Il y a de ces parcours de vie qui n’ont rien de linéaires. Ron Hornsby Jr. en sait quelque chose. À 47 ans, cet Américain de nationalité et Écossais de cœur, récemment installé au Québec, commence à reprendre son souffle. Portrait d’un homme dont les tatouages sont autant de chapitres d’une vie mouvementée.

Vous l’avez peut-être déjà vu prendre un verre à l’Aigle noir ou encore dans les pages de ce magazine comme mannequin pour la boutique Evolution, dans le Village, à Montréal. Sa belle gueule, sa barbe blanche, ses yeux bleu acier et ses multiples tatouages attirent les regards. Les réseaux sociaux sont fous de lui. L’automne dernier, un fan lui a même créé un t-shirt à son effigie! Ma curiosité piquée, j’ai cherché à savoir qui était cet homme. Je vous le présente, tatouage par tatouage…
SCOTLAND
Sur ses jointures, huit lettres forment le mot SCOTLAND, le pays de ses origines, sa fierté. « Ma famille vient de Glascow, en Écosse. Mais je n’ai pas vraiment vécu là-bas. Mon père travaillait pour l’OTAN. Il était basé aux États-Unis quand ma mère a accouché de moi, en novembre 1968. » Peu de temps après sa naissance, la famille Hornsby s’envole vers l’Allemagne et s’y installe pendant 18 ans avant de retourner aux États-Unis. S’il passe la majorité de sa vie chez nos voisins du Sud, son identité est avant tout écossaise. Il a son héritage tatoué sur le bras droit, sous les traits d’un lion rouge, celui-là même qu’on retrouve sur l’étendard royal d’Écosse.
Le règne de la beauté
Enfant, Ron se rappelle avoir travaillé dans le salon de coiffure de sa mère. « Jeune adulte, j’ai suivi des cours de soins esthétiques et capillaires, raconte-t-il. C’était ma mère qui donnait ces cours. Elle m’avait dit, à ce moment, qu’en ayant une formation en coiffure, je pourrais toujours me trouver du travail peu importe les circonstances. » Maman a eu raison! Malgré tous les emplois occupés par Ron (General Electric, New York Times, etc.), le métier de coiffeur est resté au centre de sa vie professionnelle. De 1997 à 2014, alors qu’il habitait en Virginie, Ron s’est créé un petit empire basé sur l’art de la beauté en mettant sur pied une école de coiffure et trois salons de coiffure. « Sur mon poignet, je me suis fait tatouer une paire de ciseaux avec les lettres RP, c’était le logo de ma chaîne de salons de coiffure : Ron Paul Salon. »

Malheureusement, après plusieurs années à voir son entreprise grandir, c’est la débâcle. Il réalise trop tard que son collègue et ami l’a financièrement floué. Ron a tout perdu dans cette histoire, sauf son amour pour la coiffure. L’hiver dernier, il a d’ailleurs ouvert un premier salon de coiffure pour hommes et femmes dans sa terre d’adoption, le Québec, dans l’arrondissement Sud-Ouest de Montréal. « Je voulais un nom en français et mon chum est arrivé avec l’idée d’appeler ça simplement Chez Ron, deux mots qui sonnent comme le prénom de ma mère, celle qui m’a tout montré : Sharon. »
Guerre du Golfe
Un autre tatouage retient mon attention sur la peau de Ron : le prénom Bethany. « C’est le nom de ma fille », s’empresse-t-il de préciser. Comme bien d’autres comme lui, Ron a aussi un passé hétérosexuel. C’est dans les cours de soins esthétiques et capillaires donnés par ma mère que Ron rencontre celle qui allait devenir sa femme. « Quand elle est tombée enceinte, on a dû se marier, car je viens d’une famille très catholique et il n’était pas question que j’aie un enfant hors mariage. » Bébé Bethany est arrivée en 1987.
C’est aussi dans les mêmes années que Ron s’inscrit dans la réserve militaire aux États-Unis. Le conflit avec l’Iraq bat son plein, c’est la guerre du Golfe. Ron est appelé à participé à l’opération Bouclier du désert (Desert Shield) suivi, peu de temps après, par la Tempête du désert (Desert Storm). Après quelques mois au Moyen-Orient, Ron retrouve sa petite famille. « À mon retour, la relation avec ma femme s’est détériorée. Je suis parti. »

Il quitte aussi la US Navy et tourne la page sur ce chapitre de sa vie. Même le tatouage qu’il s’était fait en entrant dans la marine américaine, une ancre de bateau, est maintenant caché par un autre tatouage. Mais le mot Bethany, lui, reste gravé à jamais sur sa peau et dans sa mémoire, malgré le décès rapide et imprévu de sa fille d’un cancer fulgurant, en 2014. « Son nom est tatoué sur moi pour que je puisse le voir tous les jours. »
Dans la peau
Ses autres tatouages sont autant d’histoires de la vie de Ron. Ici, des vagues bleues et vertes lui rappellent ses années passées près de la mer à Virginia Beach et à Norfolk, en Virginie. Plus loin, des flammes ont été gravées sur sa peau en l’honneur de toutes ces années à conduire des motos Harley Davidson. Sur la main droite, un loup : « Dans la communauté gaie, je m’identifie plus au wolf qu’à un bear. » Et sur sa jambe, un personnage de l’artiste québécois Patrick Fillion qui se spécialise dans les dessins érotiques gais. « J’ai choisi de me faire tatouer Deimos, un gars hyper musclé et, disons-le, très bien membré! Le tatouage n’est pas encore complété, mais c’est certain que vous ne pouvez pas le manquer, à la condition que je vous laisse voir ma cuisse! »

Le Québec est aussi tatoué sur le corps de Ron. Bien en vue sur sa poitrine, la fleur de lys s’affiche fièrement. Plus discrète est la grenouille qu’il s’est fait tatouer quelque temps auparavant : « C’était pour me rappeler de mon premier chum québécois que j’ai fréquenté pendant quelques mois. On m’avait dit que le surnom d’un Canadien-français, c’était un frog, alors…!» Depuis, Ron a rencontré un autre Québécois, Louis-François, avec qui il s’est marié à Washington, en novembre 2014. Cette année-là, 2014, restera marquée à jamais dans la vie de Ron. C’est l’année de son divorce, du décès de sa fille, de ses ennuis financiers et de son déménagement au Québec. « C’est fascinant de voir à quel point ma vie a changé rapidement dernièrement! » Il reste encore de nombreux endroits non tatoués sur la peau de Ron. D’autres histoires suivront, c’est certain.