Mercredi, 2 octobre 2024
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    Les cercles vertueux

    Le mois de mai et toutes les célébrations entourant la lutte contre l’homophobie et contre la transphobie ont été nombreuses. Et bien évidemment, l’occasion de retrouvailles entre celles et ceux qui s’agitent dans le communautaire. Avec l’assurance de se retrouver lors de l’autre moment fort de l’année de Fierté Montréal.

    Des retrouvailles, des embrassades, des sourires, des accolades, des becs affectueux, des rires autour d’un verre de vin. Je ne contesterai pas mon plaisir, j’en ai profité. Mais il me semble que c’est de ce côté-là que se trouve le partage, l’amitié et la solidarité. Pour beaucoup, l’engagement communautaire est un engagement pour les autres et pour soi, une façon d’être ensemble, de bouger ensemble, d’avoir des objectifs communs à atteindre pour soi, pour les autres. 

    Beaucoup savent que le bonheur ne réside pas dans le matériel, uniquement le matériel. Qu’il se situe ailleurs. Et que le plus souvent, il est immatériel. Il se trouve dans cette zone floue, non mesurable, non quantifiable, mais qualifiable dans l’échange avec l’Autre, avec les Autres, dans cet espace et cet instant parfois fugace où l’on est en phase, sur la même longueur d’onde en tant qu’être humain. Le reste, c’est de la poutine dont on doit s’occuper, de la poutine nécessaire mais dont la finalité doit nous dépasser individuellement et collectivement. Sans cet objectif, cela ne resterait que de la poutine, bonne, certes, mais peu enrichissante. 

    Ne croyez-pas que je repeins tout en rose, que je sois devenu naïf, que le syndrome Justin m’ait frappé au moment d’écrire ces lignes. Non, je sais qu’il y a des inimitiés dans le communautaire, parfois même quelques haines, que certaines et certains ont des égos qui donneraient des leçons à Trump, de ceusses qui ne cessent de répéter que tout ce qui est arrivé, arrive et arrivera, c’est grâce à eux. De ceusses qui se plaignent de ne pas avoir pas la reconnaissance proportionnelle à leur travail, qui rêvent de médailles, de « standing ovation », d’Oscars ou de leur statue en miroir de celle d’Émilie Gamelin à la station de métro Berri. De ceusses qui soupçonnent toujours les autres d’être des opportunistes, des arrivistes, des imposteurs. Ces ceusses-là sont peu nombreux-ses même si elles et ils sont souvent bruyant.es. Mon conseil : attendre qu’elles et ils aient fini de se lamenter et les serrer sincèrement dans nos bras., et ramener sur terre ces demi-déesses et demi-dieux en devenir. 

    Le tout nouveau juge de la Cour supérieure du Québec, David Platts, recevait un prix au dernier Gala Phénicia. Il a tenu à rappeler ce que représentait l’engagement communautaire, pour lui, petit Albertain qui a débarqué au Québec dans les années 70. «J’ai pu apprendre beaucoup de la communauté LGBT au Québec qui m’a beaucoup donné, qui m’a beaucoup appris, qui m’a permis de m’exprimer. […] Je suis tombé dans un cercle vertueux, de s’aimer […] parce qu’il y a beaucoup d’amour dans le communauté». Il y a beaucoup d’amour, encore faut-il en donner pour en recevoir, et c’est ce qu’a fait David Platts, assurément. J’ai aimé son expression «cercle vertueux». Elle traduit bien cet engagement et ce don de soi pour les autres sans attendre aucune autre reconnaissance que celle d’avoir fait ce qu’il fallait faire. Si reconnaissance ronflante, médaille, prix, ovation, il y a, c’est un plus, pas une nécessité. 

    Contrairement à bien des idées reçues, cet engagement est source de plaisir, de bonheur, d’accomplissement de soi. Toutes celles et tous ceux qui en ont fait l’expérience le disent. Dans n’importe quelle cause et pour n’importe quelle autre communauté. Alors dans ces rencontres comme les galas, les journées communautaires, les conférences, les sincères «je suis content de te voir», les embrassades vraies prennent tout leur sens. D’autant que pour les LGBTQ+, si nous connaissons le prix du rejet et de l’injure, nous sommes d’autant plus en mesure d’évaluer les marques d’affection, d’appréciation que nous pouvons recevoir ou donner. 

    Je plaide pour un renversement de nos manières d’être, de fonctionner, d’analyser les problèmes compte tenu que l’histoire nous démontre qu’en appliquant les mêmes recettes, on obtient les mêmes résultats. C’est à travers le communautaire, l’engagement auprès des siens que l’on se rend compte des seules valeurs qui comptent, des seules valeurs qui peuvent nous enrichir et enrichir les autres. C’est là aussi que l’on peut prendre la véritable mesure de ce que représente le bien commun. 

    Parlant d’engagement et de solidarité, je ne peux m’empêcher d’y associer le souvenir de Christophe Michel, décédé fin mai. Certains l’ont rencontré à Montréal en compagnie de son mari Jean-Luc Roméro. Christophe était engagé dans tous les combats de Jean-Luc Roméro, dont celui du droit de mourir dans la dignité. Je connaissais peu Christophe, mais chaque fois que je le voyais en compagnie de Jean-Luc, autour d’un verre, d’un repas, la même chaleur se dégageait du jeune homme, la même volonté de pouvoir apporter avec humour et joie des changements pour le meilleur dans nos vies. Un choix de vie que le couple partageait. 

    Et pour rester fidèle à cet engagement, trois jours après le décès de Christophe, Jean-Luc est parti à l’île Maurice soutenir la marche de la Fierté menacée d’être interdite par les autorités. Entouré de notre collègue et ami Richard Burnetts, de sa mère Lil Diamond, Jean-Luc Roméro continue malgré son chagrin à rester fidèle aux valeurs dans lesquelles Christophe et lui croyaient. Christophe Michel est décédé fin mai, brutalement, à l’âge de 31 ans. Qu’on aurait aimé que ce soit une «fake-news».

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