Selon Henri « on devient adulte lorsqu’on commence à boire du café ». C’est sans doute pourquoi il se refuse à en consommer et concentre plutôt son appétit vers le chocolat.
Nulle surprise, d’ailleurs, que le roman se débute et se conclut par une évocation de ces deux substances qui s’affrontent dans le cadre d’un combat épique.
Mais le café représente ici bien plus qu’une boisson au goût un peu âcre qui réveille et stimule l’homo sapiens, dit majeur et responsable, bien engoncé dans le carcan de ses responsabilités. En fait, il symbolise ici une défaite devant les diktats sociaux qui imposent un cadre rigide devant lequel on ne peut que s’incliner et qui se complait à encadrer et réduire notre capacité à rêver, même dans ses éléments les plus intimes.
Henri refuse cependant de plier l’échine et se soumettre et, telle Alice, souhaite plutôt sauter à pieds joints dans le terrier du lapin blanc pour se perdre dans les plaisirs et dédales du Pays des merveilles!
C’est dans un environnement social relativement brutal qu’il se lance ainsi dans l’exploration de ses désirs en compagnie des jumeaux Gaël et Vincent ainsi que de Max : une triade masculine dans laquelle tabous, condamnations et morale sociale n’existent pas.
L’auteur, Marc Kiska, fait preuve d’une écriture à la fois nerveuse, poétique et brutale qui conquiert rapidement le regard et l’attention du lecteur. On reconnaît par ailleurs le photographe de profession dans les descriptions, à la fois imagées et crues, qui ponctuent le récit, en particulier dans des scènes de baise extrêmement bien évoquées.
Un ouvrage surprenant qui amène le lecteur à la rencontre de deux mondes : l’amertume du café et la douceur du chocolat. Difficile de résister à un tel menu!.
Les vestiges d’Alice / Marc Kiska. Milly-la-Forêt : Les jardins de Priape, 2017. 224p.