Jeune photographe trans non binaire, Laurence Philomène s’est imposé.e au cours de la dernière décennie comme l’une des voix les plus originales et inspirantes de sa génération et une icône en devenir de la communauté LGBTQ+. Révélant à la fois l’univers intime et le processus de création de Laurence, LARRY (iel) brosse un portrait lumineux et engagé de la multiplicité complexe et souvent méconnue des identités et des expériences trans et non binaires.
Bien que Laurence soit un oiseau de nuit, son amour pour les couleurs saturées et la lumière se traduit autant dans l’esthétique de son travail artistique que dans sa vie personnelle. C’est à l’adolescence que Laurence commence à créer des images et à les diffuser sur les réseaux sociaux.
En 2014, iel attire l’attention internationale en remportant le Curator’s Choice Award de Vogue dans le cadre du projet 20under20 de Flickr. Au fil des années, Apple, Adidas, Lacoste et Calvin Klein font appel à ses talents. Aujourd’hui, Laurence place la diversité de genre au cœur de son travail en tant que photographe trans non binaire. Ses projets Non-Binary Series [Portraits non binaires], Lucky et Me vs Others [Moi contre les autres] ont été exposés et publiés partout à travers le monde
L’univers intime de Laurence Philomène se dévoile dans le film LARRY (iel), alors qu’iel est en pleine création de son premier livre, Puberty, une série d’autoportraits documentant deux années de sa vie, alors qu’iel suit un traitement hormonal pour sa transition. Documents intimes, les photos autobiographiques se nourrissent de son quotidien et exposent sous un éclairage positif des détails souvent cachés de la vie des personnes trans, comme les injections d’hormones ou la nudité non binaire.
À l’écran, Philomène est honnête au sujet de son corps et de son parcours et n’évite pas d’aborder les conséquences mentales et physiques de sa transition. Iel partage ses peurs, sa solitude, ses doutes et sa tristesse, ainsi que les joies, les triomphes et la beauté auxquels iel est confronté.e au quotidien.

Tout comme c’est le cas dans son art, Philomène joue le jeu avec une caméra qui capture des images d’iel au quotidien, en train de manger ou de se laver. À certains moments, LARRY (iel) plonge si profondément dans l’intimité de la vie de l’artiste que cela pourrait sembler un peu banal. Cependant, cette banalité est importante, car elle apporte des éléments auxquels de nombreuses personnes dans le public peuvent s’identifier en dehors de l’expérience non binaire. En parfaite harmonie avec la démarche autobiographique de l’artiste, LARRY (iel) met en abyme la puissance cinématographique des images pop aux couleurs éclatantes de Laurence, qui partage sa réalité avec authenticité et vulnérabilité. Avec sa photographie, Laurence a développé une éthique de la sollicitude, où la vulnérabilité devient puissance, et où l’humanité de sujets trop souvent marginalisés est rehaussée par une palette colorée.
Chez Laurence, le rose et l’orange fluo ont aussi une valeur politique. Le film explore les thèmes des identités de genre non conformes, de la diversité des corps et des défis inhérents à l’affirmation de soi, grâce à une incursion privilégiée auprès de sa famille et de sa communauté. On voit aussi les parents de Philomène se confier dans le documentaire pour partager leur parcours : depuis leur lutte contre les décisions de leur enfant jusqu’à leur acceptation de sa réalité. S’ils utilisent les pronoms morts de Philomène au début, ils passent éventuellement au pronom « iel » à la fin. C’est ainsi que les parents laissent l’amour les guider pour soutenir leur enfant de toutes les manières possibles. Le père de Philomène est un artiste et sa critique de Puberty est à la fois lumineuse et réconfortante. De son côté, la mère de Philomène parle de son souhait d’améliorer sa relation avec son enfant, alors que nous la voyons travailler sur une œuvre d’art pour Philomène.
Le film nous présente également la famille choisie de Philomène. On comprend que le réseau de soutien autour d’iel est essentiel à la santé mentale de l’artiste. Le film montre comment ses proches, en particulier Lucky Dykstra-Santos et Nina Drew, l’ont aidé.e à traverser les jours les plus sombres de la première année de sa transition, au cours de laquelle l’artiste ne se sentait pas à son mieux. Dans les scènes avec Drew et Dykstra-Santos, Philomène semble prendre vie. Le pouvoir de la communauté dans cette phase de transition est très clair. Au-delà de la simple transformation individuelle, le film oriente son objectif vers une société en mutation et en évolution, qui grandit elle aussi.
LARRY (iel) humanise aussi les personnes derrière le débat sur les « pronoms ». « Je voulais juste dire un mot sur les pronoms, parce que je pense qu’on y accorde beaucoup d’importance, et c’est évidemment dans le titre du film. Mais en fin de compte, je pense que les pronoms ne sont pas la priorité de mon militantisme », partage Philomène dans le film. « L’important, c’est vraiment l’accès aux soins de santé, l’accès aux droits fondamentaux, l’accès au logement, ce genre de choses. Des choses qui vous permettent de vivre une vie pleine. C’est ce pour quoi nous devons vraiment nous battre pour les personnes trans en ce moment, et pour les personnes non binaires. »
Parfois, un documentaire arrive à être un point de rencontre entre la sensibilisation, l’activisme et la justice sociale, et ce, tout en proposant un récit captivant. C’est le cas pour LARRY (iel), qui est le deuxième long métrage de Catherine Legault, une réalisatrice et une monteuse documentaire primée, diplômée de l’Université Concordia. Pour Catherine, la valorisation de la diversité n’est pas une simple posture, c’est quelque chose qui sculpte sa façon de vivre et d’entrer en relation avec les autres.
« L’engagement de Laurence à documenter sa réalité et celle de sa communauté est crucial à ce moment précis de l’histoire, où de nombreux acquis de la communauté LGBTQ+ sont menacés et contestés dans le monde entier. Pour ces raisons, je considère que l’expérience de Laurence est significative et que la valeur et la pertinence de son œuvre méritent d’être mises de l’avant. »
Et son film LARRY (iel) est un espace ouvert et bienveillant, une invitation à regarder plus loin et autrement. En célébrant ceux et celles qui refusent la conformité, le film brosse un portrait lumineux et engagé de la multiplicité complexe et souvent méconnue des identités et des expériences trans et non binaires, nous révélant du même coup l’une des voix les plus originales et inspirantes de sa génération.
INFOS | LARRY (IEL) 103 min., documentaire, Québec, Canada, 2024
Réalisation Catherine Legault https://f3m.ca
Larry (iel) sera présenté dans les salles suivantes : Cinémathèque québécoise↳ Ciné-rencontre les 4 et 6 avrilCinéma Moderne↳ Ciné-rencontre le 5 avrilCinéma Beaumont ↳ Ciné-rencontre le 10 avrilCinéma Public↳ Ciné-rencontre le 12 avrilCinéma Princess (Cowansville)↳ Ciné-rencontre le 13 avril Une exposition des photos de Laurence Philomène sera présentée au Cinéma Moderne et à la Cinémathèque québécoise en accès libre pendant toute la semaine suivant le 4 avril. |
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