Mercredi, 12 février 2025
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    Xavier Gould veut «queer up» l’Acadie!

    Xavier Gould célèbre les identités queer rurales acadiennes par tous les moyens. Avec son humour, sa drag, sa poésie et ses conférences. Sans s’effacer. Sans s’excuser. Sans se dénaturer.

    S’identifiant avec le pronom non genré «iel», l’Acadien.ne de 25 ans est à la fois connu.e pour Jass-Sainte, un personnage queer qui a grandi dans les bois, et Chiquita Mare, qu’iel décrit comme une vieille «matante sua brosse» qui vient de laisser son homme et qui fait du lipsync sur de vieilles chansons acadiennes folk. Un univers que l’artiste connaît bien, après une enfance passée à Shédiac. Une ville où l’identité queer n’était pas simple à porter.

    «La liste de choses mises de l’avant pour illustrer la bonne identité à avoir dans cette communauté comprenait la francophonie, l’acadienneté, une bonne job, une pension, faire des sports, aller à la chasse, et l’hétéronormativité. Pour quelqu’un qui essaie de se trouver en tant qu’ado, c’est presque impossible d’explorer qui tu dois devenir. Je sais qu’un ado hétéro cisgenre qui a grandi au même endroit a sûrement traversé des difficultés, mais au moins, il avait la liberté de comprendre qui il était.»

    Xavier Gould Photo Franky Photography

    En tant que personne queer, Xavier s’est battu.e contre tout un système. «Le simple fait d’aimer le même sexe que toi, juste pour ça, tu vas à l’encontre de toutes ces caractéristiques de l’identité qui monopolise la communauté. Donc, il faut que tu caches qui tu es.»

    L’adolescent.e a survécu en s’impliquant partout: improvisation, comités scolaires, jeunesse francophone de la province. L’écriture lui a également servi de bouée de sauvetage. «Depuis un jeune âge, je tiens un journal. J’écris mes observations. J’analyse la situation socio-politique et je décris ce qui est fucké dans le monde. Pendant longtemps, je ne me considérais pas auteur. Je me dis poète depuis peu de temps seulement.» Iel s’est surtout concentré sur l’art dramatique, à l’Université Mount Allison de Sackville. Peu après, est né le personnage humoristique de Jass-Sainte, qu’iel a présenté en tournée au Nouveau-Brunswick, au ZooFest de Montréal et à l’animation du Congrès mondial acadien en 2019. «Les gens sont très attachés à elle. À ses débuts, une grande portion de l’Acadie ne savait pas comment réagir aux réalités queer. Et tout d’un coup, un personnage acadien clairement queer et difficile à définir leur a permis de rire de quelque chose sur des bases communes. Ça leur a donné une façon d’embrasser ce qui se passe dans le monde, y compris chez eux.»

    Xavier Gould a toutefois réalisé avec les années que Jass-Sainte limitait ce qu’iel voulait exprimer. «Je sentais que je pouvais seulement parler de choses queer au premier degré avec ce personnage, mais pas de sujets graves. Depuis octobre 2019, je suis donc en sabbatique de Jass-Sainte.» Au fil du temps, un autre personnage s’est imposé: Chiquita Mare, l’équivalent phonétique acadien de «Who’s your mamma?». «Chiquita, c’est un peu Xavier qui se met en drag et qui monte le volume de sa sensualité et de son côté farfelu. Ça se voit dans mes perfor-mances et dans mes maquillages. C’est moi qui s’exprime sans essayer d’être accessible à un public hétéronormatif cisgenre. La communauté de Moncton est vraiment happy de mon drag!»Témoin de première ligne, l’interprète voit les choses évoluer peu à peu au Nouveau-Brunswick, en Acadie et dans sa ville natale.

    «Shédiac essaie aujourd’hui d’ouvrir ses portes et d’être plus inclusive. En 2018, on a assisté à la première levée du Pride flag. Il y a des choses qui s’opèrent pour casser des patterns et changer des mentalités implantées depuis longtemps.» Plus on l’écoute parler, plus on constate l’interrelation de sa créativité et de son militantisme. «Si tu enlevais l’aspect queer de mon art, je ne me considérerais pas artiste. Je suis un artiste multidisciplinaire queer acadien.» lel explique ensuite que l’Acadie a eu son lot d’artistes LGBTQ+, mais qu’ils étaient très peu connus.

    «Pourtant, dans la chanson Le monde a bien changé, qui évoque la déportation des Acadiens en 1755, il est aussi question d’homosexualité et d’ouverture d’esprit. Les gens des coins ruraux chantent la chanson, mais personne ne sait qu’elle a été écrite par une personne gaie. C’est tellement frustrant. Les gens queer ont toujours existé. Ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas une mode.»

    Xavier Gould a sa petite idée pour expliquer la place prépondérante qu’occupent les notions queer dans l’espace public depuis quelques années. «Avec l’épidémie du SIDA, on a perdu des gens qui ont bâti la culture queer, comme à New York et à San Francisco. Ça a pris des années avant que de nouvelles personnes y accordent de l’importance. Aujourd’hui, on rattrape le temps perdu.

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