Pascale St-Onge est indubitablement une personne multidisciplinaire. La députée de Brome-Missisquoi élue aux dernières élections fédérales a, au fil de sa vie, notamment été musicienne, syndicaliste, perceptrice, gérante d’artistes. C’est désormais à titre de ministre des Sports qu’agit Pascale St-Onge, ce qui fait d’elle la première femme ouvertement lesbienne à occuper un rôle de ministre. Fugues a pu s’entretenir avec la ministre qui, en toute apparence, ne manque pas d’endurance !
Vous avez porté, durant votre vie, de nombreux chapeaux. Y a-t-il un fil conducteur qui unit chacun de vos engagements ?
Pascale St-Onge : Le fil conducteur, c’est certainement les valeurs que je porte, des valeurs profondes. J’ai toujours été quelqu’un qui a eu à cœur l’équité entre les personnes, l’accès aux meilleures chances — que ce soit au niveau scolaire ou des emplois — pour que, dans le fond, [chacun] ait des opportunités de réaliser sa vie et de réaliser son cheminement. C’est ce qui m’a menée entre autres vers le syndicalisme, aujourd’hui en politique. Ça démontre une chose : la variété des expériences de vie, des connaissances, des compétences, c’est important en politique. D’avoir des personnes issues de parcours différents. Ça enrichit le débat politique d’avoir des perspectives différentes. Et ça permet de prendre de meilleures décisions en bout de ligne. J’ai décidé de m’engager dans le parti libéral parce que c’est un parti qui partage aussi les mêmes valeurs d’équité, mais d’avancement des droits humains. Trudeau-père a été le premier à dire que le gouvernement n’a rien à faire dans la chambre à coucher des gens. C’est le parti qui a légalisé les unions de fait, ensuite le mariage gai. Depuis que je suis en place — donc depuis à peine 6 mois —, on a passé la loi sur les thérapies de conversion. Plus récemment, on a changé les règles pour les dons de sang pour les hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes. C’est cette volonté-là de faire avancer les choses, de faire progresser la société vers une société plus égalitaire et plus ouverte avec la protection des libertés et des droits humains, que je partage. Et ça, c’est quelque chose que j’ai porté à chaque étape de ma vie, comme musicienne, comme athlète, comme syndicaliste et aujourd’hui comme politicienne.
Avez-vous vécu, durant votre parcours professionnel, de la discrimination à cause de votre orientation sexuelle ?
Pascale St-Onge : Il y a eu des personnes incroyables qui ont tracé le chemin avant moi. Je pense que j’arrive dans un contexte où la société a beaucoup évolué, mais il y a des personnes avant moi qui se sont battues vraiment fort pour ouvrir la voie, comme Svend Robinson, qui a été le premier député fédéral ouvertement gai en 1988. Je l’ai croisé récemment à la Chambre des communes. On jasait de son parcours, des batailles qu’il a menées, etc. Je n’ai pas vécu le même genre de discrimination ou de commentaires ou d’attaques personnelles que lui a vécu, mais ça n’empêche pas que je suis la première femme ouvertement lesbienne qui occupe un poste de ministre au gouvernement fédéral. Donc il y a encore des premières qui se font aujourd’hui, ce qui veut dire qu’il faut continuer à en parler. Tout n’est pas gagné, il reste encore beaucoup de travail à faire en 2022. Toutes les personnes de ma génération, on doit beaucoup à ceux qui nous ont précédés et qui ont tracé la voie et qui ont mangé des coups, parce que ça a été difficile. J’ai mes collègues Seamus [O’Reagan] et Randy [Boissonnault] qui sont aussi des mentors. Ça fait longtemps qu’ils sont en politique et qu’ils sont ouverts dans leur vie. De mon côté, en me lançant en politique, c’était important pour moi de parler de mon orientation sexuelle ouvertement, même si je suis une personne assez privée et même si je n’aime pas nécessairement partager beaucoup de choses.
En même temps, cette partie-là de moi, c’était important pour moi de la dévoiler publiquement. Je voulais démontrer qu’on peut gagner des élections dans une circonscription rurale. Je suis à Brome-Missisquoi, en Estrie. Ce sont des gens qui sont ouverts d’esprit : mon homosexualité n’a pas été un enjeu durant la campagne. Ça n’aurait pas été un bon message pour moi de ne pas être transparente et ouverte par rapport à mon orientation sexuelle. Et, en même temps, je respecte vraiment le choix des gens qui préfèrent ne pas en parler, c’est vraiment un choix individuel. Mais pour moi, je trouvais que c’était important d’envoyer le signal comme quoi on peut se lancer en politique, avoir un poste public, peu importe notre identité.
