Jeudi, 12 décembre 2024
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    Entrevue avec le Dr Pierre Côté, vers des traitements injectables de longue durée pour prévenir le VIH

    Lors de la 25e Conférence internationale sur le sida (de l’IAS) à Munich, en Allemagne, l’été dernier, les attentes étaient élevées concernant les traitements antirétroviraux injectables utilisés pour prévenir la transmission du VIH. On y présentait les résultats d’études sur l’efficacité du Lenacapavir (Sunleca) dans un contexte de prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP). Le lenacapavir étant un médicament injectable administré deux fois par an, efficace contre les virus résistants chez les personnes VIH+ ayant échoué aux traitements antérieurs. On attendait également les résultats  des données  sur  cabotégravir (Apretude) administré pour sa part chaque 2 mois dans le même contexte de PrEP, chez les femmes cis-genres, pour qui la PrEP traditionnelle n’avait pas démontré une bonne efficacité. Ces 2 médicaments injectables à effet prolongé, étaient comparés au Truvada (la Prep traditionnelle) utilisé présentement comme traitement standard en comprimé pris tous les jours en continu, ou à la demande pour la prophylaxie pré-exposition. 

    Menée par la Dre Linda-Gail Bekker, directrice de la Desmond Tutu HIV Foundation à l’Université du Cap et ex-présidente de la Société internationale du sida, l’étude présentée à Munich sur le Lenacapavir ouvre de nouvelles perspectives. Le Lenacapavir a démontré une efficacité de 100 % chez les femmes cis-genres et les jeunes filles à risque d’infection, «Les résultats présentés ont été accueillis très positivement. On a même eu droit à une ovation debout à la fin de la présentation. Je n’ai pas vu ça souvent.  Je n’ai pas vu ça depuis que je pratique », se réjouit le Dr Pierre Côté, médecin à la Clinique de médecine urbaine Quartier Latin.

    Notons qu’actuellement le Cabenuva (combinant le cabotégravir et le ripivirine) est prescrit et remboursé par l’assurance médicaments (privé et public).

    « Les traitements injectables à longue action seront certainement de plus en plus utilisés dans le futur que ce soit pour traiter ou prévenir le VIH, explique le Dr Pierre Côté. La majorité des patients qui ont utilisé un traitement injectable sont très satisfaits et le tolère très bien. Ils craignent en général moins la stigmatisation puisqu’il ne s’agit pas de pilules à prendre quotidiennement. Ils évitent ainsi d’avoir à répondre pour justifier pourquoi ils prennent ces médicaments sur une base quotidienne.»   

    En PrEP, une injection tous les deux mois (de cabotégravir, commercialisé sous le nom d’Apretude) ou deux fois par an (de lénacapavir, qui sera commercialisé sous le nom de Sunlenca) est plus pratique que la PrEP pris de manière quotidienne. Cela réduit le nombre de pilules qu’ils doivent prendre et la personne a moins à se soucier ou craindre d’oublier des doses. Cette meilleure adhérence aux injectables à longue durée d’action, explique la supériorité du lénacapavir et du cabotégravir dans les études cliniques présentées.

    Nous n’avons pas fini d’entendre parler des médicaments à longue durée d’action. Des nouvelles formulations de médicaments pris oralement sont étudiées et pourraient voir le jour : pris 1 fois par semaine, par mois, aux 2, 4 ou 6 mois voire peut-être éventuellement une fois par an !  

    Des études sont également en cours pour démontrer l’efficacité des médicaments tels le lenacapavir et le cabotégravir chez différentes populations plus vulnérables comme les usagers de drogues injectables pour qui les traitements à longue durée d’action seraient le plus bénéfique car elle répondrait à la cause principale d’échec avec cette clientèle. Ces populations plus vulnérables ont plus souvent des difficultés à adhérer à la PrEP telle qu’elle est actuellement utilisée au quotidien. On peut se poser la question à savoir qui bénéficiera réellement de la PrEP injectable et quand (comme ils ne sont pas encore couverts par le régime public d’assurance médicaments et bien des assureurs privés)? «Le coût d’une injection d’Apretude tourne autour de 1000$ par injection (soit un peu plus de 6000$/an). Bien que le coût n’est pas encore connu, je parierais sur des couts annuels comparable pour deux injection de Sunleca par année, continue le Dr Pierre Côté. [ndlr : à l’heure actuelle, on palre de 40 000$/an pour le traitement de Sunlenca aux États-Unis].

    Pas sûr que régime médicament de la RAMQ le rembourse de sitôt si les coûts restent si élevés. «Au départ, seules les personnes avec une bonne assurance privée pourront y avoir accès… Le gouvernement et les gens de l’industrie devront certainement négocier et faire des compromis pour donner accès à ces traitements qui vont aider tous, y compris les personnes les plus vulnérables et les plus à risque.»

    «J’ai une autre préoccupation : depuis l’utilisation de la PrEP , on assiste à une hausse croissante des ITSS (infections transmissibles par le sexe et par le sang) : gonorrhée, chlamydia, syphilis, entre autres. Présentement, on voit en suivi les patients sous PrEP à tous les 3 mois environ. Ceci permet de dépister précocement les ITSS et les traiter rapidement pour éviter que les gens se contaminent davantage sans le savoir parce qu’ils ne présentent pas de symptômes. Si les visites se font uniquement deux fois par année, risque -t-on une recrudescence éventuelle de ces ITSS ?», se questionne le Dr Pierre Côté. «Il faudra certainement s’adapter. Bref, ce ne sont pas des vaccins ni des cures, mais ces traitements injectables représentent une avancée scientifique significative pour les patients et pour la prévention».

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