Mardi, 3 décembre 2024
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    Y’a pas juste des ontariens en Ontario

    Si on m’avait dit qu’un jour j’irais deux fois en Ontario dans le même mois, j’aurais répondu : « impossible, je ne suis pas masochiste à ce point-là ! ». Eh ben voilà, c’est fait, j’ai mon laissez-passer pour le paradis, j’ai survécu, je ne suis pas morte d’ennui en Ontario. Mais mon doux Seigneur que je suis pleine des préjugés! Comment en suis-je venue à croire que la vie est nécessairement plate en Ontario?

    Est-ce à cause de la fermeture des bars une heure plus tôt que chez nous ou parce que l’âge de la majorité est fixé à 19 ans? Est-ce parce que lors de mes rares visites à Toronto et Ottawa, je me suis royalement emmerdée? Est-ce plutôt parce que j’en ai marre d’entendre les Ontariens se plaindre de notre complexe de supériorité (ce n’est pas un complexe, c’est une évidence, mes chéris)? Ou serait-ce tout simplement parce qu’il y a le mot «rien» dans Ontarien? 

    Toutes ces raisons plus simplistes les unes que les autres ne sont pas des arguments valables pour dénigrer la province-mère de notre beau pays, j’en conviens. Mais à force d’entendre des histoires déprimantes de ce côté comme de l’autre de la frontière entre nos deux provinces, on finit par y croire. Combien de fois j’ai entendu des Québécois partis faire fortune dans la ville-reine me dire : «C’est donc ben plate icitte, je m’ennuie de Montréal »! Et combien de fois j’ai entendu des Torontois venus s’installer à Montréal me dire : « I love Montreal, it’s so much more alive than Toronto »! 

    Généralement je ne me fie pas aux qu’en dira-t-on, je suis plutôt du genre à me faire ma propre opi-nion et à me foutre de ce que raconte la majorité, mais comme je ne suis pas parfaite, il m’arrive parfois de me laisser prendre et d’adhérer à la pensée populaire. Comme dans ce cas-ci, de croire qu’on s’ennuie toujours pour mourir en Ontario. C’est pourquoi j’ai été la première étonnée de m’y plaire deux fois plutôt qu’une. 

    Bon, je n’irais pas jusqu’à dire que je serais prête à déménager demain là-bas, j’aime trop la vie parmi mon peuple de chialeux, mais disons que j’ai enfin trouvé quelques bonnes raisons de reprendre la très endormante route 401 pour partir à la conquête de la province qu’on aime bien bitcher. 

    À ce stade-ci de mon récit, je sens que j’ai piqué votre curiosité et que vous vous demandez sûrement ce qui a bien pu m’émerveiller à ce point et me rendre si dithyrambique. Rien de bien spécial, juste de bons moments passés en bonne compagnie et la découverte d’une région magnifique méconnue jusqu’ici de l’épicurienne que je suis. 

    Tout d’abord, mis à part le fait que Toronto est un amalgame de cultures venues des quatre coins du globe qui n’est pas pour me déplaire, j’ai découvert que je n’ai plus besoin de me taper huit heures de route et une attente interminable à la frontière pour aller apprécier une bonne comédie musicale sur Broadway. La version de Anything Goes que j’ai vue le mois dernier était à la hauteur et de la qualité de n’importe quel Broadway digne de ce nom. Merci à ma chum Nana de m’avoir ouvert les yeux, dorénavant je ne mépriserai plus sans avoir vécu. 

    Mais ce qui m’a vraiment enchantée au point d’écrire un article sur le sujet, c’est la région vinicole de Prince Edward County. Quoi, on fait du bon vin ailleurs qu’à Niagara en Ontario? C’est grâce à ma sœur Nicole, la sommelière de la famille, que j’ai pu entreprendre ce voyage initiatique au doux pays du Pinot Noir et du Chardonnay ontariens. 

    Comme je le disais un peu plus haut, il faut malheureusement emprunter la morose route 401 pour se rendre jusqu’à cet éden niché à l’ouest de Kingston sur les rives du lac Ontario. Mais le long calvaire pour s’y rendre est vite récompensé par la beauté des paysages qui s’offrent à notre vue. 

    Et pour joindre l’utile à l’agréable, comme on avait été invitées par la directrice de la « Wine Country Ontario », nous avons été hébergées gratuitement au chic vignoble de la maison Huff où, à peine nos valises déposées, nous avons été invitées à goûter quelque 20 échantillons de vins sélectionnés par le gentil Frédéric, un Français d’origine venu de sa France natale enseigner l’art d’amalgamer les cépages à ces rustres ontariens. 

