Vendredi, 4 octobre 2024
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    Zïlon, un héros de notre histoire

    Né à Laval en 1956, il se nomme alors Raymond Pilon. Quelque temps plus tard, il quitte la banlieue pour la grande métropole et remplace le P de son nom par un Z.

    Zïlon vient de naître !
    Autodidacte, se définissant lui-même comme « le doyen de l’art urbain1 », il sera qualifié tour à tour de Keith Haring et de Basquiat de Montréal2, de Quentin Tarantino de la peinture et de Cocteau des ruelles. Il investit les murs de la ville, les bars et les toilettes publiques de visages en forme de graffitis: « Souvent, confie-t-il, vers 2 h du matin, avec des aérosols de fortune volés chez Canadian Tire, quand les flics prenaient leur pose Dunkin’Donuts3. » Artiste multidisciplinaire iconoclaste et irrévérencieux, graffeur, peintre affichiste, illustrateur, compositeur, réalisateur et performeur, Zïlon est un pionnier du street art et « une figure de proue du mouvement punk underground montréalais des années 70 et 804. » Proches de la bande dessinée, « ses images colorées, vives et électriques organisent un véritable rock’n’roll visuel5. »

    En choisissant d’œuvrer aux quatre coins de la cité dans les zones les plus improbables, Zïlon délaisse le réseau classique des galeries et des musées privilégié par la majorité les artistes. Son travail ne s’adresse pas aux initiés, esthètes, élites et amateurs d’art éclairés, mais bien à tout-le-monde. Ceux-là qu’on appelle le grand public. Ce faisant, il manifeste assurément un profond humanisme, une sensibilité et une empathie à l’égard d’autrui qui l’amèneront à s’impliquer souvent dans des événements de type caritatif et auprès des plus démunis. Un rebelle au cœur tendre, dira-t-on ! Depuis des décennies, il n’a de cesse de dessiner des portraits, de scruter les visages de ses personnages énigmatiques pour dévoiler une part de leur âme, de leur mystère. C’est ainsi qu’en 2007, au Musée Juste pour rire, il fait partie de l’exposition De l’art à la censure visant à encourager les multiples formes de sexualité et à dissiper les préjugés. De même, il réalise des performances de bodypainting lors de l’opération Carrément rose, « une campagne d’information, de sensibilisation, de prévention et de financement […] dont les profits permettront de financer de nouvelles initiatives en matière de santé à l’Hôpital général juif de Montréal6. »

    Au sein de la communauté gaie, outre l’imposant diptyque dans le Village sur la façade de l’ancien cinéma Ouimetoscope, il conçoit des œuvres au profit de plusieurs organismes qui aident, entre autres, les enfants et les personnes atteintes du VIH/SIDA.

    Lire notre article sur son œuvre éphémère sur l’édifice du Ouimetoscope.

    En 2005, lors de l’événement Black & Blue au Stade Olympique, il reprend la pratique de peinture en direct qui l’a fait connaître autrefois au bar mythique Les Foufounes Électriques, sur la rue Sainte-Catherine. Il y va cette fois de quatre toiles grand format qu’il offre ensuite pour l’encan au profit de la Fondation BBCM (Bad Boy Club Montréal) — laquelle contribue « à aider de façon importante des organismes prodiguant de l’aide directe aux personnes atteintes du VIH/SIDA à Montréal7. »

    L’année suivante, on l’invite à relater son expérience personnelle dans le recueil L’Obstacle d’une différence. Paroles de gais, réflexions et confidences regroupant des entretiens avec des personnalités connues, chacune témoignant de différents aspects de l’homosexualité : le coming out, le rapport à la famille et au milieu de travail, etc.

    Ce parcours atypique n’empêche pas Zïlon de collaborer avec des créateurs renommés de divers horizons. Parmi eux, les metteurs en scène Robert Lepage et Wajdi Mouawad, mais aussi Gilles Carle et Claude Péloquin ; la maison Givenchy à Paris, le couturier Philippe Dubuc et la bédéiste Anik Jean. Ses œuvres sont intégrées au décor du jeu vidéo Far Cry : New Dawn, d’Ubisoft, et le parfumeur Claude André Hébert élabore un parfum à son image. En 2019, on lui confie la réalisation de la murale Les divinités spectaculaires au théâtre le Diamant à Québec. Depuis quelques années, le milieu de l’art institutionnel lui a ouvert ses portes.

