À 16 ans, Hippolyte Borgia Lazard a l’étrange conviction que son cerveau abrite une pieuvre dont les tentacules, sournois et insidieux, menacent en tout temps l’équilibre précaire de son esprit. Comment, sinon, expliquer ses lubies soudaines de même que ses inclinations étranges ? Et une rencontre ne vient que confirmer cette impression.
Au cœur d’une petite ville d’Espagne, c’est en compagnie d’Odile la folle Lemoine, une Québécoise qui partage son appétit du déséquilibre, que les deux amis sillonnent les artères de la petite station balnéaire pour y faire les quatre cents coups. La symétrie de leur cœur rencontre éventuellement une même pierre d’assise : Clément.
« C’est là que j’ai reçu le boulet en plein ventre, my friend. C’est là que je suis mort, pour de bon. Clément. Plongé dans une nuit éternelle je suis le défunt vivant, le trépassé qui marche. Clément. Un coup de couteau dans l’estomac. Un poison violent qui me fait exploser la tête. Ma perpétuelle pendaison, jamais complètement achevée. Clément. Mon échafaud à cœur, mon asphyxie dans le sang.
Dans sa chevelure souffle le vent. Je retombe en hiver, moi qui n’avais plus froid. Mon corps fait face à la photographie d’un désert où flottent mille ballons noirs… Est-ce la fin du monde ? Combien de minutes vais-je encore vivre ? »
Une complicité immédiate se noue entre eux trois, même si, on s’en doute, tout converge vers le centre d’attraction que constitue Clément. C’est l’occasion de chanter à tue-tête, de plonger dans des plaisirs qu’on dit ne pas être de leur âge, de réinventer le monde et de se découvrir.
On s’en doute, c’est l’audace et la démesure de la langue de Claude Ferland Milewski qui foudroient immédiatement. Des images dotées d’une force déroutante, vibrante et insolite qui ne sont pas, comme plusieurs l’ont déjà souligné, sans rappeler la prose de Réjean Ducharme. Une lecture parfois exigeante, mais qui habite et marque longuement.
INFOS | La pieuvre / Claude Ferland Milewski. Montréal : Éditions du Boréal, 2023, 308 p.