Jeudi, 25 avril 2024
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    Oscar Wilde, ou, Les cendres de la gloire

    Une nouvelle biographie d’Oscar Wilde, après celle, incontournable, de Richard Ellmann, de 1984 (publiée en français chez Gallimard en 1994)? Qu’y a-t-il à ajouter à ce qu’on connaît déjà de ce dandy? 

    Rien, naturellement, et c’est pourquoi le livre de Frédéric Ferney n’est pas une bio­graphie justement, mais un portrait, à la fois psychologique et intellectuel, de cet écrivain de l’époque victorienne qui mena un combat pour la liberté de l’être et des mœurs. Ce n’est toutefois pas cet aspect de la vie de Wilde qui intéresse Frédéric Ferney, connu en France comme écrivain et animateur de télévision (il a une émission littéraire à France 5, Le bateau livre).

    Oscar Wilde, ou, Les cendres de la gloire est un exercice littéraire qui ne se veut pas un ex-voto du célèbre écrivain. Exercice d’admiration certainement, mais on sent que Frédéric Ferney n’est pas un inconditionnel de Wilde. Il est avant tout fasciné par cet écrivain contradictoire, et il pratique à cet effet la figure de l’oxymoron pour saisir un être qui fuit les conventions et les lois. Il alliera donc constamment deux mots opposés pour décrire le trublion britannique qui eut tous les honneurs, mais mourut dans la misère.

    Ainsi, Ferney, qui se qualifie de biographe naïf et attendri, décrit les mystères et les dualités d’une personne dont on ne pourra tirer une vérité unique. Oscar Wilde est donc à la fois un pitre et un martyr, un homme lucide et cabotin, imbu de lui-même et un peu las de soi, insoumis et crédule, frivole et lucide, sensuel et puritain, généreux et capricieux, courageux et docile, narcissique et nihiliste.

    Il est solitaire au milieu des succès. Il porte toujours un masque, mais c’est pour mieux se dévoiler. Il clame la beauté des garçons et dissimule pourtant son homosexualité (il n’emploiera jamais le mot). Il se tient loin des prescriptions et des dogmes, mais croit à l’art et au salut par l’art. Il est sincère quand il provoque un scandale ; il veut cependant être accepté et admiré. C’est aristocrate et un raté.

    C’est, tout compte fait, un paradoxe ambulant, qui est coquet sans illusion, un homme cultivé adorant le kitsch. Il invente sa vie tout en dilapidant ses dons de créateur. Au lieu d’être le héros de son histoire, il est le spectateur de sa déchéance. Sa vie est une comédie qui se finit mal. Il a été l’oracle de sa propre fin.

    Frédéric Ferney trace le portrait d’un homme indéchiffrable, avec des formules saisissantes. Il y est très subjectif, multipliant les pointes d’humour, qui ne brident pourtant pas un respect quasi compassionnel. Son Oscar Wilde est un héros défaillant dont la vie est peut-être une tragédie, mais sans doute aussi un pied de nez, un tour de passe-passe, une mauvaise blague.

    Pour décrire cela, il faut comme Ferney être à la fois proche et distant, placer son érudition sous les ellipses et condenser une vie par une vision kaléidoscopique. Il a écrit un beau livre, avec des illustrations qui sont un régal pour l’œil. Quelqu’un qui voulait être génie comme Oscar Wilde méritait bien ce livre poétique et impétueux.

    Oscar Wilde, ou, Les cendres de la gloire / Frédéric Ferney. Paris : Éditions Mengès, 2007. 158p. (Coll. Destins)

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