Mardi, 14 janvier 2025
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    Avec un poignard

    Après le percutant Dans la cage, Mathieu Leroux plonge dans les méandres séduisants des illusions que l’on s’impose et dont on se nourrit, trop souvent sans vraiment en être tout à fait conscient. Marqué au fer par une rencontre qui au départ prêtait peu à conséquence, mais qui le temps passant s’impose de plus en plus à son esprit comme étant le point cardinal de sa vie amoureuse et sexuelle, le narrateur décide de s’exiler à Las Vegas pendant trois mois. Pourquoi cette ville?

    C’est, selon lui, une destination qui l’a toujours intéressé, mais c’est également celle, le hasard fait bien les choses, où vit son grand amour depuis déjà de nombreuses années. Paradoxe des rendez-vous manqués, ce dernier est maintenant de retour à Montréal, mais le voyage aura tout de même lieu puisqu’il n’y avait « aucun lien » entre les deux éléments. Bien évidemment, le lecteur à l’avantage de voir plus clair dans ses motivations.

    L’un des axes principaux du roman porte justement sur les fixations dans lesquelles on se perd; les affabulations sur l’autre dont on nourrit notre fantasmatique tout en étant vaguement conscient qu’elles sont vouées à un échec assuré. Las Vegas n’est donc pas un choix innocent pour l’auteur puisque cette ville, qui symbolise le toc et les illusions, se veut un miroir du parcours de son personnage principal. Cet amour d’antan était-il si intense

    ou s’est-il surtout magnifié, à chaque année qui passe, pour n’avoir maintenant qu’un lien ténu avec la réalité? Avant de quitter Montréal, il a convenu avec son conjoint, Jax, qu’il ne s’épivarderait pas trop, mais peu de temps après son arrivé, il rencontre Cal qui devient son (ou plutôt l’un de ses) amant de passage. Cette frénésie des plaisirs se dresse donc en parallèle et en contradiction avec une démarche quasi mystique de marcher dans les traces de cette passion d‘antan.

    D’un même souffle, notre voyageur porte un regard critique et cynique sur un père qui est passé d’une conquête à l’autre et n’occupe donc que peu de place sans sa vie et ses souvenirs. Mais ne fait-il que reproduire le tracé de ce père méprisé ? Cette hantise de reproduire son paternel est à ce point palpable que les passages visant le père et l’amant deviennent parfois troubles pour le lecteur jusqu’à ce qu’on saisisse qu’il représente également une confusion qui habite le narrateur. Un voyage vers la ville du jeu, mais également et surtout au cœur des pulsions fondamentales du narrateur. Le récit se déroule à la première personne et c’est un choix habile de Mathieu Leroux puisque le lecteur est ainsi à même de pleinement partager les passions, les souvenirs, mais également les contradictions et les faux-semblants de son protagoniste. Un parcours fascinant!

    INFOS | Avec un poignard / Mathieu Leroux. Montréal : Héliotrope, 2020. 155p.

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