Jeudi, 12 décembre 2024
• • •
    Publicité

    Vincent Francoeur publie un premier roman sur les amours queers toxiques

    Justin et Éric amorcent leur vingtaine à Montréal. Colocs, meilleurs amis et futurs cégépiens, ils pataugent dans les eaux de l’amour toxique. Le premier, qui travaille comme danseur nu, s’ennuie d’une relation bancale, fréquente un homme qui ne le fait pas vibrer, peine à gérer sa solitude et plonge dans les relations interdites. Le deuxième s’entête à demeurer dans un couple teinté de jalousie, de violence psychologique, physique et sexuelle. En explorant leurs premiers pas amoureux hasardeux, Vincent Francoeur publie son premier roman, Tu y connais quoi, toi, à l’amour ?

    Tu publies ton premier livre à 38 ans. À quoi ressemble ton parcours ?
    Vincent Francoeur : Je suis né à Magog, j’ai fait mon bac en sexologie à l’UQAM et j’ai vécu à Montréal durant des années, mais ça fait 11 ans que je vis à Toronto. J’ai fait ma maîtrise ici et je travaille comme psychothérapeute à temps plein, en plus d’enseigner à l’Université de Toronto. L’écriture a toujours fait partie de ma vie. Je viens d’une famille de lectrices, surtout mes sœurs, ma mère et ma grand-mère. J’ai toujours pensé que j’allais écrire.

    Justin et Éric sont à un tournant dans leur vie. Que voulais-tu explorer avec eux ?
    Vincent Francoeur : J’avais d’abord envie d’écrire sur l’amitié dans nos communautés. Même si le titre évoque l’amour et que le roman parle beaucoup de ça, la relation principale est celle entre Justin et son meilleur ami. À ce moment de leur vie, ils se demandent si leurs histoires amoureuses vont prendre plus de place que leur amitié. Ils ne sont plus des enfants. Ils veulent commencer leur vie d’adultes, mais en même temps ils commencent le cégep. Je crois qu’ils étaient encore des ados au début du livre et qu’ils sont devenus de jeunes adultes à la fin. C’est une histoire de coming of age à 100 %.

    Le livre traite abondamment de quête amoureuse, de couple, de dates et de ce qu’est l’amour. Quel angle as-tu pris pour aborder ces questions ?
    Vincent Francoeur : Il n’y a pas beaucoup d’histoires sur les relations toxiques dans nos communautés, alors que j’en vois beaucoup comme psychothérapeute. Je trouve ça important d’en parler et je voulais montrer deux types bien différents : la relation très toxique entre Marc et Éric, ainsi que la jalousie d’Anna envers Kathie. Cela dit, Anna est beaucoup moins désagréable que Marc, qui est un Abuseur avec un A majuscule. Je voulais aussi montrer que Justin n’est pas toujours très cool. Lui-même blesse quelqu’un amoureusement pendant tout le livre. Puisqu’on est dans sa tête, on réalise que même de « bonnes personnes » blessent aussi des gens dans des relations amoureuses.

    Justin et Éric restent longtemps dans plusieurs situations malsaines. Sont-ils des mésadaptés amoureux ?
    Vincent Francoeur : Je pense que non. Il faut se rappeler que l’histoire se déroule en 2004 et ne jamais oublier qu’on ne se fait pas donner de guide quand on arrive dans le milieu gai à Montréal. On essaie peut-être de copier ce qu’on a vu dans les livres, à la télé ou avec nos parents, mais on n’a tellement pas d’outils pour entrer dans des relations queers saines. Ça va des deux côtés : moi, je n’ai pas d’outils et la personne que je date non plus.

    À l’adolescence, quand on est censé développer nos outils sociaux, on est trop occupés à se cacher, à être intimidés ou à s’invisibiliser pour ne pas être remarqués. Ça ne donne pas des outils puissants pour entrer dans des relations saines à 21 ans. Dans nos communautés, je remarque que plusieurs hommes gais dans la vingtaine et dans la trentaine ont des relations comme s’ils étaient encore adolescents.

    Justin est attachant, mais aussi très immature et impulsif. Comprends-tu l’envie des lecteurs de vouloir le shaker pour qu’il se réveille ?
    Vincent Francoeur : Vraiment ! Il a 21 ans, il ne sait pas quoi faire, il n’est pas parfait. Je pense que c’est la force de mon roman : les personnages font des choses qui se peuvent, avec toutes leurs imperfections. Je ne voulais pas écrire un personnage modèle. Ce serait ennuyant !

    Il travaille comme danseur nu. Pourquoi lui as-tu donné cette profession ?
    Vincent Francoeur : J’ai travaillé dans l’univers des bars de 18 à 26 ans. J’avais envie d’illustrer cet univers-là et de parler de travail du sexe, parce que c’est un peu tabou. Ça donne un truc edgy au livre. J’ai moi-même travaillé dans des bars de danseurs. Je connais beaucoup cette réalité. J’ai des amis, des amants et des clients qui font ça. Je trouvais ça important d’en parler de manière un peu casual et lucide.

    Justin et ses amis se perdent dans l’alcool, la drogue, la fête et les courtes nuits. Est-ce un passage obligé dans la jeune vingtaine ?
    Vincent Francoeur : Pas obligé… mais c’est un passage très fréquent. Mon éditeur avait d’ailleurs remarqué que mes personnages étaient pauvres et qu’ils sortaient toutes les semaines. Il trouvait ça incohérent, l’idée d’être pauvre et de dépenser autant en alcool, alors que c’est très possible. Plusieurs queers s’éloignent de leur patelin où ils ne pouvaient pas être eux-mêmes, ils arrivent dans un milieu où le monde gai existe beaucoup dans le nightlife et ils s’y perdent un peu. C’est aussi très l’fun de goûter à cette liberté-là pour la première fois de sa vie, en étant entouré de gens de nos communautés. C’est un peu normal de s’y perdre.

    INFOS | Tu y connais quoi, toi, à l’amour ? /
    Vincent Francoeur. [Canada] Les Editions David / Indociles, 2024, 488 p.

    Du même auteur

    SUR LE MÊME SUJET

    LEAVE A REPLY

    Please enter your comment!
    Please enter your name here

    Publicité

    Actualités

    Les plus consultés cette semaine

    Publicité