Le 4 juillet 2023, près de 1000 participant.e.s marchaient dans le Village en direction des bureaux de l’arrondissement de Ville-Marie à la Place Dupuis. Ces personnes voulaient sensibiliser les politicien.ne.s aux nombreuses problématiques qui touchent le Village depuis quelques années déjà et qui se sont amplifiées : vente et consommation de drogues dures, itinérance, insécurité, incivilités, agressions, etc. Que reste-t-il de cette initiative citoyenne en 2024 et quels sont leurs projets ? Nous avons rencontré les instigateurs de cette manifestation, qui n’ont pas l’intention de lâcher le morceau.
« Nous sommes en contact avec la Ville de Montréal, nous avons rencontré Robert Beaudry (responsable de l’urbanisme au comité exécutif et conseiller municipal de Saint-Jacques) », explique Christian Généreux, cofondateur de J’aime mon Village. « Nous avons aussi rencontré les responsables des postes de quartier 21 et 22 du SPVM (respectivement Krisztina Balogh et Guillaume Théberge), ainsi que les gens de la Société de développement commercial du Village (SDC) et de la Corporation de développement communautaire Centre-Sud (CDC), etc. On a appris que la Ville va allonger la période des interventions avec leurs diverses équipes d’intervention pour mieux encadrer les personnes en situation de crise et aussi pour renforcer la sécurité en ciblant davantage les revendeurs de drogues dans le Village. D’autre part, il semblerait que beaucoup de choses aient été faites, notamment en lien avec le CIUSSS, pour des interventions sur le terrain et des équipes de policiers et de travailleurs sociaux (pour l’itinérance, entre autres). Nous avons parlé aussi aux gens de la nouvelle Association citoyenne du Village de Montréal, soit l’association des résidents du secteur. La création d’une association de ce genre est une bonne chose, cela provenait du plan stratégique de l’an dernier. On voit donc que cela avance dans la bonne direction et que les gens se parlent. Nous avons proposé à la Ville de faire une sorte de tableau de bord des initiatives pour suivre les avancées des nombreuses initiatives. Cela va contribuer à contrer la désinformation et montrer que les choses bougent. Si la Ville accepte cette proposition-là, cela contribuera à changer le narratif négatif et à montrer qu’il y a des choses qui se font. »
« Nous suivons la situation depuis un bon bout de temps déjà », enchaîne Kat Coric, cofondatrice de J’aime mon Village. « On a ciblé les ministères parce que c’est là que résident les champs de compétence et le financement. Pourquoi est-ce que le Québec ne pourrait pas devenir un exemple en matière de problématique d’itinérance ? Le problème est très large et il faut s’en occuper. Pourquoi les gens se retrouvent-ils dans les rues, quels sont les problèmes qui les ont menés à la rue ? En Finlande, on adresse ce type de problématique avec plusieurs mesures qui semblent fonctionner, pourquoi ne pourrait-on pas s’en inspirer ici ? Il faudra plus d’implication du gouvernement du Québec qui détient le financement. On a besoin de l’argent du Québec et du fédéral pour appuyer la Ville dans diverses initiatives. » L’argent est en effet le nerf de la guerre, comme on dit. La Ville et l’arrondissement, de même que la police, ont beau vouloir mettre en place des mesures, il reste que celles-ci ne seront pas suffisantes pour tout régler et il faut développer une stratégie coordonnée en vue de remédier à l’itinérance. Lorsqu’on parle de logements sociaux, par exemple, cela crève les yeux que le financement de telles habitations devra venir de Québec et d’Ottawa. « On ne fait que cautériser l’hémorragie en ce moment », soutient Christian Généreux.
J’aime mon Village entend interpeller directement le premier ministre François Legault afin de créer un comité interministériel pour la cause du Village et que les ministères puissent ainsi faire les liens entre eux pour agir plus efficacement. « Nous suivons la détérioration de la situation et nous nous rendons compte qu’il s’agit d’un problème très vaste et très complexe. Nous devons examiner le problème dans sa globalité et planifier […]. Plusieurs [des] ministères suivants devraient s’asseoir ensemble et […] discuter autour d’une table ronde pour coordonner une stratégie : les Affaires municipales et l’Habitation, l’Éducation, la Famille, les Finances, la Justice et évidemment la Santé et les Services sociaux, sans compter la Sécurité publique, le Tourisme, le Travail, etc. », croit Kat Coric. Pour l’heure,
l’objectif est simple : interpeller le gouvernement provincial afin d’octroyer plus de ressources aux groupes communautaires, à la Ville, à la police, et pour financer des logements sociaux, etc. « Dans cette optique, on essaie présentement de rencontrer les attachés politiques des ministres », poursuit Christian Généreux. « S’il n’y a pas de réponse à nos demandes de rencontres, on planifie de créer une pétition pour demander au gouvernement de mettre en place un comité interministériel. »
« Il y a un gros problème d’itinérance — et il ne faut pas oublier que n’importe qui peut devenir itinérant, Christian, moi, tout le monde — et lorsqu’on devient itinérant, on est plus vulnérable à la consommation de drogues vendues sur la rue, des drogues qui sont la cause de bien des psychoses et de certains comportements agressifs, lorsque les personnes sont en crise », de dire Kat Coric. « D’autre part, les gens à faibles ressources financières ont de plus en plus de difficulté à se loger. Je le vois près de chez moi, le centre d’hébergement du Chaînon, depuis la pandémie, il se crée une file d’attente aux portes, sauf qu’il n’y pas de place. Ces femmes se retrouvent donc à la rue. Cela me brise le cœur », dit-elle. Avec la collaboration du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et de l’Habitation, « il serait possible de s’asseoir ensemble pour faire des projets d’habitation dans le secteur du Village, d’impliquer des firmes d’architectes et de créer peut-être des concours d’architecture pour mousser ces projets pour construire des logements pour ceux qui en ont besoin et je crois qu’il y a moyen que tout le monde travaille ensemble », conclut-elle. Les responsables de l’initiative J’aime mon Village, un an après la manifestation, ne restent pas les bras croisés et s’activent pour défendre ce secteur où bien des problématiques semblent se concentrer…