Comme à chaque année, on souligne le 1er décembre la Journée mondiale de lutte contre le sida. Cette année marque les 40 ans de l’apparition de la maladie qui, au fil des ans, a fait des dizaines de millions de victimes à travers le monde. Au Québec, et à Montréal en particulier, de jeunes médecins se sont illustrés par leur implication dans les soins aux patients, les traitements et la recherche. À partir de 1981 et jusqu’à l’avènement des trithérapies en 1996, des hommes gais et bisexuels sont morts par dizaines. Une soirée veut rendre hommage à ces battants et aux patients survivants.
Le 1er décembre, le public est invité au Centre St-Pierre (1212, rue Panet), de 18:30 à 21:00 pour une soirée de discussions et d’échanges sur le vécu des personnes qui ont fait l’histoire de la lutte contre cette maladie. Cet évènement est organisé par le Dr Jean-Pierre Routy, infectiologue au Centre hospitalier de l’Université McGill et coprésident local de la Conférence internationale sur le sida (en juillet prochain) et par le Réseau Sida-MI. Une retransmission virtuelle est également offerte sur la plateforme Zoom (mais il faut s’inscrire auparavant pour obtenir le lien).
Yanick Villedieu, ex-journaliste scientifique de Radio-Canada, animateur de l’émission scientifique Les années lumière et auteur d’un récent livre sur les 40 ans du sida intitulé Le deuil et la lumière : une histoire du sida (Éditions du Boréal), en sera le coanimateur et coprésident. La prolifique autrice Catherine Mavrikakis agira à titre de coanimatrice et coprésidente de cette soirée.
«Pour la première fois, le 1er décembre vient souligner les 40 ans de la découverte de la maladie, dit le Dr Jean-Pierre Routy. C’est beau et triste à la fois. Ça nous donne à réfléchir sur tout le chemin parcouru. C’est ce qu’on veut faire avec cette soirée, soit de laisser les gens parler de leurs expériences, revoir les pionniers comme Réjean Thomas, Pierre Côté, Jean Robert, Jean-Guy Baril, etc., tous des médecins qui se sont engagés très tôt avec une approche non jugeante envers les patients. Les ‘’médecins en jeans’’, comme on disait à l’époque.»
«Mais il n’y a pas que les médecins; il y a eu aussi, dès le tout début, une belle réponse communautaire qui a été très particulière ici, avec la création d’organismes pour aider les malades et, trop souvent, pour les soigner lors de leurs derniers jours, comme la Maison Ludovic, la Maison d’Hérelle, la Maison du Parc, la Maison Plein Cœur, etc.
Il faut se rappeler qu’il n’y avait rien les premières années pour soigner les patients. Normalement, un médecin est là pour trouver des solutions et non pour être confronté à la mort des malades, mais on n’avait aucun traitement, nous étions tristement résignés à les voir mourir et on ne pouvait que les accompagner vers ce décès», de dire le Dr Jean-Pierre Routy. Il faut savoir que, jeune médecin pratiquant au Centre Hospitalier Général de sa ville natale d’Aix-en-Provence, le Dr Jean-Pierre Routy a fait face à cette nouvelle maladie quinze jour après avoir commencé sa résidence à l’hôpital. C’était en 1982. «J’ai reçu un appel d’un jeune patient, il avait 26 ans, il faisait des crises, souffrait d’un lymphome du cerveau et d’une tuberculose atypique. Pour moi, c’était un mystère», de dire le Dr Routy. Ce patient était donc à peine plus jeune que lui. Il décèdera quelques semaines plus tard. Ce patient et cette circonstance ont orienté la carrière du Dr Routy vers la recherche pour trouver un traitement contre le VIH.
«C’était très difficile, parce que ça touchait des jeunes hommes gais, donc venant d’une minorité», rajoute ce médecin.
Une collaboration qui ne se voyait pas ailleurs
Très vite, des cliniques spécialisées se sont créées pour traiter cette clientèle, comme celle de L’actuel ou encore du Quartier latin. Contrairement à d’autres grandes villes, ici ce sont ces cliniques qui ont pris les devants non seulement pour essayer de soigner ces patients, mais aussi pour participer à des recherches. «Nous avons vu une belle collaboration entre les hôpitaux, les cliniques, les instituts de recherches, etc. On a ainsi prouvé que par les relations sexuelles, on transmettait un virus muté; c’était une innovation dans le domaine. Une recherche menée par le Dr Mark Wainberg a permis le génotypage des patients pour ensuite leur offrir les meilleurs médicaments possibles pour leur situation propre. Nous étions en avance sur plusieurs pays. La France, par exemple, a été en retard sur le Québec de huit ans», spécifie le Dr Routy. En effet, toutes les cliniques participaient aux recherches scientifiques et ce, pour une longue période de temps; les patients étaient enrôlés par centaines, sinon par milliers, dans ces études sur les médicaments et les futurs traitements. Mais il n’y a pas que les Drs Routy et Wainberg (décédé en 2017), il y a eu aussi les recherches du Dr Rafick-Pierre Sékaly (déménagé en Floride en 2009, à la suite des coupures budgétaires du gouvernement Harper) qui portait sur un éventuel vaccin pour le VIH et l’hépatite C.
«Une personne nouvellement infecté l’avait probablement été par quelqu’un qui avait lui-même été infecté récemment, parce que dans les premiers temps suivant son entrée dans le corps, le virus est très contagieux, souligne le Dr Routy. Au début, on ne le savait pas. C’est ce que nous a démontré la recherche, donc on a compris le besoin de traiter tôt et fort pour faire fléchir la transmission. On ne s’en rend pas compte, mais cette découverte provient de Montréal. C’était énorme parce qu’on avait le moyen de faire baisser la transmission et de soigner les patients dès qu’ils étaient infectés par le VIH. On pouvait alors mieux combattre le virus! C’est un autre exemple de cette collaboration entre les médecins, les chercheurs, les cliniques, etc.»
«Mais il ne faut pas croire que ça s’est arrêté avec les médecins de ma génération, poursuit le Dr Jean-Pierre Routy. Au contraire, il y a une nouvelle génération de chercheurs à Montréal qui travaillent pour trouver de nouvelles façons de combattre le VIH. Comme Nicolas Chomont (professeur à l’Université de Montréal) et Pierre Gantner (postdoctorant œuvrant avec Chomont) qui poursuivent la recherche sur les réservoirs du virus, par exemple dans le cerveau. Il y aura d’ailleurs une présentation là-dessus à la Conférence internationale sur le sida, l’été prochain (voir article à ce sujet). Ce n’est donc pas fini et c’est prometteur pour l’avenir des traitements!»
À noter que cette soirée au Centre St-Pierre sera précédée de la vigile annuelle en hommage aux personnes décédées du VIH-sida, de 17h à 18h au parc de l’Espoir (à l’angle des rues Panet et Ste-Catherine), en présence d’organisateur.trice.s communautaires et de représentant.e.s d’associations. Cette vigile est organisée par la Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le sida (TOMS).
INFOS | Pour inscription : Mario Legault à l’adresse courriel [email protected]
Centre St-Pierre, salle 100 – Marcel Pépin, rez-de-chaussée, 1212, rue Panet
(entre rue Ste-Catherine et boulevard René-Lévesque).