’autres que je découvre le temps de quelques photos… de nouvelles rencontres…
Moi qui ai toujours adoré me promener dans les rues à la nuit tombante — car on peut voir à l’intérieur des maisons —, là, je vais sentir à la porte ou à la fenêtre avec permission.
Ils sont tous confinés… ils arrêtent leur télétravail cinq minutes ou sont simplement heureux de pouvoir contrer l’ennui.
Je n’ai jamais été aussi occupé que ces dernières semaines : une ou deux séances par jour, de longues marches à travers la ville pour retrouver ces hommes tous beaux, plusieurs heures à trier et retravailler les photos …
Mais toujours fébrile, en quelque part derrière mes yeux … toujours comme une rage douce (pas si douce vous dirait mon Roméo) … et toujours à la limite d’éclater en sanglots. Fébrile tu dis!
Là il me reste à trouver des vitrines de commerces abandonnés ou non qui voudront recevoir mes photos pour égayer le regard des passants … ou des parcs qui sont magnifiques bondés avec ces regroupements circulaires.
L’homme au loin…
Je vous serre fort dans mes bras et je vous frenche « baveusement »! Page Facebook