Mardi, 14 janvier 2025
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    Les plans culs et les envies de romance de Ludovic Piétu

    Après avoir raconté son passé d’hétéro, ses tourments intérieurs et sa sortie du placard dans Pédale !, Ludovic Piétu partage ses premiers pas comme homosexuel dans la BD aussi charmante que divertissante, Dehors !, illustrée par Jika.

    Au programme : une décennie de cruise de vestiaires, de sites de rencontres, de plans culs et d’aventures amoureuses qui nous font voyager de la Chine à la Thaïlande, en passant par la France. 

    Après avoir vécu le processus de création de Pédale, comment s’est passé celui de 
    Dehors ?

    Ludovic Piétu : Jika et moi avons mis environ 18 mois, alors que le premier a pris sept ans. Tout était plus efficace. En termes de narration, le premier s’est construit grâce à des échanges avec Jika qui faisait ressurgir la matière première de moi. Ensuite, elle résumait ses notes et on construisait l’histoire ensemble. Cette fois-ci, je me suis mis dans le siège de l’auteur dès le départ. Je me sentais plus en confiance. C’était agréable de retourner dans mes premières années d’homme gai, une période assez heureuse d’exploration du monde et de moi-même. 

    En quoi ta vie actuelle a-t-elle influencé ta perspective sur tes vieilles histoires ?
    Ludovic Piétu : Avec les années, je me suis assumé et je me suis engagé dans des groupes LGBTQ+. Pédale m’a aussi exposé à d’autres réalités et m’a permis de rencontrer des jeunes. Je verse mes droits d’auteurs à l’association française Le Refuge, qui héberge des jeunes expulsé.e.s par leurs parents, et j’ai rencontré des jeunes qui m’ont raconté leurs histoires, il y a deux ans. Par exemple, une gamine de 16 a été mise à la porte parce qu’elle est lesbienne et elle est considérée comme morte aux yeux de ses parents. C’est d’une telle violence ! En tout temps, 300 jeunes trouvent refuge là-bas. Bref, comme je suis davantage sensibilisé aux situations des personnes LGBTQ+, ça m’a donné encore plus d’énergie pour écrire le deuxième. 

    Quels éléments voulais-tu explorer pour illustrer les débuts de la vie homosexuelle ? 
    Ludovic Piétu : Dans la tête de Jika, l’idée de base de Dehors, c’était d’illustrer mes plans culs. Elle trouvait ça très drôle et très visuel. En lisant le livre, on sent aussi la tension entre ma volonté de m’épanouir sexuellement avec des hommes, après des années à en avoir envie sans me donner le droit de le faire, et mon côté fleur bleue qui souhaitait tomber amoureux. Je voulais rencontrer la bonne personne avec qui ça allait durer. Il y a donc un équilibre entre le sexe et l’amour durant cette décennie-là. 

    Pédale était rythmé et fluide, mais beaucoup plus sérieux que Dehors, qui m’a semblé léger et très drôle. 
    Ludovic Piétu : Oui, le deuxième est plus fun. On voyage pas mal. On présente des anecdotes qui auraient presque pu être indépendantes et publiées dans un journal. C’était vraiment divertissant à mettre en page. Jika connaissait toutes ces histoires de plans culs et elle attendait impatiemment la narration que j’allais produire, pour enfin s’amuser à dessiner des mecs tout nus. Je dois dire que l’écriture de cette forme d’humour est venue assez naturellement. On a sélectionné les choses qui nous faisaient le plus rire.

    À quel point ton amitié fusionnelle avec l’illustratrice Jika a-t-elle eu un impact sur
    le projet ?

    Ludovic Piétu : C’est déjà une belle excuse pour s’appeler tous les jours et dire à nos maris : « On s’appelle et on travaille ». En réalité, on est très complémentaires. C’est comme ma sœur. On se connait très bien, ce qui fait qu’on peut travailler ensemble sur un projet aussi intense sans s’engueuler. Ce n’est pas facile, spécialement pour elle qui doit tout dessiner. Malgré ça, on arrive à se parler et à se dire les choses qui ne fonctionnent pas. On est vraiment très transparents et on a envie de s’amuser !

    Tu racontes des portions de vie qui se déroulent en France, en Chine et en Thaïlande. Quelle est la valeur ajoutée de ces territoires dans le projet ?
    Ludovic Piétu : Tous ces lieux me constituent. Chaque pays et chaque ville s’est imprimé en moi. Le fait d’avoir vécu à Pékin et à Bangkok m’a aidé dans mon cheminement d’homosexuel. En Thaïlande, par exemple, j’ai goûté à une certaine ouverture. Si tu es  différent là-bas, ce n’est pas grave. Je crois aussi que le livre va permettre aux gens de voyager dans ces pays à une époque précise. En 2003, la Chine était pleine de promesses. C’est très différent 20 ans plus tard. Mon but était aussi de faire prendre conscience qu’être gai, c’est une expérience avec les gens et la  qui nous entourent.


    Prévois-tu un troisième tome sur ta vie au Canada et au Québec ?
    Ludovic Piétu : Ouais, mais on va prendre plus de temps pour le faire. En travaillant sur
    Pédale, on avait déjà commencé à travailler sur Dehors. On a besoin de prendre une pause. Je fais ça en plus de mon activité professionnelle à plein temps. Ça prend mes week-ends et mes soirs. C’est fatigant. On a donc levé un peu le pied. Jika a un autre projet professionnel devant elle. Cela dit, pour le troisième, l’idée est d’expliquer comment un jeune qui était dans le placard et qui a lutté pour en sortir, avant de vivre son homosexualité, décide de partager son histoire et d’en faire un livre, en plus de suivre sa vie en Ontario et à Montréal. Il y a tout un cheminement à raconter.

    INFOS | DEHORS, de Ludovic Piétu, illustré par Jika, Les Éditions Rouquemoute, 2023, 140 p.

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