Il est indéniable que la trithérapie a amélioré et prolongé la vie des personnes vivant avec le VIH-sida. Sans de tels régimes médicamenteux, celles-ci seraient décédées comme aux premiers temps de l’épidémie. Mais qu’en est-il de l’impact des traitements à long terme? Et l’intérêt, au niveau de la santé, d’obtenir une suppression rapide de la charge virale ? Si les gens, maintenant, sont suivis et vieillissent, développent-ils plus tôt certaines maladies associées au vieillissement? Et quel est l’impact de la discrimination sur leur qualité de vie ? Alors que la bithérapie pointe du nez, ce sont des questions que l’on a posé à Mario Grondin, coordonnateur des communications à la Maison d’Hérelle, un organisme créé en 1989 au moment où les gens, des hommes surtout, tombaient comme des mouches suites à l’infection au virus du VIH puisque la science en était aux tout débuts et qu’il n’y avait pas de traitements efficaces pour les soigner.
Plusieurs personnes vivant avec le VIH ont perdu leur emploi pour cause de discrimination liée au VIH à un moment. À partir de là, quel impact cela a-t-il dans leur vie ?
Pour les personnes vivant avec le VIH, la discrimination dans l’emploi peut rendre difficile, voire impossible pour beaucoup d’entre elles, de rester au travail quand elles sont malades ou de retourner au travail quand leur santé s’améliorera. En conséquence, ils comptent souvent sur les programmes de sécurité du revenu pour satisfaire leurs besoins fondamentaux en nourriture et de logement. Pour certains, travailler est un élément central de leur identité et une source d’estime de soi. Ne pas être en mesure de travailler, que ce soit en raison de problèmes de santé ou de discrimination peut être pénible. L’emploi a un effet important sur la santé physique, mentale et sociale d’une personne. Le travail rémunéré procure un sentiment d’identité et de sécurité, des contacts sociaux et des possibilités de croissance personnelle. En ce qui a trait au logement par exemple, un hébergement stable est étroitement lié aux résultats positifs des traitements. Cette stabilité permet de mieux accéder aux soins médicaux, aux ser-vices communautaires et de mieux adhérer à la prise de médicaments anti-VIH. Plus votre situation de vie est stable, mieux vous vous portez.
De quelle manière vivent ils/elles la discrimination liée au VIH dans leur vie de tous les jours ?
La discrimination du VIH est souvent alimentée par les mythes de la transmission occasionnelle du VIH et des préjugés préexistants à l’encontre de certains groupes, de certains comportements sexuels et de la consommation de drogue. Les personnes vivant avec le VIH craignent souvent de dire aux autres qu’elles ont le VIH, par peur de la stigmatisation ou de la discrimination. Cela peut conduire à l’isolement et avoir un impact significatif sur la santé physique et mentale ainsi que sur le bien-être émotionnel. Ils peuvent aussi développer une image négative d’eux-mêmesi et vivre avec la crainte d’être discriminés ou jugés négativement si leur statut VIH est révélé. La discrimination peut aussi engendrer des sentiments de honte, de peur de divulgation et de désespoir. Ces mêmes sentiments peuvent parfois empêcher les gens de se faire tester et traiter pour le VIH.
Quel aide votre organisme peut-il leur donner, quel genre de suivi faites-vous avec les personnes vivant avec le VIH ?
La Maison d’Hérelle a pour mission d’assurer un milieu de vie, des soins et un accompagnement adaptés aux personnes vivant avec le VIH/sida dans une perspective de santé globale et en complémentarité avec les réseaux public et communautaire de la santé et des services sociaux. Nous détenons 4 milieux de vie: la Maison d’Hérelle, sur la rue Saint-Hubert, se concentre sur les besoins de convalescence, de répit et de soins palliatifs. Les Satellites d’Hérelle s’adressent aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles légères et qui sont confrontées à diverses formes de pauvreté. Les Studios d’Hérelle, offre un soutien communautaire permanent à ceux qui font face aussi à diverses formes de pauvreté. Pour sa part, Le 3738, accueille les personnes vieillissantes avec le VIH qui sont en perte d’autonomie.
Considérez-vous que cette population vit un vieillissement prématuré ?
Définitivement, c’est ce que les professionnels de la santé et la Maison d’Hérelle ont remarqué ces dernières années. Grâce aux antirétroviraux, les personnes vivent plus longtemps et le fait de vieillir avec le VIH peut augmenter le risque de souffrir plus tôt de maladies normales liées à l’âge. L’activation immunitaire accrue et l’inflammation chronique persistante, provoquées par le VIH, sont consi-dérées comme des acteurs principaux du processus de vieillissement précoce. Cet état de fait entraine l’apparition de maladies qu’on associe habituellement avec l’âge. Cette évolution est souvent accélérée chez les personnes qui vivent avec le VIH.
Quels genres de maladies chroniques ou de problèmes de santé ces personnes traversent-elles?
D’autres affections, comme le diabète et les maladies cardiaques peuvent compliquer la gestion de l’infection par le VIH. De plus, le VIH peut influencer le risque de – liées à l’âge, telles que la démence, la perte osseuse et certains cancers. Certains survivants aux VIH, qui ont dû composer pendant plusieurs années avec le deuil de leurs amants et amis, vivent aujourd’hui des épisodes de dépression, d’anxiété, de toxicomanie et d’alcoolisme. Ils se retrouvent souvent dans l’incapacité d’imaginer ou de planifier positivement l’avenir. Et, il ne faut surtout pas oublier ceux qui subissent les conséquences des tout premiers traitements comme la lipodystrophie et les maladies rénales.
Comment voyez-vous l’arrivée des nouvelles bithérapies vis -à-vis les trithérapies?
Des régimes efficaces comportant moins de médicaments devraient éventuellement réduire les coûts, favoriser l’adhérence et diminuer le risque d’interactions médicamenteuses et d’effets secondaires. Une meilleure qualité de vie, c’est ce que la bithérapie se propose d’offrir. Puisque les personnes qui vivent avec le VIH doivent prendre des médicaments tout au long de leur vie, le fait d’en prendre moins devient une proposition intéressante pour les individus et le système de santé. Les nouveaux traitements simplifiés seront, selon moi, bienvenus.
Voyez-vous la bithérapie comme la suite logique aux traitements de type trithérapie?
Il s’agit vraiment d’une avancée importante puisque les études démontrent que la bithérapie a une efficacité non inférieure à la trithérapie et qu’elle ne présente aucun cas de résistance.
Quels avantages sociaux ou économiques (s’il y a lieu) y aurait-il à passer à la bithérapie ?
J’aime la philosophie de consommer moins de médicaments. Le but fondamental de tout traitement antirétroviral est d’améliorer la qualité de vie du patient tout en maintenant la suppression virologique. La bithérapie nous propose un régime efficace, avec moins de médicaments, qui est susceptible de réduire les coûts et favoriser l’adhérence. Le potentiel de diminuer le risque d’interactions médicamenteuses et d’effets secondaires justifie largement sa raison d’être. À mesure que la population de personnes vivant avec le VIH vieillit, il est de plus en plus nécessaire de prendre plus de médicaments, pour des affections non liées au VIH, ce qui entraîne une complexité accrue de la polypharmacie et du traitement.
Maison d’Hérelle T. 514- 733-6965 ou maisondherelle.org

Cette entrevue a été rendue possible
grâce au soutien de VIIV Healthcare