Comment sensibiliser les élu.e.s d’une ville et leurs employé.e.s à l’homophobie, la transphobie et les amener à être plus conscient.e.s de l’inclusion de tout un chacun, que l’on soit employé.e.s de la municipalité, citoyen.ne.s ou encore, justement, un ou une élu.e ? Le JAG/Organisme LGBT+ a trouvé une partie de la solution : créer une certification « Municipalité inclusive aux communautés » LGBTQ+ ! On espère ainsi « certifier » près de 150 municipalités sur le large territoire du JAG que constitue la Montérégie.
Ce projet devait être lancé le 29 janvier dernier, mais que s’est-il passé cette journée-là ? Eh oui, si vous vous en souvenez, un hélicoptère militaire a télescopé un avion civil, causant des dizaines de morts, près de Washington, la capitale américaine. « Ça ne servait à rien de prendre la parole à cette date-là, même si le projet est très intéressant, de lancer Christian Généreux qui est le relationniste de presse du groupe. Nous avons préféré attendre et contacter les médias pour les en informer plus formellement. »
La genèse du projet
Mais qu’est-ce qui a été la bougie d’allumage du projet ? « C’est un couple de gars avec leur enfant qui est venu nous voir et nous a demandé quelle était la municipalité la plus inclusive pour y habiter de manière sécuritaire et pouvoir y élever leur enfant, explique Dominique Théberge, le directeur général du JAG. C’était une très bonne question à ce moment-là.
On s’est inspiré alors d’un des programmes du Conseil québécois LGBT pour créer ce projet de sensibilisation dirigé vers le monde municipal de la Montérégie. » En effet, le Conseil québécois LGBT (CQLBGT) avait créé un guide informationnel de sensibilisation à l’intention des villes. « Mais, après deux ans, ça s’est terminé, il n’y avait plus de budget. Donc, j’ai voulu reprendre ce plan et l’appliquer au territoire de la Montérégie », souligne Dominique Théberge, qui est aussi membre du conseil d’administration du CQLBGT, à titre de trésorier.
De là est né le Projet MIC+, qui équivaut à une certification « Municipalité inclusive aux communautés » LGBTQ+. Mine de rien, la Montérégie est la 2e plus grande région au Québec, après Montréal, avec 1,6 million d’habitants et 148 municipalités. « Notre tout nouveau projet, le MIC+, est une certification municipale visant à ce que les municipalités de la Montérégie soient de plus en plus inclusives. Un plan d’action, une politique municipale et deux formations sur mesure sont les critères principaux de l’obtention du sceau de certification », peut-on lire sur le site Web du JAG.

Des municipalités plus ouvertes aux réalités LGBTQ+
Pour être certifiée, il faut d’abord qu’une municipalité nomme un ou une élu.e et un ou une fonctionnaire délégué.e.s au dossier LGBTQ+. Ensuite, le conseil municipal doit voter une résolution pour mettre en place ce programme. Une formation est destinée aux élu.e.s : sensibilisation à l’impact que leurs discours peuvent avoir sur les citoyen.ne.s, s’engager à utiliser l’écriture inclusive, etc. Une 2e formation vise à sensibiliser les fonctionnaires.
« Éventuellement, on aimerait que ces municipalités soient plus ouvertes, plus sensibilisées, qu’elles hissent le drapeau arc-en-ciel le 17 mai (Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie), etc. Notre mot d’ordre de la certification est : flexibilité, soit quelle municipalité est prête à s’engager ? », s’interroge Dominique Théberge. C’est grâce au nouveau Plan de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2023-2028 élaboré par la ministre responsable de ce dossier, Martine Biron, que le JAG a obtenu du financement pour ce projet. Rappelons que le gouvernement du Québec a injecté une somme record de près de 24 M$ sur cinq ans dans le cadre de ce Plan annoncé en décembre 2023. « Jusqu’en 2026, les municipalités ne débourseront rien pour souscrire à ce projet, continue Dominique Théberge. Par la suite, la municipalité devra verser au JAG une certaine somme au prorata de sa population pour que ce projet puisse s’autofinancer. Cela servira à payer un employé au JAG pour continuer le travail, développer les liens avec les municipalités et rester en contact constant avec celles-ci. » Le JAG est né dans la région de Sainte-Hyacinthe en 1997 grâce à l’implication de plusieurs jeunes LGBTQ+, âgé.e.s alors de 16 et 17 ans. Aujourd’hui, il est le seul organisme du genre couvrant toute la région de la Montérégie.
Les discours discordants bien présents
« Les discours haineux, qui viennent surtout du sud de la frontière maintenant, donnent une voix aux homophobes ici. Cela peut donc avoir un certain impact sur le succès de ce projet », avoue Dominique Théberge, qui est en poste au JAG depuis plus de deux ans et demi à présent. Justement, c’était en avril 2023 que la Ville de Sainte-Catherine avait dû déplacer l’Heure du conte, avec Barbada, dans un autre lieu puisque des manifestant.e.s s’étaient réuni.e.s devant la bibliothèque municipale, empêchant ainsi la tenue de l’activité.
Des contre-manifestant.e.s LGBTQ+ s’étaient aussi déplacé.e.s pour l’occasion. Quelques semaines plus tard, en août 2023, c’est une lettre du Centre des services scolaires de Hautes-Rives, à Richelieu, informant les élèves de deux classes d’une école primaire de l’arrivée d’une nouvelle personne enseignante non binaire, qui suscite une polémique. La lettre s’était alors retrouvée sur les réseaux sociaux et des insultes et des menaces avaient fusé contre cette personne nouvellement embauchée. Une enquête policière avait même été ouverte. « Comme on le constate, il y a vraiment beaucoup de travail à faire », affirme Dominique Théberge.
« Dans le fond, on pourrait exporter ce projet vers d’autres villes ou régions, dit Dominique Théberge. La ville de Terrebonne dans la région de Lanaudière est déjà “certifiée”, elle avait été la première au Québec et avait notamment collaboré à la rédaction du guide du CQLGBT. J’imagine très bien que le Conseil québécois LGBT s’approprie cette certification et puisse l’exporter ailleurs qu’en Montérégie. »
Une carte interactive de la Montérégie présentera les municipalités ainsi certifiées. Cette partie du site Web devrait être en ligne fin mai ou début juin. « Cette certification se fait aux quatre ans, pour suivre l’évolution et pour sensibiliser les nouveaux élu.e.s qui prennent le pouvoir dans les municipalités après les élections. Donc, la sensibilisation des municipalités est continuelle », de terminer le directeur général du JAG, Dominique Théberge. Celui-ci pense que toutes les villes de la Montérégie seront certifiées d’ici 10 ans.
INFOS | https://www.lejag.org