Suite à la mort de sa femme, Émile Sever élève son fils seul. Florian souffre d’une malformation à l’une de ses jambes et son père, craignant qu’il ne soit ridiculisé ou pris en pitié, confine l’essentiel de leur existence à l’enceinte d’une petite ferme qui semble se situer dans la France du début du 20e siècle.
Mais Émile vieillit et sent que la fin approche. Il ne rêve alors plus que d’une chose : s’assurer que son patrimoine, si rudement acquis, se transmette à une nouvelle génération. Il embauche donc une domestique, caressant le désir secret que des liens se nouent avec son fils, que des épousailles soient célébrées et qu’elle donne naissance à une descendance.
De son côté, Florian accueille la nouvelle venue avec hostilité, mais semble se résigner à un éventuel mariage. Il cache cependant lui-même un secret : Joseph, l’apprenti cordonnier du village, lui a caressé la plante du pied avec douceur afin de lui confectionner une chaussure sur mesure. Jamais il n’avait ressenti une telle émotion et les deux hommes en viennent rapidement à partager le même lit. L’action se déroule cependant à une époque où ces amours demeurent interdites et le mariage prescrit aura donc lieu, un enfant naîtra (dont le père n’est pas celui que vous croyez) alors même que le cœur de Joseph se porte vers un ailleurs différent qu’il souhaite partager avec Florian. Brigitte Pilote brosse le portrait émouvant et tout en retenue, de quatre solitudes qui s’entrecroisent, mais ne s’enlacent que rarement.
Dans un contexte où chaque parole est mesurée, le moindre geste n’en devient alors que plus bouleversant. Je pense notamment au cadeau de mariage, confectionné par Joseph, qui tient lieu d’une alliance plus forte que la célébration officielle imposée à Florian. Est-il cependant possible d’aller à l’encontre d’une époque et de la tyrannie des carcans qu’elle forge en nous??
INFOS | La femme qui rit/Brigitte Pilote. Paris : Seuil, 2020. 159p.