Pour améliorer tous ces traitements et, éventuellement, réussir même à endiguer les nouvelles contaminations à travers la PrEP, il faut mener des recherches. Pour cette raison, la Clinique médicale l’Actuel lance un appel aux patients pour participer aux cohortes de recherches.
Ces études sont essentielles au développement de nouveaux médicaments et de traitements de prévention, comme la PrEP (médicaments avant une relation sexuelle) injectable bientôt disponible. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Sam Kajjo, PhD, coordonnateur de recherche académique et clinique à la Clinique médicale l’Actuel. Sept personnes oeuvrent sein de l’équipe de recherche académique et clinique.
« C’est une équipe très dynamique, dédiée à la recherche», explique Sam Kajjo, qui en est le coordonnateur depuis six mois maintenant. «Pour moi, c’est une question d’aider les gens de ma communauté et qui souffrent en raison du VIH. Grandissant en Syrie, il n’était pas permis de vivre qui ont était, il fallait tout le temps cacher son orientation sexuelle. J’ai caché qui j’étais jusqu’à mon arrivée au Canada, il y a 12 ans, où j’ai finalement fait mon coming out. Ici, j’ai l’occasion de travailler avec une équipe superbe. C’est un honneur pour moi de côtoyer les Drs Réjean Thomas [président fondateur de la clinique] et Jason Szabo [directeur de recherche]. Ce sont des mentors pour moi. Ils ont tant d’expérience, d’expertise en médecine reliée au VIH-sida, mais aussi tout le côté social, humain et comment on peut mieux aider la communauté. J’apprends beaucoup avec eux.»
«Nous avons 12 recherches cliniques en cours et d’autres vont débuter au courant de 2025. Il suffit qu’un patient mentionne son intérêt à son médecin lors d’une rencontre de suivi. Tout est traité anonymement», explique Sam Kajjo qui, après des études en biologie et chimie, a fait son doctorat à l’université McGill sur le sujet de l’ARN «avec l’objectif de faire de la recherche et de pouvoir aider les gens de la communauté atteints du VIH». Certaines études en ce moment portent sur les traitements injectables. «Ces traitements à long terme sont destinés à procurer à la personne plus d’immunité et les rendre plus adhérents au traitement, poursuit Sam Kajjo. On recherche aussi des individus qui pratiquent le ‘’chemsex’’. Les injectables permettent une meilleure observance du traitement chez les patients qui oubliaient parfois de le prendre chaque jour.»
En parlant de «chemsex», l’étude «Cheers» veut particulièrement aider cette population. «Si des gens pratiquent le ‘’chemsex’’, c’est important de les impliquer dans cette étude-là pour leur faire connaître les services d’aide psychosociale», dit Sam Kajjo. On recherche 50 personnes pour cette enquête et déjà 15 se sont manifestées en un mois. «Québec Don de sang» est une étude à long terme, menée en collaboration avec l’Hôpital Sainte-Justine.
Rappelons qu’en 2022, Héma-Québec, a levé l’interdiction aux hommes homosexuels et bisexuels de donner du sang. Cependant, il y a un hic : «Si quelqu’un est sur la PrEP, Héma-Québec peut supposer que cette personne est sexuellement active et potentiellement porteuse d’ITSS (infections transmissibles par le sexe et par le sang),» continue Sam Kajjo. «Ce n’est pas très clair dans les critères d’Héma-Québec, mais elle peut refuser un don d’un homme qui est sur la PrEP.» Avec cette étude, on veut démontrer que les hommes homosexuels ne sont pas plus porteurs d’ITSS que d’autres groupes de la population et, «qu’en fait, ils sont plus protégés que d’autres parce qu’ils sont sous la PrEP, justement et suivis.»
Actuellement, pour pouvoir donner du sang quand on est sur la PrEP, il faudrait arrêter le traitement et attendre une période de quatre mois. Et si cette PREP est un médicament injectable, il faut prévoir une période de 2 ans après la dernière injection. Mais quand une personne stoppe la PrEP, elle peut s’infecter et infecter les autres. « Héma-Québec a décidé de cette règle sans réellement faire d’études à ce sujet. Cette étude-là, réalisée avec l’Hôpital Sainte-Justine, va permettre de ramasser des données scientifiques. Jusqu’à présent, 300 personnes sont dans cette recherche à la Clinique, l’objectif est d’atteindre le nombre de 600», souligne Sam Kajjo.
Les populations migrantes peuvent avoir accès à la PrEP via les études PSHARSAH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes) et NOVA qui seront effectuées en 2025. «Celle-ci vise à faire connaître la PrEP auprès des migrants HARSAH», rappelle Sam Kajjo. «Un migrant arrivant au Canada, surtout s’il a subi de la discrimination dans son pays d’origine, ne penserait peut-être pas à se protéger adéquatement et pourrait s’infecter. Des vidéos, où des migrants parlent de leurs expériences avec la PrEP et comment ils peuvent se protéger avec des médicaments, seront disponibles au cours de l’année .»
«Nous désirons atteindre de 200 à 300 patients. Nous avons lançé un appel aux autres cliniques qui ont une clientèle de migrants parmi leurs patients. Il ne s’agit pas que des patients de la Clinique l’Actuel, mais bien de rejoindre les migrants là où ils sont. Il en est de même pour plusieurs autres études, car cela peut faire bénéficier l’ensemble de la communauté LGBTQ+», plaide Sam Kajjo.
D’autres recherches académiques portant sur les ITSS sont en cours ou seront menées en 2025. «L’objectif de toutes ces études est d’améliorer la qualité de vie des personnes séropositives, de réduire les transmissions, de réduire la stigmatisation liée au VIH afin que ces personnes puissent avoir une vie normale, être avec un conjoint qui sera protégé, également [puisque l’autre conjoint sera indétectable et donc intransmissible] ou alors que cet homme-là soit sur la PrEP et, encore là, sera protégé et protègera les autres», insiste Sam Kajjo.
On comprends que la base de données de la Clinique médicale l’Actuel est des plus importantes. On y collige toutes données recueillies auprès des patients consentants, de manière anonyme, encore une fois, à ce que la clinique utilise ces données à des fins de recherche. On amasse ainsi des chiffres sur les différents aspects de l’intersectionnalité entre le VIH et d’autres maladies ou autres. «Par exemple, combien de personnes sont à la fois séropositives et vivent avec l’hépatite C, ou combien sont aussi diabétiques, ou encore sont cardiaques ou souffrent d’hypertension artérielle, ou utilisent des drogues, etc. Tout est colligé de manière anonyme, mais ce sont des données importantes qui permettent de faire avancer la science, les traitements, l’aide aux patients, etc.», poursuit ici le coordonnateur de la recherche.
Infos : Clinique médicale l’Actuel, 1001, boul. De Maisonneuve Est, Montréal, 11e étage, bureau 1130. T. 514-524-1001 ou cliniquelactuel.com