Véritable phénomène, Drag Couenne a remporté la première saison de Drag Race Belgique — animée par Rita Baga — grâce à son univers créatif foisonnant, sa théâtralité, ses looks hors du commun, son sens de la performance et sa façon toute personnelle de déjouer les codes de genre. Montréal pourra la voir en chair et en os durant Drag Superstars, le 10 août prochain, sur l’Esplanade du Parc olympique, dans le cadre de Fierté Montréal.
Est-ce que tu t’apprêtes à découvrir Montréal ?
Drag Couenne : Ouais, ce sera ma première visite en tant qu’artiste et touriste. Ça m’excite trop ! C’est le plus gros truc que Drag Race m’a amené : de pouvoir aller chez vous pour faire Drag Superstars. Je ne connais presque rien du Québec. J’ai des potes qui m’ont dit un peu comment était la vibe. Tout le monde m’en parle en bien. Du coup, j’ai pris des jours en plus pour venir avant et m’imprégner de l’ambiance.
Ça te fait quoi de voyager grâce à ta drag ?
Drag Couenne : C’était un peu le rêve. J’espérais que l’émission me permette d’aller à l’international, de présenter le drag belge et de montrer c’est quoi Drag Couenne. Je fais du drag, mais la moitié de ma vie est consacrée au théâtre, ce qui nourrit énormément Drag Couenne. Au moment où je te parle (début juillet), je suis à Avignon pour faire du théâtre de marionnettes dans une version queer de Shakespeare. Je sens que Drag Couenne m’aide énormément avec ça et vice versa. En drag, je dois réussir à interagir avec les gens, alors que j’ai du maquillage et une perruque, tout en restant moi-même à l’intérieur et en essayant de toucher les gens avec une vérité prenante.


Comment as-tu présenté les numéros qui seront produits devant une foule monstre ?
Drag Couenne : Je me suis posé la question, car ça m’a fait vraiment flipper durant quelques moments. Mes numéros sont généralement conceptuels, dramaturgiques, intimistes et avec beaucoup d’images. Là, je me suis demandé comment rendre cette chose intimiste devant 20 000 personnes pour que Drag Couenne traverse quand même le cœur des personnes.
Un peu comme je l’ai fait dans le talent show de Drag Race Belgique en présentant une chanson qui a assez bien marché sur les réseaux aussi. Donc, j’ai pensé à me réapproprier une nouvelle chanson en français. Et à en prendre une autre pour danser et faire du lip sync. Pour seulement cinq minutes, je me suis entouré.e d’un chorégraphe, deux stylistes, trois personnes avec moi en studio pour enregistrer la voix et une prof de chant. On est presque dix ! C’est magique. Je crève d’envie de montrer ce truc !


Quels ont été les effets de la victoire sur toi ?
Drag Couenne : J’ai ressenti une énorme validation, parce que ma drag est jeune et la façon dont je la pratique est très personnelle. Du coup, ça me confirmait que j’appartenais quand même à ce monde, même si j’ai un univers beaucoup moins pop. Ça fait trop du bien. Cela dit, la représentation belge peut aussi être lourde à porter, car j’ai vraiment envie qu’on se rende compte de ce qu’est le drag belge et qui n’était pas forcément montré dans Drag Race : soit hyper créature et hyper queer. Il y a trois ans, un collectif dont je faisais partie a complètement bousculé le drag. Au lieu de tout présenter dans les cabarets et les bars, des drags sont né.e.s dans les squats et dans le milieu underground. J’ai envie de représenter ça.
Malgré une distribution relativement diversifiée à Drag Race Belgique, c’est donc encore plus varié en Belgique ?
Drag Couenne : Les monstres n’y étaient pas. Moi, je viens des monstres, des queers et des activistes. J’ai envie que ce genre de drag soit représenté, car il est vraiment présent en Belgique. C’est ça la richesse de notre pays : on est dans un espace de compromis entre la France qui a une énorme identité, les Pays-Bas qui sont très clairs dans ce qu’ils font et Londres qui n’est pas très loin. La Belgique est limite plus petite de Paris et elle est coupée en deux, avec les Flamands qui n’ont pas forcément regardé l’émission, car c’était en français. Donc, une toute petite partie nous a vu.e.s. Bref, on essaie toujours de se réinventer, parce qu’on n’a pas une identité propre en Belgique. On est libre de faire ce qu’on veut.

Je sens qu’il y a encore beaucoup de vulgarisation à faire sur le drag en Belgique.
Drag Couenne : En effet, la Belgique se prétend hyper LGBTQIA+ friendly et on met des
drapeaux partout quand c’est la Pride, mais il y a encore des personnes de nos communautés qui meurent et qui se font agresser. En plus, il n’y a que deux bars queers dans le centre de Bruxelles. C’est très en surface. Quand je parle à des médias qui ne sont pas forcément éveillés, il faut bien clarifier les bases pour éviter la confusion et les amalgames.
Comment décrirais-tu la franchise belge de Drag Race ?
Drag Couenne : J’ai l’impression qu’il y a une certaine honnêteté. On arrive avec ce qu’on a de générosité. Il y a eu des looks what the fuck. Il y a aussi des moments hyper touchants. On a toutes été très vulnérables. Les histoires de chacune ont beaucoup ému les gens. Et on a des personnalités très différentes les unes des autres.
Comment Rita Baga était-elle perçue ?
Drag Couenne : On était bouche bée devant elle. J’avais un peu peur, après l’avoir vue dans ma télé il y a des années. Je pensais ne jamais la rencontrer de ma vie, mais voilà qu’elle se tenait devant moi, à me donner des conseils et des mots rassurants. On avait toutes de l’admiration pour elle. Sa façon d’être avec nous était très douce. Elle jouait son rôle de juge, mais avec son œil, elle nous faisait quand même comprendre qu’elle avait déjà été candidate. On n’était pas potes, mais on se sentait bien avec elle, dans une dynamique mère-fille plutôt qu’entre sœurs.


INFOS | Drag Superstars, le jeudi 10 aout, de 18 h à 23 h, sur la Scène TD de l’Esplanade du Parc olympique, dans le cadre du festival Fierté Montréal Pride
www.fiertemontreal.com/fr/evenements/drag-superstar