Dimanche, 3 novembre 2024
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    Dépoussiérer nos communautés

    Il est étrange de constater le silence des communautés LGBTQ2+ face à la question du harcèlement et des abus de pouvoir en tout genre commis par des hommes. Comme si nous étions absous dans nos communautés de tout examen de conscience. C’est pas nous, c’est les autres ! On peut dégommer un animateur de radio trash, comme André Arthur, dont je soupçonne comme d’autres chroniqueurs de jouir d’être un souffre-douleur, d’être une victime d’une soi-disant rectitude politique. On se félicite de la suspension d’un professeur du Cégep du Vieux-Montréal. Et on participe avec un rapport sur le racisme systémique dont souffriraient les personnes LGBTQ2+ racisées. C’est très bien, mais on ne balaie jamais devant notre propre porte, tout comme on ne s’associe pas, ou du bout des lèvres, à d’autres causes qui parfois indirectement nous concernent toutes et tous.

    Ainsi le silence est de mise autour du mouvement MeToo, et on fait le gros dos quand parmi les harceleurs, des gais sont mis en cause. Éric Salvail ? Un simple épiphénomène. Le silence est donc de rigueur, on baisse les yeux et on passe notre tour. Toujours ce bon vieux réflexe de montrer qu’on lave plus blanc dans nos communautés que les autres. Que nous aurions réglé – ou du moins vou-drions montrer que nous avons réglé – une fois pour toute, ces questions-là. Le racisme, le sexisme, le harcèlement, bref tout ce qui contrevient aux droits et au respect de la personne, ce n’est pas nous. Ouvrons le sac magique des médailles en tout genre et organisons un grand gala pour les distribuer et nous auto-congratuler. 

    Un réflexe presque conditionné de minoritaires qui ne veulent pas que les foudres de tous les anti-LGBTQ2+ saisissent l’occasion de cracher une nouvelle fois sur nos acquis ?Stratégie de protéger les intérêts des siens et de continuer de vendre une belle image immaculée de ce que nous serions ? 

    Ou peut-être, sommes-nous comme un grand nombre de la population à mettre sur la balance, dans un plateau les réalisations du réalisateur et dans l’autre son comportement, avant de s’indigner, de regarder lequel des deux plateaux penche le plus. 

    Tous les témoignages de harcèlement et d’agressions sur des femmes ont un point commun, ils mettent sur la sellette la façon dont les hommes (pas tous bien évidemment) agissent quand ils sont en situation de pouvoir et qu’ils se sentent pousser des ailes divines leur donnant, en grossissant le trait, le droit de vie et de mort sur toutes celles et tous ceux qui se trouvent en-dessous d’eux. Le harcèlement sexuel, le droit de cuissage, mais aussi le harcèlement psychologique, les insinuations, les insultes, les menaces, les chantages sont des armes que certains hommes en situation d’autorité considèrent comme normal d’utiliser pour asseoir et maintenir leur pouvoir. Comme si pour eux, la fonction de responsabilité, parfois très lourde, leur donnait légitimement ce droit en signant leur contrat. Et dans tous les secteurs professionnels. Qu’ils s’agissent d’un producteur multimillionnaire de cinéma, d’un animateur-producteur de télévision, d’un petit patron d’entreprise ou de commerce, d’un fonctionnaire, d’un chef, d’un directeur, d’un superviseur. 

    Le pire, c’est que ce type de comportements se retrouve aussi dans les orga-nismes communautaires censés presque par essence, par vocation, par mission, être des exemples en termes de respect de la personne. Pour celles et ceux qui ont déjà été employés dans des organismes LGBTQ+2, elles et ils ont été confronté.es à différents degrés à des situations où un dirigeant en prenait à son aise avec le pouvoir qu’on lui avait délégué. Bien sûr, ces avides de pouvoir ont souvent des arguments de choc, la vie de l’organisme passe bien avant le bien être des employé.es, ou encore la phrase qui tue comme de dire : J’agis en bon père de famille. Ce qui en dit long sur la suprématie encore inconsciente du mâle face au reste de la tribu. Combien d’hommes ont frappé leurs enfants, ou leurs femmes, en se rassurant à bon compte derrière cette formule «magique» mais totalement dénué de fondement. 

    Quand, au sortir de l’adolescence, je me suis investi dans le communautaire homosexuel, je pensais que je me trouverai dans un espace sécuritaire et exempt de cette violence que j’avais toujours perçu dans la famille, dans l’institution scolaire, dans la rue. Espace sécuritaire ? Un peu plus, beaucoup plus oserais-je avancer. Mais ma consternation est revenue quand j’ai constaté que les abus, les humiliations, les agressions pouvaient aussi avoir lieu. Pire quand elles se retrouvaient dans des associations dont l’objectif était de lutter contre les violences faites aux gais. Celles faites à l’intérieur étaient considérées comme mineures, accidentelles, voire pas méchantes. Et pourtant… 

    Nous sommes prompts à sortir la grosse artillerie quand un animateur radio dérape et affiche son homophobie. Nous sommes vigilants pour saisir les médias dès qu’un professeur de Cégep déclare sur les réseaux sociaux son aversion pour les homosexuels. Nous produisons un rapport sur les LGBTQ2+ racisés dans le cadre de la consultation sur le racisme systémique. Et c’est très bien. 

    Mais peut-être pourrions-nous faire aussi notre examen de conscience. Et regarder de notre côté si l’exigence que nous demandons aux autres, nous l’avons pour nous-mêmes. Je sais, c’est peut-être un peu moralisateur, mais les changements commencent autour de nous, avec celles et ceux qui sont dans nos entourages professionnel, social, amical les plus proches. Et nous pourrions fièrement afficher notre MeToo plutôt que de tenter de faire croire que cela ne nous concerne pas.

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