Les Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin ont été des Jeux assez controversés. Quel bilan effectuez-vous de ces Jeux ?
Pascale St-Onge : D’un point de vue sportif, pour l’équipe canadienne, ça a été des Jeux réussis. Nos athlètes se sont distingués ; [ils] ont atteint — encore une fois — de hauts niveaux d’excellence [et] se sont bien classés à l’échelle internationale. Je pense aux femmes en particulier, qui nous ont représentés de façon absolument époustouflante, autant aux Jeux de Tokyo qu’aux Jeux de Pékin. Et ça fait quelques Jeux que l’équipe canadienne est particulièrement forte et nous représente extrêmement bien à l’international. On est tous fiers du succès de nos athlètes. Autant au niveau olympique qu’au niveau paralympique, on a vraiment bien performé. Avec les deux années de pandémie qu’on vient de traverser, le sport, c’est un domaine qui a réussi à unifier le pays d’est en ouest, du nord au sud et où on partage cette fierté-là de regarder nos athlètes nous représenter, se dépasser et réaliser leurs rêves, peu importe les résultats.
En même temps, il ne faut pas se le cacher, ça a été des Jeux controversés à l’échelle internationale. L’invasion de l’Ukraine qui est arrivée entre les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques a enfreint la trêve olympique. Ça a été des moments qui ont été très éprouvants pour nos athlètes, puis évidemment pour les Ukrainiens. D’un point de vue du sport, je suis très fière de l’équipe politique, mais d’un point de vue politique ça a été des Jeux quand même chargés.
Une des prochaines grandes étapes du Canada en termes de sport est la Coupe du monde de soccer au Qatar, qui aura lieu à la fin de l’année. Le Qatar se voit lourdement critiqué pour ses atteintes aux droits humains. Comment le Canada compte-t-il agir à cet égard ? Doit-on s’attendre, à l’instar des Jeux de Beijing, à un boycottage diplomatique ?
Pascale St-Onge : C’est évident que, d’un point de vue politique, notre gouvernement n’est pas en accord avec le Qatar et sa manière — entre autres — de traiter les personnes LGBTQ et on est bien conscient qu’il y a des enjeux au niveau des droits humains. Par contre, la politique de la chaise vide, ça n’aide pas nécessairement les gens. Je pense qu’on est mieux de s’engager dans un dialogue. C’est ce que notre gouvernement fait à chaque fois qu’on va à l’étranger : on défend les valeurs d’égalité, on défend les valeurs canadiennes qui font du Canada un pays où il fait bon vivre et où les personnes LGBTQ peuvent vivre librement et ouvertement, en sachant que leurs droits sont protégés — même si tout n’est pas parfait, on sait qu’il y a encore de la discrimination et de l’homophobie ici aussi. Évidemment, partout où je vais, je suis une femme, je suis lesbienne, je suis Canadienne et c’est ce que je représente aussi.
Quels enjeux sont présentement prioritaires au sein de votre gouvernement ?
Pascale St-Onge : Le dossier chaud du côté du sport c’est toute la question entourant la pratique du sport sécuritaire, et ce, à tous les niveaux, du communautaire jusqu’au niveau de l’élite. Sur la scène nationale et internationale, il y a eu beaucoup d’histoires qui sont sorties dans les derniers mois concernant des cas d’abus, de maltraitance, de violence psychologique… et évidemment j’en fais [une] priorité, avec toutes les parties prenantes du système sportif canadien, d’avoir des conversations musclées et sérieuses pour changer la culture du sport ; et moi, comme ministre, je me suis engagée à me servir de tous les outils à ma disposition pour renforcer la pratique du sport sécuritaire [en vue de] s’assurer d’avoir une stabilité dans le système pour que les cas dénoncés puissent être traités de façon indépendante, transparente et professionnelle.
Il faut assainir la culture du sport et faire en sorte que les expériences de nos jeunes qui pratiquent la culture physique, qui entrent dans le système sportif [vivent] des expériences positives et qu’on puisse vraiment célébrer le sport dans toute sa beauté et dans tout ce qu’[il peut apporter] dans le développement des individus en termes de santé physique, santé mentale, mais aussi en termes d’accomplissement et de croissance personnelle.
Il y a beaucoup de travail à faire et j’en profite pour saluer le courage des athlètes qui ont eu le courage de dénoncer les situations inacceptables qu’ils ont vécues, parce que ça fait progresser la conversation et ça nous oblige à être meilleurs.
INFOS | Pascale St-Onge, ministre des Sports et députée de Brome-MissiSquoi
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