    Deux heures plus tard, je suis complètement saoûle sans avoir bu un seul verre de vin. Comment est-ce possible? Il faut savoir que dans ce genre de dégustation, il est de mise de recracher le vin pour en apprécier toutes les subtilités. Mais essayez donc vous autres de vous gargariser le palais avec une vingtaine de gorgées de vin sans échapper quelques gouttes au fond de la gorge et sans être grisés par les vapeurs d’alcool. Mission quasi impossible quand on sait que chu le genre de fille qui se soûle rien qu’à se rincer la bouche avec du Listerine. Si c’est pas de valeur de gaspiller du bon vin de même, c’est criminel. Coudon, c’est ben plate ta job Nicole, recraches-tu toujours à chaque dégustation? Moi, je ne pourrais pas. C’est aussi cruel que d’avoir une queue sur la langue et de ne pas pouvoir refermer la bouche. Pas besoin de vous dire que le lendemain, je n’ai pas sacrifié une seule goutte de ce doux nectar divin. Et ce même si notre première dégustation commençait à 10h le matin. 

    Premier arrêt, vignoble Rosehall Run, où on boit de très bons Chardonnay et un excellent Cabernet Franc. Le producteur est un bon jovial qui nous raconte toutes sortes d’histoires reliées à la fabrication du vin que j’ai vite fait d’oublier quand il a débouché la cinquième bouteille. «Thank you for the tour and the free bottles, darling, I’ll be back next year, hips!» 

    Notre deuxième visite se passe en compagnie de Paul, le beau winemaker à la face pleine de favoris du vignoble Casa Dea. Watch out le bon Gamay et le mousseux rosé! Du velours sur ma langue. « Emmène la bouteille icitte mon minou, moé j’avale toute! » On repartira avec quatre bouteilles en cadeau, un limonadier et un bouchon pour conserver le champagne. « Ouen ben finalement c’est l’fun en bibitte ta job ma Nicole, burp! » 

    Rendue à la troisième dégustation à la maison Normand Hardie, j’ai un souvenir embrouillé des vins qu’on a dégustés mais me semble que c’était ben bon, en tout cas, le p’tit roux qui nous les a servis était cute à mort et je me rappelle vaguement qu’à un moment donné j’étais deboutte sur les tonneaux en fût de chêne à giguer les boules à l’air sous le regard médusé des employés du vignoble, qui avaient la preuve devant leurs yeux que les Québécoises sont fidèles à leur réputation de filles de party! D’ailleurs j’me demande ben si c’est pas l’assistant vigneron, le beau bear aux yeux bleus, grrrr, qui m’a fait les deux sucettes dans le cou que j’ai découvertes le lendemain matin? « Honey, show me your touffe and I will show you mine, hi han! » 

    Une pizza engloutie en moins de temps que ça prend à un maringouin pour me vider de mon sang, on est de retour sur la route en direction du prochain vignoble, le très populaire Sandbanks Winery. Là par contre, j’ai un blanc total. Est-ce que j’ai goûté du vin? Est-ce que j’ai encore fait une folle de moi? Est-ce que c’est là que je me suis « endormie » avec le caviste dans les plans de tomates? Tant de questions sans réponses. Je demanderais bien à Nicole, mais ça fait une semaine que j’essaie de la rejoindre sans succès. Je ne comprends pas pourquoi, elle ne répond pas à mes textos. Je me rappelle seulement que la propriétaire était québécoise et très gentille, son mari était espagnol et très comique et son caviste était frisé et très goûteux. Mais on dira ce qu’on voudra, y’a rien de tel qu’un p’tit somme au gros soleil d’après-midi pour te remettre su’l piton. «Nicole, j’veux du vin!!» 

    Il est même pas 15h, ça fait cinq heures que je bois et il reste encore trois vignobles à visiter. Je vous dis pas dans quel état de décomposition avancée mon foie doit être. Pas besoin de vous dire que j’ai comme perdu le compte de verres bus et vomis et tout ce que j’arrive à me rappeler, c’est Nicole qui me dit de sa voix de surveillante de dortoir : «J’pense qu’y’est temps de rentrer, Madeleine » quand j’me suis ramassée à quatre pattes dans un champ de blés d’inde, la langue sortie à me frotter le cul sur un épouvantail! Plus chic que ça, c’est Miley Cyrus! Je sais pas pourquoi, le lendemain j’ai participé à aucune dégustation, j’ai bu de l’eau toute la journée et Nicole m’a pas adressé la parole une seule fois, à part pour me dire d’aller m’asseoir sur le siège arrière, sur le chemin du retour à Montréal. 

    J’peux-tu vous dire que pour le peu que je me rappelle, j’ai fait un maudit beau trip en Ontario. Après mon escapade au Nouveau-Brunswick et à l’Île du Prince Edouard l’année dernière, je suis de plus en plus charmée par le Canada. Savoir qu’on avait un si beau pays, j’en aurais profité avant! Prochaine destination : le Manitoba.

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