«Ce n’est pas “pas dans ma cour”, c’est que la cour est déjà pleine !»
Le 3 novembre dernier, la SDC Village Montréal faisait parvenir au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, une lettre expliquant la situation d’insécurité dans laquelle le secteur se trouve. Cette lettre faisait suite à l’annonce par le ministre que l’Hôtel Place Dupuis pourrait accueillir jusqu’à 400 personnes itinérantes ou marginalisées pendant l’hiver. Une mesure qui en a surpris plus d’un.
«La vitalité socioéconomique du secteur a été gravement affectée durant les derniers mois. Après une saison estivale fortement ébranlée par la pandémie de COVID-19, les quelque 255 commerçant.e.s du Village craignent la transformation de l’Hôtel Place Dupuis en unité de débordement de près de 400 lits. La SDC comprend ce choix, comme de nombreuses ressources pour ces clientèles marginalisées sont localisées dans le Village», peut-on lire dans cette lettre signée par Jean-Philippe Loignon, le président du conseil d’administration de la SDC et par Yannick Brouillette, le directeur général de la SDC.
«Cet été, une ressource d’hébergement d’urgence similaire a été implantée dans le secteur et les impacts pour la dynamique sociale ont été catastrophiques. Pas seulement pour l’activité commerciale, mais aussi pour les résident.e.s, les travailleur.euse.s et toutes les
personnes qui transitent dans le quartier. En l’absence d’animation et de touristes dans les rues du Village, le nombre d’incivilités a explosé : défécations en pleine rue, injections et transactions de drogues devant les commerces, bagarres quotidiennes, vandalisme. Les commerçant.e.s du Village côtoient la misère humaine TOUS LES JOURS dans l’espace public», poursuit-on dans cette lettre.
La pandémie de COVID-19 a grandement déstabilisé le Village, artère commerciale qui vit, en grande majorité, de la restauration et des bars. Qui plus est, l’été dernier, une série d’incidents, y compris violents, en lien avec l’itinérance, sont survenus dans le Village. Commerçants, résidents et visiteurs ne pouvaient que noter l’ambiance d’insécurité qui y régnait et qui, malheureusement, menait à mal encore plus ce secteur de la ville.
Le hic dans tout ça, est que l’Hôtel Place Dupuis agira comme refuge de nuit, et le jour, les gens sont renvoyés dans la rue… Exactement comme ce fut le cas, l’été dernier, avec l’aréna Camillien-Houde.
Qu’on se comprenne bien, ce n’est pas que la SDC ne désire pas que cette clientèle marginalisée soit logée dans cet hôtel. Il s’agit plutôt de pouvoir venir en aide encore plus à ces personnes, avec l’ajout d’intervenants, de travailleurs sociaux, de psychologues, etc., et ce, en assez grand nombre pour intervenir adéquatement et rapidement.
«On n’est pas insensible. Ici, ce n’est pas ‘’pas dans ma cour’’, c’est que la cour est déjà pleine ! On a un urgent besoin du déploiement de ressources pour les personnes en crise, etc. […]», précise Yannick Brouillette.
Une rencontre vidéo a eu lieu le 5 novembre avec divers intervenants de la Ville, dont la mairesse Valérie Plante et Robert Beaudry, du CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, des organismes communautaires, etc. «On a appris qu’il y aura un plan qui sera mis en place pour sécuriser les alentours de la Place Dupuis, mais qu’il n’y avait aucun plan d’ensemble pour ce territoire, explique Yannick Brouillette. […] On déplore qu’il n’y ait pas de plan sur l’impact socioéconomique et sécuritaire pour le secteur. On a vu comment le Village a été durement éprouvé au printemps et à l’été, on ne veut pas que cela se reproduise», ajoute-t-il.
Pour l’instant, il n’y a eu aucun écho de la lettre expédiée au ministre Lionel Carmant. «C’était la première étape. On tirait ainsi la sonnette d’alarme sur ce qui se passe et les médias l’ont rapporté. S’il n’y a pas de nouvelles du ministre, la deuxième étape sera d’aller voir vers d’autres sources potentielles et d’autres ministères, comme le ministre fédéral Steven Guilbeault, qui est le député pour cette circonscription. Le quartier a été très mis à mal et il a un besoin urgent d’aides supplémentaires pour s’en sortir», estime le directeur général de la SDC Village Montréal.
«Le Village s’en tire difficilement en ce moment, en partie en raison de ce sentiment d’insécurité qui y règne, poursuit Yannick Brouillette. On a hâte aussi que les restos et les bars rouvrent pour qu’il y ait plus d’activité et d’achalandage. On prépare le printemps prochain. On travaille sur un projet de 1,5M$ pour la saison 2021 et 2022 qui comprend mobilier urbain, nouveau décor remplaçant les boules de Claude Cormier et de l’animation. Et, pour la première fois, ce projet inclus une stratégie hivernale. Il y a de belles choses qui s’en viennent.
Pour cet hiver, les tubulaires rétroéclairées seront de retour avec un nouveau visuel et les lumières dans les arbres ont été installées pour embellir la rue et redonner un certain cachet à la rue Sainte-Catherine Est.»
«L’hiver va être très difficile» croit Yannick Brouillette, mais les beaux jours seront au rendez-vous l’an prochain».