À travers les dizaines de concerts qu’il a dirigés en 2024, le chef d’orchestre Francis Choinière a trouvé le temps de revenir à ses amours pour la composition et d’enregistrer Réflexions, son premier album de créations. Presque entièrement dédié à son mari, le chanteur Sam Champagne, le microalbum sortira le 14 février, jour de la Saint-Valentin.
Tu débordes de projets en tant que chef d’orchestre. Pourquoi voulais-tu composer un album ?
Francis Choinière : Même si je dirige beaucoup de musique classique traditionnelle, je trouve ça important de tendre vers la nouveauté. J’ai toujours espéré devenir compositeur quand j’étais enfant. À 8 ans, je composais au piano. À 12 ans, je suivais des cours de composition et j’ai commencé à écrire de petites symphonies. Deux ans plus tard, j’ai même enregistré un album au piano, que personne ne va entendre ; je l’ai jeté, car il ne représente pas le niveau que je recherche. J’ai toujours gardé en tête que j’allais le faire pour vrai.
Dans le tourbillon de ta vie, où trouves-tu le temps de créer ?
Francis Choinière : Comme on avait réservé une date à la Maison symphonique pour un spectacle qui n’a pas eu lieu, on a pensé profiter de l’espace pour enregistrer mon EP. Les circonstances m’ont poussé à enregistrer le projet que j’avais en tête. Je suis quelqu’un qui travaille bien sous pression. Je me suis donné un mois pour le faire dans mes temps libres. Je voulais commencer petit avec un EP de cinq pièces. J’en avais deux de partiellement écrites, alors je devais les compléter et écrire les autres. En pleine tournée des Quatre Saisons de Vivaldi, en avril 2024, j’étais à l’arrière dans la loge, avant de monter sur scène, je pianotais quelque chose et je demandais l’avis de mes collègues, avant de m’enregistrer et de monter sur scène.
Puisque tu côtoies de grand.e.s musicien.ne.s, est-ce intimidant de retourner toi-même au piano ?
Francis Choinière : C’était plus difficile que je pensais. Je n’ai pas joué sérieusement du piano depuis mon bac, il y a environ cinq ans. Donc, ça m’a pris plus de temps pour m’y remettre. Cela dit, ce sont mes propres pièces. J’écris des trucs qui sont faciles pour moi : même si certains éléments peuvent sembler complexes, ce sont des placements de doigts et des arpèges qui roulaient facilement dans mes mains. Mais est-ce que j’enregistrerais un album de Ravel ? Absolument pas. Il faudrait vraiment que je m’y remette.

Quand je t’ai interviewé avec Sam l’année dernière, je t’avais senti un peu timide. À quel point la musique te permet-elle de t’exprimer plus librement que les mots ?
Francis Choinière : C’est plus fluide pour moi avec la musique. Même les musiciens peuvent le constater : je n’utilise pas beaucoup de mots en répétitions, je suis très direct et je ne perds pas de temps avec de longues anecdotes pour leur donner une image. Ce n’est pas mon style.
Tes cinq pièces sont-elles inspirées par des éléments précis ?
Francis Choinière : Coup de foudre, c’est quand j’ai rencontré Samuel. La suivante, c’est un peu mon coming out, avec les émotions d’incertitude et de soulagement après coup. La troisième, c’est un retour à mon enfance, avec un fragment écrit vers 15 ans, que j’ai développé aujourd’hui. La quatrième, je l’ai écrite durant la tournée. La dernière était pour Sam : je l’ai créée pendant les moments difficiles de la pandémie. À vrai dire, la plupart des pièces tournent autour de lui.
J’ai ressenti de la mélancolie en écoutant ton album. À quel point est-ce une émotion présente dans ta vie ?
Francis Choinière : Je ne suis pas quelqu’un de naturellement joyeux. Je ne m’exprime pas comme ça. Je ne suis pas extraverti, mais plutôt introverti et réservé. Peut-être qu’on l’entend sur le EP. Ce sont des pensées plus internes que j’exprime moins dans la vie. Il y a quand même des pointes d’excitations dans les compositions. Je voulais être dans le néo-classique sans m’enfermer dans une boîte.
Quelles sont tes aspirations avec cet album ?
Francis Choinière : Je voulais lancer une aventure de création à long terme. C’est la première fois que je montre mes idées au public qui me connaît davantage comme chef et interprète. Je voulais montrer ma vie et ce qui m’habite. Dans quelques années, quand j’aurai sorti plus d’un album et que j’aurai assez d’œuvres pour offrir un concert complet, j’aimerais aller rencontrer le public avec mes compositions.
En 2024, ton entreprise a géré 19 productions différentes, 73 concerts et 8 tournées avec plus de 500 musicien.ne.s. À quoi ressemblera 2025 ?
Francis Choinière : Ce sera relativement semblable, sans une grande tournée comme celle qu’on a faite aux États-Unis l’année dernière. On en développe une autre pour 2026. Cette année, on continue les ciné-concerts et nos productions symphoniques. Je crois qu’on arrive à un certain plateau : on ne peut pas mettre plus de pression sur le marché qui a déjà plusieurs offres culturelles. Depuis l’an dernier, on s’est établi davantage ailleurs au Canada. Pour la première fois, cette année, on va aller à Winnipeg et on va devenir plus régulier à Edmonton, Calgary et Vancouver. On veut continuer notre développement à travers le pays.
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