L’annulation du très attendu défilé de Fierté Montréal a pris tout le monde par surprise. La nouvelle est arrivée dans les courriels un peu après 9h du matin, mais les participant.es qui étaient déjà sur place pour finaliser le montage ou l’assemblage de leur contingents respectifs, boulevard René-Lévesque entre Guy et Peel, le savaient depuis quelques minutes, le défilé sur lequel certain.e.s d’entre eux et elles travaillaient depuis des jours, des semaines ou des mois, était annulé. Heureusement, l’annulation du défilé officiel a donné naissance à quelques marches spontanées où les gens ont pu exprimer leur fierté dans les rues de la métropole.
Le défilé de 2,9 km, qui a été officiellement annulé, devait parcourir le boulevard René-Lévesque, entre les rues Metcalfe et Alexandre DeSève, à partir de 13 h. Des centaines de milliers de personnes prévoyaient y participer comme c’est le cas presque à chaque année pour célébrer les progrès accomplis dans l’avancement des droits des communautés LGBTQ2+ et mettre de l’avant leurs revendications, l’ouverture de leur entreprise ou le travail de leur organisme.
Au moins trois groupes de marcheurs se sont formés dans les rues de Montréal en après-midi, quelques heures seulement après l’annonce de l’annulation du défilé de Fierté Montréal.
L’un d’eux, mené par un camion orné de banderoles de l’«Afro Pride», est parti de la rue Metcalfe pour se diriger vers le Village en passant dans la rue Sainte-Catherine. Un autre a emprunté le boulevard René-Lévesque jusqu’à Atateken, pour aboutir rue Sainte-Catherine également. Un groupe de marcheurs fétichistes et de «puppy» s’est formé rue Sainte-Catherine devant le métro Beaudry et s’est rendu au Square Émilie Gamelin ou déjà d’autres personnes s’étaient donné rendez-vous. Un peu plus de 2000 personnes ont alors entrepris une marche rue Saint-Hubert qui les a menées sur le plateau avant de se diriger vers la rue Saint-Urbain, puis revenir vers le Village.
Toutes les personnes rencontrées lors de la journée et qui avaient prévu participer au défilé officiel ou y assister ont regretté l’annulation du défilé, qui devait être le point culminant d’une semaine de festivités (qui se sont malgré tout déroulées rondement sans problèmes apparents), mais ont été réconfortées de voir des groupes défiler malgré tout.
En général, les gens ont profité de la journée pour se retrouver entre ami.e.s, en famille ou entre collègues pour célébrer.
Anik, rencontrée dans la marche qui descendait la rue Saint-Urbain, disait préférer un défilé communautaire à celui qui est habituellement organisé. «Je trouve ça tellement mieux! Je trouve que c’est les gens qui l’organisent, puis ça fait qu’on est tellement plus proches.»
Pour Shantall qui prenait part à la manifestation impromptue qui est partie du Square Émilie Gamelin pour monter vers le Plateau et redescendre ensuite vers le Village, ça ramène le côté «protestation» de l’événement en opposition à l’aspect du spectacle qu’on regarde passer. La fierté était à l’origine une manifestation, et il y a un sentiment de ca encore ici aujourd’hui. Les gens veulent être fiers. Les gens sont un peu frustrés par le côté corporatif de Fierté Montréal. Que les gens qui défilent ici aujourd’hui, malgré l’annulation officielle du défilé, c’est important et cela démontre que la fierté, c’est à nous !»
Si certains, comme Anik et Shantall, certains ont exprimé trouver leur compte dans cette mouture improvisée de l’événement, on pouvait néanmoins lire la déception sur le visage d’autres personnes qui attendaient un défilé en bonne et due forme depuis deux ans.
D’ailleurs, dans le Village, la stupéfaction se lisait sur les visages à l’annonce de l’annulation. Les commerçants du quartier, employés et participants sont tombés des nues lorsqu’ils ont appris, par les médias, que le défilé Fierté était annulé quelques heures avant son départ.
« Nos membres avaient excessivement hâte et étaient prêts. Tout le monde était déçu et aurait aimé être au courant avant pour voir comment aider Fierté Montréal », confiait Gabrielle Rondy, directrice générale de la Société de développement commercial du Village, croisée devant le Club Date en après-midi.
