Est-ce que ne pas boire de l’alcool est la solution pour sa santé ?

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Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) a publié en janvier dernier un rapport très étoffé sur les risques de l’alcool pour la santé intitulé Repères canadiens sur l’alcool et la santé. En fait, lorsqu’on tient compte des risques de cancers et de maladies cardiovasculaires, ce rapport ne prêche ni plus ni moins que l’abstinence totale d’alcool. Selon ce qu’on sait, 75 % de la population canadienne boit de l’alcool.

Certaines personnes se sont insurgées contre cette étude qui n’examine pas suffisamment les « bénéfices » pour la santé mentale de consommer quelques bières ou autre alcool par semaine, ne serait-ce que pour relaxer, socialiser ou se réunir entre ami.e.s et en famille.

« […] L’alcool est l’une des principales causes évitables de décès, d’invalidité et de problèmes sociaux, de même que de certains cancers, certaines maladies cardiovasculaires, certaines maladies hépatiques, ainsi que des blessures accidentelles et des actes de violence. En 2017, l’alcool a causé 18 000 décès au Canada. Cette même année, les coûts associés à la consommation d’alcool au pays s’élevaient à 16,6 milliards de dollars, dont 5,4 milliards ont été dépensés en soins de santé. […] », peut-on lire en page 7 de ce rapport. 

Une des personnes ayant réagi à ce rapport est le Dr Pierre Côté, médecin de la Clinique médicale urbaine du Quartier Latin : « Ce rapport a été rédigé par un important comité d’experts canadiens et on y présente très largement les risques de la consommation d’alcool sur la santé. Sur les 100 pages du rapport, jamais on n’en mentionne les bienfaits. On y écrit même qu’il n’y a aucun bénéfice à consommer de l’alcool », dit-il. 

Et ce comité ne rigole pas du tout. Lorsqu’on parle d’alcool, il ne s’agit pas de boire une bouteille de vodka ou de gin, le rapport est clair là-dessus. « 0 verre par semaine = aucun risque : cela offre de nombreux bénéfices pour la santé et un meilleur sommeil », poursuit le Dr Côté. « Un à deux verres standards par semaine = risque faible : cela permet généralement d’éviter les conséquences de l’alcool pour vous-même et pour les autres. De 3 à 6 verres standards par semaine = risque modéré : cela augmente le risque de développer plusieurs cancers comme le cancer du sein ou du colon. Sept verres standards ou plus par semaine = risque de plus en plus élevé d’avoir une maladie du cœur ou de faire un AVC. »

Lorsque le rapport parle de consommation d’alcool, il énumère ainsi : 1 bière : 341 ml (12 onces) à 5 % d’alcool ; un cooler ou cidre : même chose, 341 ml (12 onces) à 5 % d’alcool ; vin : 142 ml (5 onces) à 12 % d’alcool ; spiritueux (gin, vodka, cognac, etc.) : 43 ml (1 ½ once) à 40 % d’alcool, ce qui équivaut en fait à un shooter. Pour ce dernier, cela n’équivaut même pas à un verre standard par semaine, donc pas plus qu’un shooter par semaine s’il s’agit d’un alcool fort. « On affirme que la consommation d’alcool ne procure aucun bénéfice. Un point c’est tout », poursuit le Dr Pierre Côté. « Malheureusement, cela risque d’être contre-productif parce que les gens rejetteront ce rapport qui mentionne des études scientifiques très sérieuses. Les gens n’écouteront pas les recommandations contenues dans ce rapport. »

Effectivement, l’étude de ce comité du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) présente qu’il y a des risques de développer certains cancers, comme le cancer de la cavité buccale, par exemple. Ainsi, si on consomme 1 verre standard par jour : on a 42 % plus de chance de développer ce cancer ; si on consomme 2 verres par jour, le risque est 98 % plus élevé.

« C’est ce qu’on appelle le risque relatif. Mais le risque pour une personne de développer un cancer de la cavité buccale dans sa vie est de 0,4 % », souligne ce généraliste qui pratique la médecine depuis près de 30 ans maintenant. 

Le rapport cite également une liste de cancers, incluant celui de l’œsophage, du larynx, du foie, du côlon, du rectum ou encore du sein (chez les femmes).

« Les recommandations du comité sont irréalistes et risquent d’être contre-productives. Une portion importante de la population n’y adhèrera pas, parce que la consommation d’alcool leur apporte des bénéfices. La perspective de ne pas consommer d’alcool n’est tout simplement pas envisageable. Les statistiques montrent que la communauté LGBTQ+ consomme plus que la population, et ce, pour de multiples raisons : plus grande socialisation, plus grande vulnérabilité psychologique, etc. », explique le Dr Pierre Côté.

« Le risque de stigmatiser davantage les personnes qui boivent est plus important », rajoute le Dr Côté. La consommation d’alcool pourrait devenir tabou. Et pour les personnes pour qui la consommation pourrait devenir problématique, elles pourraient tarder avant d’en parler à des ami.e.s, des collègues ou de demander de l’aide à des ressources plus spécialisées. »

« Je crois que la publication de ces Repères sur la consommation d’alcool à faible risque en 2023, et surtout la façon dont est présenté ce rapport, s’inscrit dans un courant qui tend vers un radicalisme sans nuance, d’un hygiénisme du bien et du mal de plus en plus radical. Et ce n’est pas propre au Canada, ni à la santé, mais on peut observer de plus en plus cette même tendance partout sur la planète », de terminer le Dr Pierre Côté.  

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