L’action se déroule à Los Angeles, au début de l’automne de 1981, alors qu’un groupe d’étudiant.e.s explorent leur identitaire et leur sexualité débridée et qu’un tueur en série frappe les résidences de la ville. Les deux intrigues ne devraient normalement pas se toucher, mais vont cependant s’enchevêtrer au cœur d’un récit où il est parfois difficile de distinguer entre fiction et réalité. Bret Easton Ellis est bien connu du public pour avoir écrit LE roman qui a marqué l’année 2010, American Psycho : véritable brûlot dénonçant le matérialisme et la dépersonnalisation de l’Amérique. Ce nouveau roman navigue dans les mêmes eaux troubles, à ceci près qu’il prend la forme d’une autofiction.
Dans Les éclats, à l’instar du protagoniste d’American Psycho, qui brisait parfois le quatrième mur pour s’adresser directement au lecteur et à la lectrice, le personnage principal fait de même, mais tout au long du récit. Il porte le nom de Bret Easton Ellis et partage les mêmes éléments autobiographiques que l’auteur, si ce n’est qu’ils sont transposés au sein d’une série de crimes sordides.
Âgé de 17 ans, Bret évolue au cœur d’un milieu et d’une clique d’ami.e.s qui ont à peine conscience de leur statut ultra privilégié. L’auteur agit à titre de narrateur omniscient qui porte un regard nostalgique sur une période de sa vie où il explorait sa sexualité avec ses amis, Matt et Ryan, tout en fréquentant, avec mollesse, son amie Debbie. Même si un tueur sévit, l’information ne pénètre que peu l’univers de ces jeunes, qui est avant tout ponctué de fêtes et de nouveautés musicales ou cinématographiques.
C’est alors que le séduisant Robert Mallory vient bousculer ses certitudes. Comment, il faut l’admettre, ne pas baisser les armes et embrasser le charisme du nouveau venu ? Et comment également ne pas s’interroger sur la part d’ombre qui semble l’accompagner ? Se pourrait-il que Robert soit lié au tueur en série et, si oui, quelle est la nature de cette association ? À moins que Bret ne sombre dans la paranoïa ?
L’auteur présente une chronique des années 80, troublante de réalisme, dans laquelle on retrouve la patine de violence exacerbée et de références à la culture pop qui ont fait la marque de commerce de ses premières œuvres. La technique de l’autofiction est par ailleurs fort ingénieuse puisqu’elle crée un univers déconcertant où il demeure toujours difficile de savoir si on se situe ou non dans la réalité.
L’ouvrage fait près de 600 pages et se révèle extrêmement touffu. On pourrait même lui reprocher une surutilisation des références culturelles qui viennent parfois alourdir inutilement la progression du récit. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une intrigue trépidante mettant en scène trois personnages fascinants : un tueur en série, les années 80 et Bret Easton Ellis lui-même.
INFOS | Les éclats / Bret Ellis. Paris : Robert Laffont, 2023. 603p. (Pavillon)