Vendredi, 18 avril 2025
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    La Shéhérazade des pauvres

    Il y a maintenant 50 ans qu’Hosanna fuit le regard du public à la suite de l’effroyable humiliation qu’elle a essuyée lors d’une fête d’Halloween décrite dans la pièce de théâtre éponyme de Michel Tremblay. Mais quelles ont été les suites de cette cuisante défaite? Quel a été son impact sur sa relation avec Cuirette ? Quelles histoires se cachent derrière ce personnage hors du commun ?

    La Shérérazade des pauvres porte un éclairage surprenant sur toutes ces zones d’ombre. C’est au détour d’une entrevue menée par un journaliste fictif de Fugues, Yannick Tremblay-Dieudonné, que Claude Lemieux, alias Hosanna, entrouvre les portes de son jardin secret et celles d’une époque. Il ne faut pas s’y tromper, le roman permet une incursion dans l’intime d’un homme meurtri et des rêves qui l’ont habité, tout en nous faisant entrer également au sein d’une communauté marginalisée où se
    côtoient toute une galerie de personnages qu’il nous tardait de revoir à nouveau, plus particulièrement la Duchesse de Langeais ainsi que Cuirette.

    À mots couverts, on suit la timide entrée de Claude, qui ne porte pas encore son titre, dans Montréal : un univers à cent lieues de son Saint-Eustache natal. C’est la découverte d’une époque et d’un quartier en pleine effervescence, où l’identité des communautés LGBT est en pleine mutation. Au fil des jours, sans s’apitoyer sur lui-même, celui-ci partage la seule « période de sa vie où il a cru être quelqu’un ». Il n’hésite pas à porter un regard lucide et âpre sur ce qu’il était et ce qu’il est devenu, assénant des phrases chocs comme seul Tremblay sait en concocter : « Chus né cheap, pis chus resté cheap ! ».

    Le roman se veut également la chronique d’une période charnière, où la présentation d’un spectacle de Guilda à la Place des « Autres » fait office d’événement identitaire majeur pour plusieurs avec la grande entrée des « travestis » au Temple de la culture. Au-delà de cette peinture sociale, c’est avec son adresse habituelle que l’auteur évoque l’intériorité de ce grand petit personnage. Impossible de ne pas être bouleversé à la lecture des derniers moments qu’il partage avec Cuirette.

    Un grand Tremblay, sans aucun doute, et à cette étape de sa carrière, on peut sincèrement se demander s’il nous a déjà proposé autre chose.

    INFOS | La Shéhérazade des pauvres / Michel Tremblay. Montréal ; Paris : Leméac ; Actes Sud, 2022, 150 p.

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