En 2012, Pierre-André Doucet nous avait déjà offert Sorta comme si on était déjà là, un recueil de nouvelles et de textes poétiques envoutant où le chiac était élégamment mis en valeur. Dans le cadre de son premier roman, l’auteur porte son regard sur la complexité inhérente aux relations à distance, même dans un contexte de nouvelles technologies qui devraient théoriquement les faciliter.
Parcours improbable que celui de Marc et Marc-Antoine qui, suite à une brève séance de clavardage, se rencontrent pour ce qui s’annonçait n’être qu’une partie de baise visant avant tout à faire oublier un après-midi pluvieux, mais qui se transforme en une soirée ardente et une nuit passionnée.
Les rencontres s’enchainent mais, dès le départ, il est très clair que chacun est en situation transitoire à Montréal. Marc retourne habiter à Moncton pour prendre soin des enfants de sa sœur (et de ses finances personnelles défaillantes) alors que Marc-Antoine quitte pour un voyage de plusieurs mois. Bref, un cul-de-sac relationnel si ce n’était de l’intensité tranquille de leur rencontre initiale et d’une petite phrase que Marc-Antoine échappe le jour du départ de son amant pour le Nouveau-Brunswick.
L’étreinte finale et quelque peu maladroite se fait sous une promesse de s’écrire et, pourquoi pas, de s’envoyer des photos, d’où le titre du roman. Comment bien saisir la nature de l’autre lorsque l’essentiel des échanges est basé sur des messages textes et des émoticônes?
Le médium a l’avantage de ramener les conversations à l’essentiel, à être plus vrai, mais il est également propice à la construction d’illusions. Les deux hommes sont donc confrontés à la difficulté de découvrir qui est réellement l’autre au-delà de l’image magnifiée qu’ils en gardent. Et puis il y a Frédéric qui, un bon soir, drague Marc sur Grinder.
Du haut de ses 18 ans, il a la désagréable habitude de poser des questions baveuses et Marc s’empresse de lui rendre la pareille. La relation est cependant purement amicale. Pas vrai? Une intrigue étonnamment riche et complexe au cœur d’un récit relativement banal.
L’auteur parvient cependant à toucher juste dans sa peinture des incertitudes propres aux relations interpersonnelles. Il fait par ailleurs preuve d’un sens de l’humour particulièrement efficace, notamment dans ses dialogues et la reproduction des échanges de messagerie.
Il faut également souligner les dialogues où s’entrelacent expressions françaises et anglaises propres au chiac qui, bien qu’exigeant une légère période d’acclimatation, dégage un rythme et une poésie qui s’avèrent bien vite irrésistibles.
INFOS | Des dick pics sous les étoiles / Pierre-André Doucet. Sudbury: Prise de parole, 2020. 369p.