Le 4 octobre prochain, les jumeaux Kinkead lanceront Henri & Simon, un deuxième album dans lequel ils poursuivent leur exploration des sonorités indie pop planantes et pimpantes. Fugues leur a parlé quelques jours après leur prestation à la Fête Arc-en-ciel de Québec.
Qu’avez-vous vécu de marquant depuis la sortie de votre premier album, Migration, en 2020 ?
Henri : J’ai lancé un nouveau projet créatif à l’extérieur de Kinkead, qui s’appelle Héron. Ça m’a fait voir la pertinence de notre projet commun et à quel point c’est précieux de se retrouver entre frères.
Simon : Migration décrivait nos trajectoires personnelles dans un espèce de coming of age identitaire. Ça brassait plein de questions en lien avec nos cheminements personnels et nos orientations sexuelles respectives. Le nouvel album est un album de transition, qui reflète qui on était au moment de l’enregistrement. Henri a commencé son projet solo. De mon côté, j’entreprends une maîtrise en anthropologie.
À quoi ressemble votre processus créatif ?
Simon : En général, on écrit chacun de notre côté le cœur d’une chanson, avec des idées de paroles assez avancées, on se les partage et on avance l’écriture ensemble. Sur notre nouvel album, il y a aussi quelques chansons écrites ensemble à 100 %.
Henri : Je ne sais pas si c’est parce qu’on est jumeaux ou qu’on a des bands depuis qu’on a 10 ans, mais on comprend toujours nos intentions. On a une très bonne communication, mais ça n’a pas toujours été comme ça. Parfois, nos égos étaient peut-être plus impliqués.
Simon : Entre les deux albums, il a fallu faire une transition dans notre façon de communiquer. Avant, c’était quelque chose de plus télépathique, du genre : on se comprend tellement bien qu’on n’a pas besoin de se parler. Puis, on a atteint une maturité qui nous a fait prendre conscience que les relations humaines impliquent qu’on doit se parler, au lieu de tenir pour acquis que l’autre va tout comprendre.
Comment comparez-vous les arrangements des deux albums ?
Henri : Puisque Migration était un truc très intime, la production musicale était peut-être moins proche de quelque chose de très familier pour nous : de la musique festive et rassembleuse. Cet album-là s’approche plus de ce qu’on écoutait quand on était jeune.
Simon : Notre père avait le contrôle de la playlist. On a écouté beaucoup les Rolling Stones et Fletwood Mac, que maman aimait beaucoup aussi. En plus de certains trucs queb’ comme Beau Dommage. On aime un esprit de groupe avec une saveur vintage et des harmonies vocales auxquelles on tient beaucoup.
À quel point le son vintage est-il facile à créer pour vous ?
Henri : On est naturellement portés à composer des mélodies et des formes de chansons qui se rapprochent de ce qui se faisait dans les années 1970 et 1980. Et puis, avec les techniques de production modernes et nos influences d’aujourd’hui, ça nous ramène à quelque chose de plus moderne. N’empêche que le cœur de nos chansons ressemble davantage à ce que les auteurs-compositeurs folk de l’époque auraient pu faire.
Sentez-vous que vos plumes se transforment ?
Henri : Je pense qu’une finesse se développe. Quand on veut donner dans la simplicité, on est plus précis pour dire les choses telles qu’elles sont. Et quand vient le temps d’être plus dans le storytelling, avec un côté métaphorique, le message est plus clair.
Simon : Plus on vieillit, plus on apprend à devenir qui on est artistiquement. On essaie moins de faire du style pour faire du style. Un naturel se développe avec le temps.
Comment s’exprime votre queerness dans votre art ?
Henri : C’est toujours un souci dans l’écriture, l’interprétation et comment je me présente, car ça m’habite au quotidien. Dans la chanson Parle-moi, il y a une sensualité qui saute aux yeux. J’avais envie d’écrire à propos d’une rencontre romantique entre deux gars et je trouvais ça important d’exprimer cette sensualité sur l’album. Dans la plupart des looks de nos photos de presse, il y a un souci que ce soit queer, de jouer avec les couleurs, le fit du vêtement, la sensualité, le part de nudité, etc.
Simon : Pour moi, Kinkead est une plateforme pour exprimer ce côté queer qui habite moins mon quotidien que celui de Henri. À l’époque de Migration, mon orientation sexuelle était un grand questionnement et même une souffrance à certains égards. Aujourd’hui, je vis presque exclusivement des relations hétérosexuelles. Je me considère encore bisexuel, mais je me vois aussi à une intersection entre être un allié et faire partie de la communauté.
C’est une posture particulière. Je veux respecter les enjeux des communautés LGBTQ+, tout en appréciant de les célébrer pour moi et pour Henri. C’est un message important à porter. Dans mes chansons, je veux m’éloigner des clichés de la chanson d’amour masculine. Dans le vêtement, j’ose certaines choses que je fais moins souvent. Je joue sur les codes en restant fidèle à qui je suis.
Est-ce que ton frère te pousse à aller plus loin esthétiquement ?
Simon : À la base, je m’assure de toujours être à l’aise. Si je ne porterais jamais un morceau dans la vie et que je le fais juste pour le show, je trace la ligne. Henri va dans des directions plus osées, mais on respecte nos limites respectives. Dans notre identité visuelle, on veut une esthétique queer, sans aller dans le cliché ni dans l’appropriation. Je suis très sensible à ça.
Henri : Simon a une posture très responsable et respectueuse là-dedans. Je suis très fier de ce qu’on présente, de notre dualité de jumeaux avec des personnalités et des identités
sexuelles différentes.
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