Mathématicien de renon, Alan Turing est considéré comme un élément clé de la victoire des Alliés sur les forces allemandes. C’est en effet grâce à son travail acharné qu’on lui doit la mise au point du premier ordinateur moderne qui permit de décrypter les messages composés par les machines Énigma du Troisième Reich.
Des milliers de vies furent ainsi sauvés en offrant notamment la possibilité de suivre les mouvements des troupes ou des sous-marins allemands. Plusieurs auront sans doute visionné le film The Imitation Game, qui traçait les grandes lignes du personnage, mais qui a été fortement critiqué pour sa vision simplifiée à l’extrême de l’homme, présenté comme neurasthénique et à la sexualité réprimée, alors qu’il avait un excellent sens de l’humour et ne cachait en rien ses préférences.
Traduit en français de l’allemand, la bande dessinée de Robert Deutsch présente une vision beaucoup plus éclatée et nuancée du chercheur, de sa vie personnelle, incluant sa sexualité. Le récit présente un personnage enthousiaste et complexe, que ce soit au regard de ses facultés d’analyse que dans le regard naïf qu’il porte sur le monde.
Le personnage de Blanche-Neige est omniprésent tout au long du récit, mais on s’explique cependant mal que l’auteur ait omis d’en expliquer plus clairement l’origine (une fascination de Turing pour le dessin animé de Disney).
En 1952, Turing est accusé de grossière indécence et se voit condamné à suivre un traitement aux œstrogènes qui l’affecte physiquement (prise de poids importante, atrophie des testicules, augmentation mammaire) et mentalement (problème de concentration et dépression). Il est retrouvé mort à 41 ans et une hypothèse est à l’effet qu’il aurait consommé une pomme trempée dans le cyanure, à l’instar de Blanche-Neige.
La BD met bien relief les différents aspects de la vie d’Alan Turing incluant des pages fascinantes sur la mise au point du Test de Turing permettant de déterminer si un système artificiel est doté ou non d’intelligence.
Le dessin pourrait en rebuter quelques-uns par son côté minimaliste, aux frontières du cubisme, qui demande une certaine acclimatation, mais qui représente bien le regard naïf du personnage sur le monde. La lecture n’en demeure pas moins à la fois fascinante et inspirante.
Turing / Robert Deutsch. Paris : Sarbacane, 2018. 189p.