L’héroïne éponyme de Candy en a ras le pompon des prestations de drag à deux sous auxquelles elle se sent condamnée dans le petit cabaret de la commune de Villecresnes et sa population de 10 000 âmes. Elle le sait, elle le sent : elle est destinée à bien plus grand, à être une étoile au firmament ! Alors que la drag queen et son amant Mathurin quittent la petite bourgade pour un triomphe qu’iels pressentent à portée de main, iels sont confronté.e.s à une apparition insolite qui les conduit à commettre un meurtre, qui sera le premier d’une série qui les mènera au cœur d’une cavale jusqu’à Montréal.
La lecture du roman entraine le lecteur dans un univers qui est tout sauf familier, que ce soit dans sa structure même, valsant toujours entre réalisme et fantasmatique abracadabrante (une fuite outre-Atlantique à bord de cercueils, par exemple), que dans les titres irrévérencieux de certains chapitres dont le très évocateur : « Deux squelettes sodomites dans le placard parisien ». On l’aura compris, on nage dans la fantasmagorie la plus complète où la réalité se construit au rythme des songes et des fuites du couple passionnel et maudit. Cette douleur au ventre que ressent Candy : cancer incurable ou progéniture miraculeuse, fruit de leurs amours forcenées ?
La plume de Benjamin Gagnon Chainey se distingue par la qualité de son verbe et des images saisissantes qu’il instille dans l’esprit du lecteur. Il faut oublier la narration traditionnelle puisqu’on navigue dans l’onirisme et la poésie. « Candy effleure du bout des doigts la défiguration de Mathurin… En douceur elle tente de lui redessiner la face, trace des lettres hérétiques sur ses lésions pulsatiles, les ramifications de veinules striant ses tempes, ses maxillaires… Elle dit : notre heure a sonné, Mathurin… Il faut foutre le camp à présent. ».
INFOS | Candy / Benjamin Gagnon Chainey. Montréal : Héliotrope, 2022. 141p.