Cela dit, même si l’affluence dans le Village n’était pas au niveau qu’on aurait pu espérer lors d’un défilé habituel qui amène un flot immense de participants et de spectateurs, le Village était très achalandé, pour ne pas dire bondé à certains endroits.
Personne ne pouvait croire, qu’on puisse annuler l’événement phare de la Fierté par manque d’effectifs, d’autant plus que les autres activités de la fierté se sont déroulées comme prévu dimanche.
Rappelons tout de même que le défilé de la fierté de Montréal avait été annulé en 2020, en raison de la pandémie, comme ce fut le cas presque partout dans le monde, et qu’une marche de la fierté, sans chars ni véhicules mais avec une grande participation citoyenne, s’est tenue en août 2021.
Selon Silvia, rencontrée au Square Dominion : «ils auraient dû savoir avant le jour même quelle était la situation des bénévoles, la situation de la police et la situation de la sécurité… Non ?».
« C’est quand même paradoxal, d’annuler à la dernière minute en raison d’un manque de sécurité, alors que beaucoup de personnes gais, trans et queer n’ont jamais vraiment ressenti de véritable sécurité dans leur vie quotidienne», enchainait un ami à ses côtés. «C’est le seul jour par an où nous organisons une grande fête et célébrons avec tout le monde et nous nous sentons en sécurité. Alors oui, c’est assez nul», renchéris Silvia.
Plus tard, Oscar, croisé près du Square Émilie-Gamelin, confiait : «Je suis juste content que tout le monde soit ici pour s’amuser, se célébrer et se célébrer.»
Pour Leo qui a pris part à la marche qui empruntait le boulevard Saint-Laurent (pour ensuite redescendre rue St-Urbain) l’annulation a suscité un rappel, un «wake-up call» de ce qu’est vraiment la Fierté. «Il ne s’agit pas de festivités organisées. Il s’agit de nous. C’est nous qui faisons de la Pride une chose. Sans nous, il n’y aurait pas de fierté.»
«Le matin du jour de la fierté, on ne peut pas annuler. Ça ne se fait pas. Rien ne peut le justifier, déclarait pour sa part Burb, croisé en plein cœur du Village en fin d’avant-midi, alors qu’il regarde passer le contingent des «puppy» rue Sainte-Catherine qui se rendaient au point de ralliement du Square Émilie Gamelin. «Ce n’est pas un simple pique-nique ou un party qu’on cancelle. Nous en avons besoin du défilé de la fierté et de la visibilité qu’il donne à toute la communauté. Nous avons attendu ce jour toute l’année. On ne peut donc pas l’annuler. C’est la raison que nous sommes ici.»
Pour Michel Dorion qui a lui-même été en charge du défilé de Fierté Montréal par le passé et qui était en entrevue à la télé au Square Dominion quand nous l’avons croisé, la déception était immense. « Le défilé, c’est la pierre angulaire de toutes les festivités de Fierté Montréal. C’est le “pourquoi” du Festival! », déclarait-il.
Tous les organisateurs communautaires se montraient déçus de l’annulation, «parce qu’on attendait et on se préparait depuis longtemps. Mais on pense surtout au comité organisation. Ça a dû être une décision très difficile. » nous a-t-on répété à plusieurs reprises durant la journée. «On comprend qu’il y a eu un oubli, qui fait très, très mal. On sait ce que c’est d’organiser des événements.»
Le directeur du Centre communautaire LGBTQ+ de Montréal a sympathisé avec les problèmes d’effectifs de Fierté Montréal. « Tout le monde a été dans ce bateau », a déclaré le réalisateur Christian Tanguay. «C’était dur pour tout le monde, mais il faut des bénévoles pour organiser tous ces événements.»
De son côté, le Conseil québécois LGBT s’est également dit déçu de l’annulation du défilé. «Annuler un événement aussi emblématique […] n’est pas une décision qui se prend à la légère. Mais la sécurité de nos communautés est toujours la priorité.
En soirée, la chanteuse et Dj Sandy Duperval, porte-Parole de Fierté Montréal depuis quelques années, s’est adressée à la foule massée sur l’Esplanade du Stade Olympique pour présenter des excuses de la part de l’équipe d’équipe de Ferté Montréal.
Et quelques photos partagées sur Instagram :
Reportage par Yves Lafontaine, Chantal Cyr et Charles Gagné