Jeudi, 3 octobre 2024
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    Virage à droite

    Tout le monde s’affole face au vent de populisme qui souffle sur la planète, mais un peu comme pour les changements climatiques, on s’inquiète mais on n’apporte pas vraiment de réponses tangibles. Les démocraties libérales se voient coiffer au poteau lors des élections par des partis politiques de droite ou d’extrême-droite. Un avertissement devant l’inquiétude d’une partie des populations qui d’une part ne voient pas forcément leur niveau de vie s’améliorer, mais aussi les valeurs changer très rapidement en raison de la mondialisation.

    Face à leurs échecs, les démocraties libérales n’ont pas apporté de solutions durables et rassurantes. Et comme toujours, devant de grandes incertitudes, comme les déplacements de population, la valse des délocalisations d’entreprises, la peur de ne plus trouver des emplois stables et pour toute une vie, on assiste à des replis identitaires qui font le lit des partis d’extrême droite qui alimentent et ne font que croître les inquiétudes des catégories de population les plus touchées par ces changements.  

    La rhétorique des partis conservateurs et souvent d’obédience religieuse a toujours été la même à travers l’histoire. Cibler des responsables, leur faire porter le chapeau de tout ce qui va mal, les jeter en pâture à la vindicte publique, et promettre qu’en les retournant chez eux, qu’en leur enlevant des droits, ou encore en les ghettoïsant comme citoyens de seconde zone, on réglera tous les problèmes.  

    Et parmi ces catégories de responsables qui seraient à la base de tous les maux d’aujourd’hui, aucune surprise, sont visés les mêmes groupes que sous l’entre-deux guerres qui a vu naître le fascisme en Italie, le salazarisme au Portugal, le nazisme en Allemagne et le franquisme en Espagne. On pourrait ajouter au nombre toutes les dictatures qui ont malmené l’Amérique du Sud, et bien d’autres régimes autoritaires. Tout ce qui se distinguait de l’idéologie au pouvoir devait être exterminé, la liberté de la presse confisquée, les partis d’opposition interdits.  

    Dans les récents régimes autoritaires qui ont été mis en place suite à des élections, les migrants, les femmes, les minorités sexuelles sont devenus les boucs-émissaires, tout comme les musulmans ou encore les juifs. On pourrait croire que Trump a ouvert le bal. Disons que, par l’influence géopolitique des États-Unis, il a légitimé une parole d’exclusion que d’autres présidents tenaient mais dont on se moquait en raison de leur non-influence sur la planète. On pense à Duterte aux Philippines. Admiré par Trump qui a beaucoup d’affinités avec les hommes de poigne au pouvoir. Il admire aussi Poutine, Kim Jong-Un en Corée du Nord, il ne lui reste plus qu’à tomber en amour avec Jair Bolsonaro, nouvellement à la tête du Brésil, loin d’être un tendre et qui déteste les noirs, les autochtones d’Amazonie, les minorités sexuelles et qui considère que les femmes devraient rester au foyer et éduquer les enfants. Ce qui promet. 

    On pourrait ajouter la présence de l’extrême-droite dans des gouvernements européens, en Hongrie, en Autriche, en Pologne et en Italie, dont les discours sont semblables à ceux tenus par Trump. Il y a des responsables qui nous empêchent d’être libres, qui mettraient en danger la survie des identités nationales et des valeurs traditionnelles de la famille. Et les mêmes solutions, le repli identitaire et culturel pour contrer des hordes de barbares qui seraient à nos portes, mais aussi en nettoyant ceux qui seraient déjà dans nos murs. 

    Bien sûr, au Québec et au Canada, on est à l’abri de ces dérives. Pour l’instant. Il y a bien un premier ontarien résolument ancré à droite, quelques groupes d’extrême-droite qui s’en prennent aux immigrants, quelques chroniqueurs et chroniqueuses qui partent à la défense de l’homme blanc hétérosexuel, et on continuera à s’écharper gentiment sur la Charte des valeurs, dont on sait qu’elle ne voudra rien dire tant les débats autour de cette question manquent de hauteur. Mais une fois sorti de notre plus-meilleur-pays-au-monde, de notre plus-meilleure-province-au-monde, cela fait froid dans le dos. Nous regardons, impuissants, combien les reculs commencent à se faire sentir.  

    Peut-on reprocher aux populations qui ont élu des gouvernements de droite et d’extrême-droite leurs peurs. Pas toujours, car il est vrai que les systèmes libéraux dits progressistes ont failli à leur devoir, n’ont pas su rassurer ces populations, ou pire, les ont traitées avec un certain mépris. Elles ne seraient pas assez intelligentes pour comprendre, affichant une opposition croissante entre le «peuple» et une élite qui serait déconnectée. Ce n’est pas tout à fait vrai mais la droite et l’extrême-droite ont fait leur cette analyse, l’ont amplifiée, exagérée pour polariser au maximum cette coupure. Bref, ces partis instrumentalisent les peurs, promettent de fausses solutions, et surtout en bout de ligne ne solutionnent rien, surtout quand ils arrivent au pouvoir.  

    Pardon, si je chie encore sur le même étron, ces nouveaux hommes forts se sont fait élire grâce à leurs propos aux accents guerriers et suprématistes par rapport aux femmes et aux minorités. De quoi tous nous inquiéter individuellement et collectivement. D’autant que toutes les dictatures ou régimes autoritaires ont bien marqué leur passage dans l’histoire par le sang coulé.  

    Beaucoup espèrent que ce n’est qu’un accident transitoire, qu’on ne passera pas la marche en arrière en ce qui concerne tous les acquis sociétaux des dernières décennies. Pas sûr. Les élections de mi-mandat aux États-Unis ont donné la Chambre des Représentants aux Démocrates. Un sursaut ? Peut-être. Mais est-ce un sursaut suffisant pour initier un véritable retournement de tendance. Pas sûr.   

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