    En 2016, invité par la chanteuse, il réalise l’événement Apocalypse Disco au Centre d’art Diane-Dufresne à Repentigny où se mêlent œuvres inédites, lumière et musique dans le but de « recréer l’atmosphère d’une discothèque endiablée des années 1980, appuyée par les rythmes new wave de l’époque8. »

    Lire notre article sur l’exposition APOCALYPSE DISCO.

    En 2019, l’Écomusée du fier monde retrace quarante ans de sa carrière avec la rétrospective Zïlon et le Montréal Underground. Un événement d’envergure qui, selon Claude Deschênes, nous plonge « dans l’univers d’un artiste aussi majeur que sous-estimé9. » Un artiste se voulant avant tout « un agent provocateur10. »

    Au printemps dernier, le Musée des Beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire lui a consacré une exposition importante, intitulée Vandale de lüxe$$. Rompant avec les conventions muséales habituelles, des crayons et des cahiers à dessin ont été « déposés à l’attention des visiteurs, qui pourraient être inspirés d’y laisser leur trace. “C’est comme un moyen de communication, dit l’artiste entre eux et moi”11. »

    Lire notre article sur l’exposition VANDALE DE LUXE$$

    Les visiteurs pouvaient aussi se procurer le livre La marque de Zïlon de Jean-Marc Beausoleil, paru récemment aux éditions Somme toute. « L’art, c’est mon compagnon, clame Zïlon. Les visages que je fais sur les murs ou sur une feuille de papier, ce sont mes compagnons invisibles qui me suivent depuis très longtemps, depuis que je suis un jeune enfant12. » Dans une entrevue publiée dans Fugues, quand Yves Lafontaine demande à Zïlon ce qui le fait toujours courir, celui-ci répond : «Entre la panique et la magie, l’instant de survivre13. »

    NOTES

    1. Marc Tison, Les bas de Zilon, La Presse, 3 février 2019.
    2. Claude Deschênes, UNE PREMIÈRE EXPOSITION DANS UN MUSÉE POUR L’ARTISTE ZILON :
      avenues.ca, 12 juillet 2019. Consulté le 10 juin 2022.
    3. Mathieu Thériault, L’Itinéraire, 1er août 2019.
    4. https://galeriebeauchamp.com/pages/zilon. Consulté le 7 juin 2022.
    5. Mireille Bertrand, « Entretien avec Zilon », in L’Obstacle d’une différence.
      Paroles de gais, réflexions et confidences
      , Montréal, Éditions Québec Amérique, 2006, p. 168.
    6. Voir, 8 mai 2012 : https://voir.ca/nouvelles/actualite-en-arts-visuels/2012/05/08/exposition-carrement-rose-des-eleves-se-mobilisent-pour-amasser-de-largent-et-vaincre-le-cancer-du-sein. Consulté le 7 juin 2022.
    7. https://bbcm.org/fondation. Consulté le 10 juin 2022.
    8. Bruno Lapointe « L’Apocalypse Disco de Zïlon à Repentigny »,
      Journal de Montréal
      , 20 juin 2016.
    9. Claude Deschênes, op. cit.
    10. Marie-Lise Rousseau, « Zilon : “C’est un chemin de croix, cette rétrospective” »,
      journal Métro, juin 2019.
    11. Chloé-Anne Touma, « Zïlon, le “vandale de luxe” », Journal de Chambly, 29 mai 2022.
    12. Denis Wong, « ZILON SYMPHONIE PUNK DU 375E :
      https://ici.radio-canada.ca/special/zilon/#intro. Consulté le 9 juin 2022.
    13. Yves Lafontaine, « Zïlon se dévoile en quelques traits », Fugues, 24 juillet 2019.

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